Terre de Compassion vous offre une retranscription de l’entretien que Mgr Georg Gänswein a donné à la section germanophone de radio Vatican. Marqué par la tristesse mais serein, il nous livre avec simplicité les derniers instants du pape émerite.
Georg Gänswein et le Pape Benoit XVI (Source)
Comment avez-vous vécu les derniers instants du pape, quels étaient ses derniers mots ?
Revenons au lundi 26.12, jour de la St Etienne. Ces deux dernières années, j’ai toujours accompagné le pape Benoit dans son fauteuil roulant d’un endroit à l’autre, comme par exemple de son studio vers la salle à manger où l’attendaient les Memores pour partager le repas.
Le mardi, je n’ai pas eu le temps de prendre tout le repas car je devais me rendre à l’aéroport. Je lui ai dit que je serai bien parti deux jours pour un temps en famille, visiter mes frères et sœurs, mes tantes et quelques amis. Ce à quoi il m’a répondu : « Allez-y, allez-y ». J’ai aussi demandé au médecin si c’était possible, il n’y a pas vu d’inconvénient. Je suis donc parti, mais ai reçu le lendemain matin à la première heure un coup de téléphone d’une Memores me disant : « le pape ne va pas bien. – Comment cela, il ne va pas bien ? – il a vraiment l’air mal en point ». J’ai parlé avec le médecin : « son état a brutalement empiré ». Je suis rentré donc par le premier avion le 27 décembre, pour la St Jean, et à 13h j’étais déjà de retour. Je me suis approché de son lit et ce que j’ai vu m’a effrayé. Il était en pleine crise respiratoire. Il avait vraiment du mal à respirer, visiblement quelque chose n’allait pas avec les poumons. C’est le jour où le pape François, lors de l’Angelus, a appelé à prier pour le pape Benoit. Je n’étais pas encore arrivé, lorsque juste après l’Audience, le pape François, s’est rendu auprès de lui, a prié et l’a béni. Je suis ensuite arrivé. Le mercredi soir fut vraiment difficile, j’ai même demandé au médecin s’il allait passer la nuit : « D’un point de vue médical, je ne suis pas en mesure de vous répondre. »
Le jeudi, à notre grande surprise, il semblait aller beaucoup mieux, ce que le médecin ne semblait pas capable d’expliquer. Le vendredi, les choses se sont à nouveau compliquées. J’ai dit au Saint Père que j’allais lui administrer le sacrement des malades, puis que nous allions célébrer la messe dans sa chambre. Il y a consenti et a participé en pleine conscience. Il n’a pas concélébré, étant allongé dans son lit. Je lui ai donné quelques gouttes du sang du Christ pour la communion, car depuis 2-3 jours, il ne pouvait plus rien manger. La nuit de jeudi à vendredi fut à peu près normale.
Durant sa dernière nuit (du vendredi au samedi), les derniers mots compréhensibles prononcés par le pape Benoit furent : «Signore ti amo ». Je l’ai appris du soignant en larme lorsque que je suis venu le lendemain matin dans sa chambre. Le 31, en l’espace de 3 heures, nous avons assisté à un déclin rapide. Grâce à Dieu l’agonie n’a duré que 45 minutes, bien qu’on ne puisse pas la délimiter précisément d’un point de vue médical. On peut parler d’un sentiment partagé entre nous qu’il était arrivé au but. Il est mort à 9h43.
En repensant à ses derniers mots, je ne peux pas ne pas me rappeler l’homélie que le cardinal Ratzinger, doyen du collège, avait prononcé lors des funérailles de Jean Paul II le 8 avril 2005. Il s’était attaché à méditer sur la question du Seigneur posée trois fois à Pierre : « M’aimes-tu ? ». Puis vient le « Suis-moi ! ». La dernière parole du cardinal fut alors : « De la maison du Père, Jean Paul II nous voit et nous bénit ». J’étais sur la place St Pierre, à proximité de l’autel, ce fut pour moi un moment inoubliable. Cela m’a marqué, car de nouveau les mêmes paroles que des années plus tôt : « ti amo » en italien. Il a réussi.
Qu’est-ce que Joseph Ratzinger a apporté à votre vie ? Qu’est-ce qui va le plus vous manquer ?
Sa personne naturellement, sa gentillesse, sa foi, sa clarté, son courage, sa capacité à souffrir pour sa foi. Quand on parle de la via crucis, ce n’est pas juste un beau mot pour l’histoire de l’art, c’est aussi une pièce du grand trésor de la spiritualité et de la foi.
Je pense au mot gioia, sa joie. La foi donne la joie, Jésus le dit dans l’Evangile de St Jean : « Je suis venu pour que vous ayez la joie en plénitude ». C’est très beau, si humain, et puisque la vie continue, voilà des trésors d’une grande profondeur où je pourrai à l’avenir, et j’espère d’autres avec moi, toujours puiser.
Je vous remercie pour cet échange. Merci aussi d’avoir accompagné notre pape Benoit si longtemps et si fidèlement.
Vergelt’s Gott, merci !
Propos tenus en allemand et traduits par Clément Imbert