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« Les huit montagnes », histoire d’une amitié

« Je ne pensais pas trouver un ami comme Bruno dans la vie. Ni que l’amitié était un lieu où l’on plante ses racines et qui reste là à nous attendre. »

L’introduction du drame « Les huit montagnes » résume en quelques mots et de manière sobre la trame de ce chef d’œuvre réalisé par le couple belge Charlotte Vandermeersch et Felix Van Groeningen. Le film est inspiré du livre éponyme de Paolo Cognetti, qui raconte l’histoire d’une amitié entre Pietro, un jeune garçon de Turin, et Bruno, le dernier enfant d’un village du Val d’Aoste. Le film fut remarqué au Festival de Cannes 2022 où le Prix du Jury lui fut décerné.

 

 

Durant l’été de ses onze ans, les parents de Pietro louent un chalet à Grana, un village du Val d’Aoste, pour y passer les vacances. Là, Pietro se lie d’amitié avec Bruno, le dernier enfant du village. Petit citadin, il découvre avec son ami la beauté des montagnes et la joie des jeux au grand air. C’est aussi l’occasion pour lui de découvrir une autre facette de son père, d’ordinaire accaparé par son travail et colérique : dans ce décor des Alpes, il se révèle être un montagnard passionné et initie les garçons à l’alpinisme.

Après avoir été séparés durant près de quinze ans, Bruno et Pietro se retrouvent à Grana suite à la mort du père de ce dernier. C’est dans cette amitié retrouvée que Pietro tente de se réconcilier avec son passé et que tous deux cherchent et découvrent leur vocation.

« Les huit montagnes » est un film magnifique et étonnant, qui parle d’amitié, de beauté, de douleur et de sacrifice aussi. Il semble qu’il y ait trois acteurs principaux : Bruno, Pietro… et l’amitié qui les lie. Au fil du temps, on découvre à quel point cette amitié est essentielle pour tous deux. Déjà lorsqu’ils sont enfants, on perçoit dans ce rapport une grande chasteté, une vraie recherche du bien de l’autre. Par exemple, lorsque ses parents projettent d’emmener Bruno à Turin afin de lui garantir une bonne scolarité, Pietro, bien que souffrant chaque année de la séparation d’avec son ami et de l’ennui qu’il vit dans cette ville pluvieuse, s’emporte contre ses parents et s’oppose à cette décision, bien conscient qu’éloigner Bruno de ses chères montagnes serait une grande souffrance pour lui. Bien plus tard, alors qu’il est confronté à une décision « injuste » de son ami, et après avoir tenté de lui ouvrir les yeux sur la vérité (ce qui d’ailleurs débouche sur un conflit rude et viril entre les deux compères), Pietro finit par accepter douloureusement la décision et accueille le choix de son ami, avec un grand respect de sa liberté.

A la fin du film, dans les dernières scènes, on découvre à quel point Bruno et Pietro se connaissaient bien, intimement. On est presque surpris de découvrir une telle communion entre les deux hommes, tant leurs rapports sont habituellement silencieux ! En effet, au cours de l’histoire, on les voit souvent ensemble, partageant la vie quotidienne, dans un grand silence. Ils parlent peu, mais dans leurs rares dialogues, ils se communiquent les choses essentielles.

Le film parle des « huit montagnes », il parle de la « périphérie », des séjours de Pietro au Népal, des années de recherche et d’errance, … mais il parle surtout de cette amitié, de la « montagne centrale ». Peu à peu, le spectateur découvre à quel point cette relation est et devient le but de la vie des deux hommes, le lieu central à partir duquel chacun grandit, devient lui-même peu à peu ; le lieu central qui demeure même lorsqu’on se trompe, se fâche, s’éloigne, meurt.

Pietro est un personnage particulièrement émouvant. C’est un jeune homme peu sûr de lui, indécis. A la mort de son père, avec lequel il était fâché et sans contact depuis dix ans, il découvre que durant tout ce temps, Bruno (qu’il vient de retrouver après quinze ans de séparation) est resté proche de ses parents. Et surtout, il apprend par sa mère que Bruno demandait régulièrement de ses nouvelles. On peut voir à ce moment une expression très belle sur son visage : alors qu’il croyait cette amitié d’enfance brisée, interrompue, il découvre que Bruno n’a jamais cessé de se préoccuper de lui et de l’aimer. Au fil du temps, on voit le personnage de Pietro évoluer, gagner en assurance… Les deux hommes vivront des difficultés, des errances, des séparations et des pertes… mais ce qui perdure est cette amitié toujours présente et auprès de laquelle chacun trouve refuge. Et elle semble d’autant plus forte, plus gratuite lorsque l’un d’eux est perdu. Lorsque Bruno, qui semble toujours si sûr de lui, décidé, indépendant, se retrouve sans rien : sans son alpage, sa femme, sa fille. Il a alors l’humilité d’accepter que Pietro vienne le retrouver dans ses montagnes, interrompant pour cela son séjour au Népal. Bruno reconnaît ainsi à quel point il est nécessiteux de cette amitié.

 

 

Il y a une scène très belle où on voit Pietro au Népal. Il parle de son ami, avouant que d’ordinaire, lorsqu’il est en voyage, les deux hommes ne s’appellent pas, ne cherchent pas à communiquer. « Ce n’est pas nécessaire, nous savons que l’amitié est là. C’est ma mère qui se charge parfois de communiquer entre nous, venant au secours de deux hommes taiseux. » (C’est elle, d’ailleurs, qui apprend à son fils qu’on vient de retirer à Bruno son alpage en raison de ses dettes).

« Les huit montagnes » n’invite pas seulement à la contemplation de l’amitié, cette « troisième actrice ». Le film tout entier est une merveille à regarder. Chaque plan est une photo soignée. Les réalisateurs nous entraînent à travers des paysages de montagnes et de nature magnifiques, en même temps qu’à travers le silence des dialogues et les questions essentielles…

 

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