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Cet océan d’être dans lequel nous avons à nous perdre

« Plus que les satisfaits, plus que les dispersés, plus que le croyant trop habitué ou le dogmaticien trop sûr de lui, tel athée qui pouvait croire à jamais dissipée l’illusion théiste, et qui poursuivait dans l’égarement sa quête impossible, est capable de reconnaître, à travers un de ces témoins, le Visage de Dieu. Peut-être, en attendant, nous aidera-t-il, par cette insatisfaction perpétuelle et par cette négation même qui ne sont chez lui que l’aspect extérieur, la traduction inadéquate d’une quête réellement positive, à ne pas retomber nous-mêmes dans une attitude figée, sacrilègement possessive.

Peut-être nous aidera-t-il à mieux comprendre, ou du moins à mieux apercevoir que Dieu doit être pour nous « l’éternelle Découverte et l’éternelle Croissance » ; qu’Il nous échappe dès que nous croyons Le tenir, dès qu’Il cesse d’être, comme dit Grégoire de Nysse, « le Cherché » ; que nous avons à Le chercher en effet pour le trouver, mais aussi toujours, comme dit Augustin, à Le trouver pour Le chercher encore. Et peut-être alors nous sera-t-il donné en retour d’aider notre interlocuteur à concevoir que Dieu, c’est cet « océan d’être dans lequel nous avons à nous perdre pour nous trouver nous-mêmes, — et que cet océan d’être est un océan d’amour, — ce qui fait de Lui l’Etre suprêmement et absolument Personnel : pourvu que nous ne réduisions pas la personne aux limitations et à la fermeture de nos chétives individualités, mais que nous la comprenions comme l’épanouissement et la condensation parfaite, éternellement actuelle et vivante, de cette ébauche d’être qui, déjà, palpite au plus profond de nous. » Peut-être enfin, de la sorte, dans une commune et humble conviction de notre impuissance à saisir Celui dont le retrait fait notre grandeur, aurons-nous pris mutuellement conscience de notre plus profonde fraternité.

De telles pensées entretiennent notre espoir. Si, comme on l’a écrit, « l’athéisme moderne n’est plus un point d’arrivée, mais un point de départ », si « c’est une situation dans laquelle on se trouve et à partir de laquelle il faut penser et agir », il est permis d’espérer que cette nouvelle marche sera une marche à la rencontre de Dieu. Dieu n’est jamais en arrière, parmi les déchets. En quelque direction que nos pas nous portent, le voici en avant qui surgit, le voici qui nous appelle, et si vraiment nous avons progressé, nous le retrouvons lui-même grandi. Aussi pouvons-nous supporter sans défaillir la nuit provisoire où nous plongent les « éclipses de Dieu », et concevoir même, sans témérité, le rôle providentiel possible d’un athéisme en lequel se prépare une nouvelle floraison de la foi : « Je suis certain que la foi est le printemps du monde, comme l’athéisme en est l’hiver. Mais l’hiver contient toujours le printemps. »

 

Extrait: Henri de Lubac, Athéisme et sens de l’homme moderne, Chapitre 4

Photo : © Analia Pasquali, Atardecer en la carretera

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