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Don Giussani : le génie prophétique de Giacomo Leopardi

Nous fêtons ce 29 juin les 225 ans de la naissance de Giacomo Leopardi (1798-1837), ce grand poète italien qui exprime si bien le mystère de la disproportion entre nos désirs d’infini et la pauvreté de notre nature. Leopardi était un homme brisé, dans sa santé et dans ses relations. Bossu et de santé fragile, il vécu une vie solitaire et souvent monotone à son goût. Jamais résigné, il reste jusqu’au bout fidèle à ses désirs d’infini qui le font tant souffrir. Cette attitude proche du désespoir a marqué le jeune Luigi Giussani qui regarde la poésie de Leopardi comme une prière, un cri, une ouverture vers le ciel. Pour Giussani, la poésie de Leopardi dévoile la situation du cœur de l’homme, écartelé entre la pauvreté de sa condition et l’élan de son désir.

 

Giacomo Leopardi (Source: Internet)

J’ai « rencontré » Leopardi dans ma plus tendre jeunesse et j’ai étudié ses « Chants ». Depuis lors, je crois ne plus avoir passé une journée de ma vie, sans réciter quelques strophes de ses poésies. Sachant cela, mes amis m’ont incité à venir ici aujourd’hui, non pas pour développer une enquête exhaustive au sujet de son œuvre, du point de vue littéraire, historique ou exégétique, mais simplement pour donner le témoignage de ce que la poésie de Leopardi a suscité et suscite encore dans mon âme d’homme et de croyant. Ceci est, par conséquent, la limite de ma présentation, qui voudrait être exprimée de façon familière et amicale.

Pour décrire ce que la poésie de Leopardi suscite quotidiennement en moi depuis tant d’années, je dois partir de la découverte que j’en ai faite, d’où vient mon grand amour pour lui. Comme je le disais, j’ai étudié Leopardi alors que j’avais douze ou treize ans, et je fus très blessé par cette lecture ; je n’étudiais plus que sa poésie, pendant quelques mois, la tête dans mes mains. En première année de lycée, alors que j’avais quinze ans, j’ai découvert que la négation chez Leopardi, – cette négation qui m’avait tant blessé psychologiquement auparavant -, était postiche ; elle n’était qu’un manifeste cherchant vainement à étouffer un cri humainement vrai, un cri qui révélait une promesse structurelle. J’ai compris alors – et cela fut ensuite toujours confirmé jusqu’à aujourd’hui – que la négation, la réponse négative aux problèmes ultimes de la vie qui caractérisait le sensualisme – cette philosophie qui dominait le monde culturel de l’époque de Leopardi – n’était pas une idée de Leopardi ; elle était un vêtement surajouté à un cœur, si authentiquement humain, qu’il ne pouvait que réaffirmer la positivité du destin. Le cri des exigences qui constituent le cœur de l’homme est si fort, ce cri est si puissant et beau qu’il est impossible de ne pas se sentir naturellement transpercé et de dire : « Oui, c’est vrai » ; autrement dit on doit se mettre au moins à l’écoute et rester ouvert à la possibilité d’une réponse positive.

 

© Jean-Marie Porté

 

Je voudrais commencer mon commentaire en m’appuyant sur des textes du poète et sur les thèmes concernant le premier élément de l’anthropologie leopardienne, à savoir le premier aspect du regard que l’homme pose sur lui-même : ce que Leopardi appelle « la sublimité de l’émotion ». La formule indique la densité d’émotion, de désir ardent et de crainte énigmatique, causés par la disproportion entre l’homme et la réalité. Cette disproportion est tragique, car, d’une part, la réalité semble objecter cyniquement une limite à la grandeur de l’homme et d’autre part l’immensité du créé, la souveraineté de la réalité semblent souligner l’extrême petitesse et la banalité éphémère de l’homme. La sublimité de l’émotion est donc provoquée par le constat d’une disproportion entre le « je » et la réalité, dans les deux sens que nous avons présentés.

L’hymne leopardienne est celle qui souligne le mieux, et le plus clairement, cette disproportion qui réveille en l’homme des sentiments plus élevés que la banalité quotidienne. Dans cette poésie, Leopardi souligne, crie et communique de façon puissante que la question constitue le contenu de cette disproportion, ou mieux de cette sublimité de l’émotion. Par conséquent, toute la négativité sensualiste apparaît factice et cérébrale, comme je le disais auparavant. Cette négativité laisse donc intact le mode d’expliciter cette disproportion et cette sublimité de l’émotion de l’âme ; elle n’étouffe pas la question qui nous fait nous lever le matin, tel un aiguillon : « Une épine me point, / Si bien qu’assis, j’ai de la peine/ A trouver une place, à connaître le calme. [1]Chant nocturne d’un berger errant d’Asie vv. 119-121

Je souhaite donc lire avec vous la poésie Sur le portrait d’une belle dame sculpté sur son tombeau qui est l’une des plus belles de notre auteur :

Telle tu fus [tu étais si belle] : et maintenant sous terre
Tu es poudre et squelette. Sur les os et la fange
Vainement immobile,
Considérant muet le vol des âges,
S’élève, pour ne garder que souvenirs
Et souffrance, le simulacre
De la beauté passée. Ce doux regard
Qui fit trembler quand, comme ici sur d’autres
Il s’arrêta ; cette lèvre d’où l’on dirait,
Comme d’une urne pleine, déborder
Le plaisir ; ce cou, jadis étreint
Par le désir ; cette amoureuse main
Qui si souvent, où elle fut offerte,
Sentit froidir la main qu’elle serrait ;
Et ce sein pour lequel on vit pâlir
Plus d’un visage,
Tout cela fut jadis : et maintenant
Tu n’es plus qu’os et fange. Une pierre cache
Cette affreuse, amère vue.

C’est à quoi le Destin réduit
Ce visage qui parmi nous parut l’image
La plus vive du Ciel. Perpétuel mystère
De notre condition.

[Voilà la sublime émotion qui jaillit de la disproportion]

Source aujourd’hui
De pensées vastes, d’émotions profondes, indicibles,
La beauté croît, et telle une lumière
Par la nature sur ces sables répandue,
Semble donner aux hommes
Le signe et l’assurance de destins divins,
D’heureux royaumes et de mondes dorés ;
Demain, d’un heurt léger,
Devient hideux à voir, abominable, abject
Ce qui fut autrefois pareil
Au visage d’un ange,
Et du même coup, l’admirable pensée
Qu’il inspirait, se défait dans l’esprit.

[« l’admirable pensée » : image de l’être, de la vie. Voilà la strophe de la disproportion. Mais la plus belle est encore celle qui suit, qui est pour moi la plus belle strophe de la littérature italienne :]

Une harmonie savante
Inspire par vertu naturelle au songeur
Des désirs infinis,
Des visions fières ;

[« Une harmonie savante », une beauté complexe, constituée par tant de facteurs ; la beauté, « une harmonie savante », crée chez le « songeur », chez celui dont la pensée est vague, des « désirs infinis ». Cela rappelle le dantesque Ulysse, comme l’indique l’image suivante : le songeur est un chercheur, un pèlerin :]

Ainsi sur une mer exquise, mystérieuse
Erre l’esprit humain
Comme à plaisir,
Nageant avec audace en l’océan.

[Voilà Ulysse]

Mais qu’une dissonance
Heurte l’oreille, sur l’instant
Ce paradis s’anéantit.

Nature humaine, comment peux-tu,
Si tu es à ce point fragile et basse,

[si tu es totalement fragile, si tu es si ignoble]

Si tu n’es qu’ombre et poudre, nourrir de si hauts songes
Et si tu as gardé quelque noblesse,
Comment des causes aussi basses peuvent-elles
Si aisément susciter puis briser
Tes plus dignes élans ?

Il s’agit, par conséquent, de la disproportion entre les facteurs qui nous constituent. La réalité, en fait, est un facteur qui nous constitue, ainsi que notre âme, qui est grande comme source d’émotion, et pourtant si fragile devant le cours hasardeux des choses. La vérité, pour Leopardi, ne peut être une négation, mais se trouve dans ce « Perpétuel mystère/ De notre condition. », dans la demande finale adressée à la nature humaine : « Comment peux-tu / Si tu es à ce point fragile et basse, / Si tu n’es qu’ombre et poudre, nourrir de si hauts songes ? » Il s’agit en définitive de ce que j’appelle le jeu de la pénombre.

Si vous tournez le dos à la lumière, vous qualifierez la pénombre « d’introduction à l’obscurité totale », autrement dit, le dernier mot sera l’obscurité totale ; mais, si vous tournez le dos à l’obscurité, vous direz « voici le vestibule de la lumière », le dernier mot sera la lumière. Des deux positions, l’hypothèse la plus adéquate au phénomène est la deuxième, car la première n’explique même pas la possibilité de la pénombre. L’ombre n’explique pas la pénombre. A mon avis, voilà le véritable message que Leopardi porte sur l’expérience humaine.

 

© Jean-Marie Porté

 

Le génie est toujours prophète ; il exprime inexorablement ce pour quoi l’homme est destiné et son cri confirme l’attente pour laquelle l’homme est fait. Nous connaissons tous ce « vieillard blanchi, malade, / Demi-nu, sans chaussures, / Un lourd fardeau sur les épaules » [2]Chant nocturne d’un berger errant d’Asie, vv 21-23 qui va terminer sa route dans le néant : « Un gouffre immense et plein d’horreur, / Où dans l’oubli de tout, il s’abîme. » [3]v. 35-36 Mais nous verrons que l’homme ne peut s’arrêter là, l’aile delta de l’homme reprend de l’altitude : « Cependant, voyageuse éternelle, errante solitaire, / Tu es pensive et tu comprends peut-être » [4]v. 61-62 et quelques lignes plus loin : « Tu le connais… » [5]v. 69 . Il s’agit de la même question puissante et ouverte que nous avions lue à la fin de la poésie précédente : « Comment des causes aussi basses peuvent-elles / Si aisément susciter puis briser/ Tes plus dignes élans ? » [6]Sur le portrait d’une vieille Dame, v. 54-56 .

Et chacun de nous se souvient du poème Le soir du jour de fête – car il s’agit d’une poésie que l’on étudiait facilement autrefois, avec Le Samedi du village, Le repos après l’orage, et A Sylvia – lorsque le poète s’en va sur le lieu de réunion du soir, parce qu’il recherche l’attention de la femme qu’il aime, mais celle-ci ne lui accorde même pas un regard, et il rentre chez lui désespéré :

Et je me jette ici à terre, et je crie et je tremble.
Ô jours atroces dans un âge si vert. Las ! sur la route

[ de façon improvisée :]

J’entends au loin le refrain solitaire
De l’artisan, tard dans la nuit, qui rentre,
Après les plaisirs, à sa pauvre maison.
Et durement mon cœur se serre
En songeant que tout passe dans le monde
Sans laisser presque de trace. Voici, le jour de fête
A fui, au jour de fête un jour banal
Succède : le temps emporte ainsi
Toute aventure humaine. Mais où donc est le bruit
De ces peuples anciens ? Où le renom
Des illustres aïeux, l’immense empire
De Rome, et ses armes, et le fracas
Qui recouvrit la terre et l’océan ?
Tout est paix et silence, le monde entier
Repose, on ne parle plus d’eux.
Dans ma jeunesse, à l’âge où l’on attend
Avidement la fête, et quand la fête
Etait finie, je restais à veiller,
Plein de douleur ; et très tard à la nuit,
Un chant qu’on entendait par les chemins
En s’éloignant peu à peu s’effacer,
Déjà comme aujourd’hui me déchirait.

 

La grande réalité humaine qui s’évanouit dans le temps, la conscience d’être ce point minuscule qui exalte de façon démesurée l’émotion de l’homme, cette sublimité de l’émotion, constituent le premier facteur de la conception de l’humanité exprimée par Leopardi.

Mais dans les poésies que nous avons citées, se trouve déjà le deuxième facteur de ce sentiment de l’homme : je pourrais utiliser le mot rêve, mais je préfère le mot exaltation. C’est un facteur connexe au premier. En fait, la disproportion que l’homme vit entre la réalité et lui, ce sentiment tragique, sublime et tragique que la disproportion accentue, permet de reconnaître, dans la réalité, une sollicitation au « rêve humain ».

Pourquoi ce sentiment tragique naît-il ? Leopardi affirme que la réalité fait rêver l’homme, l’exalte, dans le sens latin du mot, saisit l’homme et le fait émerger dans toutes ses dimensions. L’homme, qui était comme recroquevillé et endormi, sort de lui-même et déploie sa stature entière. La réalité exalte l’âme de l’homme et donne par cette exaltation, « une étincelle de rêve » qui est l’âme de la vie : malgré la souffrance de la disproportion et le caractère tragique du sentiment, ce qui donne le goût de vivre est cette « étincelle de rêve » par lequel la réalité exalte l’âme de l’homme.

 

Aprendiendo a hablar. © Analia Pasquali

 

Cette conception de la vie comme rêve fait de la disproportion une source de profondes méditations, auxquelles le génie de Leopardi saura donner des images, des paroles et une musicalité sans comparaisons dans toute la littérature italienne. Je crois que l’hymne le plus caractéristique est Chant nocturne d’un berger errant d’Asie ; il s’agit d’une étincelle de rêve, comme je le disais, qui jaillit de la négation elle-même. Leopardi décrit le vieillard qui court avec un lourd fardeau :

Par les montagnes et les vallées,
Par les rochers aigus, les dunes et les ronces,
Dans le vent, dans l’orage, quand flambe
L’heure ou qu’elle est glace ;
Il court, le souffle bref,
Franchit torrents et marécages,
Tombe, se lève, se hâte encore,
Sans trêve, sans repos,
Meurtri, sanglant, jusqu’à venir enfin
Où le menaient sa route et son effort :
Un gouffre immense et plein d’horreur,
Où dans l’oubli de tout il s’abîme.
Lune vierge, telle
Est la vie d’un mortel.

[Leopardi met en lumière l’exaltation qui en découle]

Cependant, voyageuse éternelle, errante solitaire,

[Pèlerin du ciel]

Tu es pensive et tu comprends peut-être
Ce qu’est notre vivre terrestre.
Notre douleur, nos soupirs, ce qu’ils sont,
Ce qu’est la mort,
Cette pâleur suprême du visage,
Et de périr au monde
Et de quitter la compagnie des aimés.
Et le pourquoi des choses
Tu le connais, tu vois le fruit
Du soir et du matin,
De la marche infinie et muette du temps.
C’est toi qui sais à quel sien doux amour
Rit le printemps,
A qui profitent les chaleurs, ce que poursuit
L’hiver avec ses glaces.
Tu sais et tu découvres mille choses
Qui sont cachées au simple pastoureau.
Parfois je te contemple,
Debout muette sur la plaine déserte
Dont le cercle lointain confine au ciel ;
Ou bien me suivant pas à pas
Quand je marche devant mes bêtes,
Et que j’admire au ciel les étoiles ardentes,
Alors, songeur, je me dis en moi-même :
A quoi servent tant de flambeaux ?
Que veut cet espace infini ? Que dit ce calme
Du ciel profond ? Que signifient
Ces vastes solitudes ? Et moi, qui suis-je ?

C’est une exaltation du sentiment de soi, qui soumet la vie de l’homme à une tension ultime ; la vie de l’homme est dominée par une tension ultime, par une tension de réponse ultime, par une ultime solution. Il s’agit de « la pensée dominante » qui, évidemment, peut prendre le visage de la femme aimée, de la nature contemplée, ou des pensées à propos « du vol des âges », du flux du temps et de l’histoire qui peut acquérir en chaque homme une image définie ; c’est cette image qui le fait vivre. Chaque homme a en lui, même sans s’en rendre compte, une image qui lui permet de vivre.

Très douce, très puissante
Souveraine du plus profond de mon esprit ;
Terrible, précieux
Présent du Ciel ; soutien
De mes lugubres jours,
Pensée que si souvent devant moi je trouve.

De ton mystère
Qui ne parle ? Qui ne sent
Parmi nous ton pouvoir ? Et cependant,
Toutes les fois que le trouble du cœur
Pousse la langue à dire ses effets,
Ce qu’elle conte paraît neuf.

[Cette image, qui symbolise la réponse à notre attente, quelle soit consciente ou non, est comme une source toujours nouvelle, étant « Souveraine du plus profond de mon esprit »]

Comme il se dépeupla,
Dès le moment où tu y pris demeure,
Mon esprit ! De tous côtés,
S’enfuirent, prompte foudre,
Tous mes autres pensers. Telle une tour
Dans la campagne solitaire
Tu restes seule en son centre, géante. […] [7]La pensée dominante, v. 1-20

Chaque homme identifie ce bonheur, ce destin, à « ce pourquoi il vaut la peine de vivre ». C’est ainsi qu’il vit et qu’il existe. Au point de vue esthétique, la tension de Leopardi est contraire à celle de Jacopone da Todi ; Jacopone a son sommet et son inspiration musicale la plus aiguë au début, tandis que Leopardi l’a toujours à la fin, comme pour le Chant nocturne d’un berger errant d’Asie :

Peut-être si j’avais des ailes
Pour voler sur les nues
Et visiter les astres,
Ou bien comme l’orage errer,
Je serais plus heureux, mon doux troupeau,
Je serais plus heureux, lune candide.

[Peut-être serais-je plus heureux si j’étais plus évolué, se demande le poète. Mais il est mort, voici plus de cent cinquante ans, et nous observons toujours l’homme qui erre « d’un mont à l’autre » comme l’orage, avec ses jets privés, nous le voyons « visiter les astres », par-delà les nues, avec ses missiles ; mais peut-on dire pour autant qu’il soit plus heureux ? Non !]

Ou peut-être que loin du vrai ma pensée erre
En comparant au mien le sort des autres ;
Peut-être sous toutes formes,
Dans toutes conditions,
Dans le berceau comme dans la tanière,
Le jour de la naissance est pour celui qui naît
Un jour funeste.

Cette conclusion ne laisse aucun espoir d’un « peut-être » : cela indique une chute imprévue.

Ce rêve et cette exaltation ne sont donc qu’une chimère, même si à certains moments réapparaît l’image que l’homme identifie, consciemment ou non, avec ce qu’il attend et qu’il espère, réveillant ainsi une expérience de bonheur et de joie immense. Comme il est dit encore dans La pensée dominante [8]vv 100-111

[…] Vers quel monde, quelle nouvelle
Immensité, quel paradis m’enlèvent
Ou semblent m’enlever tes sortilèges !
Là j’oublie,
Sous une autre lumière que la nôtre errant,
Ma condition terrestre
Et la face du vrai !
Tels sont je crois, les songes
Des Immortels. [L’homme semble parfois être dieu] Hélas ! douce pensée,
Tu n’es enfin qu’un songe,
A peine plus, dont se pare le vrai :

[Un songe pour embellir la crudité du vrai, autrement dit de la réalité]

Songe et visible erreur […]

« Tu n’es enfin qu’un songe ». Par conséquent, tout ce qui apparaît comme attirant et exaltant dans la rencontre entre le « je » et la réalité a l’inconsistance du songe ; le contenu de la conscience de l’homme est appelé par Leopardi une mémoire cruelle. C’est le troisième élément que je voulais souligner. Il s’agit d’une souffrance qu’évoquait déjà un poète antique [9]Cf Lucrèce, De rerum natura, vv 1133-1134 (…quoniam medio de fonte leporum surgit aliquid quod in ipsis floribus angat : au cœur de la source du plaisir jaillit quelque chose d’amer, une veine d’amertume, qui serre le cœur, qui brûle le cœur de cette même joie.

 

Silent Prayers. © Jean-Marie Porté

 

Comme Leopardi l’écrit dans son poème intitulé les Souvenirs, cette mémoire cruelle est présente, même dans les expériences les plus nouvelles et passionnantes :

[…] Et pour compagne de mes plus beaux songes,
De mes plus beaux désirs, et des tendres, amers
Mouvements de mon cœur, j’aurai ta mémoire cruelle. [10]vv 170-174

Il ne peut y avoir de véritable conscience humaine sans cette mémoire cruelle.

L’hymne le plus beau, qui éclaire la pensée de Leopardi à ce sujet, est justement Les Souvenirs. Je ne vais pas le lire, mais je voudrais souligner un élément concernant le contenu normal de la conscience de l’homme. Leopardi remarque que la jeunesse est le point de comparaison constant de l’homme. A n’importe quel âge, à n’importe quel moment, l’homme, sans même s’en apercevoir, fait une comparaison avec sa jeunesse ; c’est durant la jeunesse que tout semble un rêve. La jeunesse est « Ô, de la vie aride, fleur unique ! », elle est à la fois la grande illusion et le moment qui correspond le plus au désir et à l’attente de l’homme.

Leopardi, exprime cela de façon remarquable dans le poème : La vie solitaire [11]vv 39-55 :

[…] Amour, amour, tu t’es envolé
de mon cœur qui fut si chaud naguère,
brûlant même. Le malheur l’a serré dans sa main froide,
il s’est glacé à la fleur de ses ans. Je me souviens du temps
où tu descendis dans mon sein. C’était ce temps plein de douceur,
irrévocable, où la scène misérable de ce monde
s’offre au jeune regard riante comme un paradis.
Le cœur du jeune garçon bat d’espérance pure et de désir ;
déjà le malheureux mortel se prépare aux travaux de cette vie
comme à une danse ou un jeu. Mais à peine t’avais-je découvert,
amour, que la Fortune avait brisé ma vie,
et qu’à ses yeux ne convenait plus que pleurer. […]

Cette vision d’une mémoire cruelle met en lumière l’organisation morale et sociale de la vie de l’homme proposée par Leopardi ; pour lui, le monde est une injustice qui « glace de même horreur les innocents et les coupables » Au printemps ou des fables antiques, [12]vv 84-85 ; la vie éprouve de la même façon les innocents et les coupables. Il évoque cette injustice de façon plus grave encore dans le poème Brutus mineurAinsi des criminels / Tu es le protecteur, ô Jupiter ? ») où les criminels semblent posséder la force de la réalité.

Mais la parole la plus consolante est celle qu’il dit plus loin : « Et le souci de nous n’a point fait blêmir les étoiles ». Aucun souci humain ne fait blêmir les étoiles. Ce caractère indissoluble de la nature, qui pourrait être considéré comme le symbole et le rappel de la positivité totale, est utilisé ici comme accusation suprême du cynisme de la nature. Les étoiles persistent à regarder, de A. Joseph Cronin, contient la même accusation. Nous retrouvons cela dans l’un des poèmes les plus significatifs de Leopardi, Le Livre. Là où le génie ne préserve pas la dimension religieuse, la nature devient un décor impassible en face de la souffrance et de la tragédie de l’homme, alors que là où l’artiste conserve ce regard religieux, la nature fait partie du pathos humain, elle fait partie de la tragédie ou de la joie de l’homme. La structure poétique la plus accomplie et la plus vivante, qui est la Liturgie de l’Eglise catholique, affirme profondément l’unité entre la douleur et la joie, l’attente et la désillusion de l’homme, le péché et le bien, le bien et le mal, avec la nature et ses rythmes.

Cette injustice provoquée par le pouvoir de la réalité dans sa confrontation avec l’homme, innocent ou non, rend le monde répugnant : Leopardi parle de « cet âge vaniteux », à propos de son temps dans la pensée dominante [13]vv 60-64 :

Qui se repaît de vides espérances,

[elle se nourrit d’espérances vides]

Aime les contes et hait la vertu ;
Cet âge sot qui adore l’utile
Et ne voit point la vie
Se faire chaque jour plus inutile – […]

Cette description correspond très bien à notre chère époque : « cet âge vaniteux/ qui se repaît de vides espérances », les idéologies « contes » qu’elle aime, mais « hait la vertu, cet âge sot qui adore l’utile », l’utile comme unique critère de notre monde, « et ne voit point la vie/ Se faire chaque jour plus inutile ».

Si j’ai accepté de parler aujourd’hui, c’est pour franchir, avec Leopardi, deux autres pas au-delà du « non » et de la négation. Le premier pas est bien évident dans l’hymne à Aspasie, dédié à l’une des nombreuses femmes dont il était tombé amoureux :

[…] Un rayon divin : telle apparut à ma pensée,
ô dame, ta beauté. Les accords musicaux
et la beauté font même effet,
qui souvent semblent révéler
le haut mystère d’Elysées inconnus.

[Ta beauté, ô femme, me rappelle quelque chose de l’au-delà, « un rayon divin », de même que la musique qui semble protéger « le mystère d’Elysées inconnus ». Un mystère de bonheur, quelque chose de l’au-delà, de plus heureux : la beauté de la femme rappelle tout cela.]

L’homme blessé,
dès lors, désire la fille de son esprit,
cette amoureuse Idée qui renferme tant de ciel, […]

[L’homme alors désire, il tombe amoureux de cette image qui se trouve derrière le visage de la femme, il s’éprend de cette source d’émotion qu’il devine, au-delà du visage de la femme, comme au-delà de l’instrument de musique. « L’homme blessé/ dès lors désire la fille de son esprit » : de son esprit, car cette émotion ou ce rappel se produit dans la conscience.]

L’homme blessé,
dès lors, désire la fille de son esprit,
cette amoureuse Idée qui renferme tant de ciel [le bonheur]
toute pareille – visage, façons, langage – à la femme que l’amant ravi
croit confusément aimer.

[L’homme croit aimer et désirer, alors qu’il confond la femme se trouvant devant lui et cette autre chose, que cette femme précise lui rappelle.]

Or, ce n’est point celle-ci, mais celle-là, même quand il l’étreint, qu’il idolâtre.

[non pas la femme qui se trouve devant lui mais ce qu’elle éveille.]

Quand enfin il découvre son erreur, sa confusion, il s’irrite ;

[à un certain point, la femme se révèle incapable de soutenir la comparaison avec l’image qu’elle a elle-même suscitée, et alors l’homme s’irrite, autrement dit, il se décourage.]

et souvent accusant la femme à tort
De cette noble image,

[cette image qu’elle-même a suscitée]

la nature féminine n’approche que rarement ;
et ce que sa beauté inspire à ses généreux amants,
la femme n’y songe point et ne saurait le comprendre.
Une telle pensée ne tient point sous son front étroit […]

Leopardi, dans cet hymne à Aspasie, affirme donc que quelque chose d’autre sollicite l’homme et c’est à cela que l’homme rend hommage. En fait, « Quand enfin il découvre son erreur, sa confusion, il s’irrite » : l’homme prend conscience que la femme qui est devant lui est disproportionnée par rapport à l’image que cette même femme a suscitée. Son enthousiasme concernait ce qui avait été réveillé en lui-même.

Mais, si la limite des choses, la limite de la femme ne définit pas ce que l’homme est appelé à être par sa présence, si la limite des choses que Leopardi a vue, la limite de cet univers qu’il contemplait ne le définit pas, alors, il devient nécessaire de franchir le deuxième pas au-delà de la négation. Autrement dit, nous devons introduire un concept extrêmement important, « le mot suprême » pour la raison de l’homme, le terme « signe ». Dans l’expérience racontée par la poésie Aspasie, et dans divers textes, la femme est signe de quelque chose d’autre ; conscient ou non dans son regard critique, l’homme de Leopardi subit le dynamisme avec lequel ce signe l’atteint. Et lorsqu’un homme n’est pas défini par les limites de sa situation, il affirme qu’une présence l’appelle et le provoque ; cela signifie que l’homme appelle et affirme la présence de quelque chose d’autre.

Ce passage, à mon avis, est clair dans la poésie de Leopardi : l’affirmation de la réalité comme signe. Cette disproportion, cette émotion sublime, cette exaltation et ce rêve, cette mémoire cruelle qui demeure même dans les meilleurs moments, tout cela peut devenir objet d’un jugement négatif ; mais un tel jugement de négativité, à propos de l’existence, est une option. Le « non » est un choix, ce n’est pas un motif. L’expérience d’un homme qui vit renferme quelque chose qui dépasse son rapport avec la réalité : la réalité dont il vit ne le définit pas, elle fait naître en lui un monde, une interrogation, qui provoque une crise par l’impact suscité par cette interrogation. Voilà pourquoi, j’insiste : si un homme n’est pas défini par ses propres limites, s’il n’est pas défini par ce qu’il est, si un attrait demeure ouvert dans la réalité, cela signifie l’inévitable affirmation d’une présence, d’une réponse ultime. Une telle affirmation d’une présence positive ultime est tellement implicite dans la raison, comprise comme conscience du réel, que Leopardi a fini par la reconnaître.

 

© Analia Pasquali

 

Il y eut un instant, dans la vie de Leopardi où il reconnut cette présence. Les critiques et les spécialistes de ses œuvres, comme Giulio Augusto Levi, ont identifié ce moment comme le plus vrai de sa conscience et de sa vie intérieure. Leopardi reconnaît d’abord dans l’hymne à Aspasie, que la réalité touche l’homme et lui fait prendre conscience qu’il n’est pas défini par ses limites, ni par les limites du rapport avec le réel, avec sa femme ou avec la nature ; par conséquent, la réalité lui apparaît comme le signe de quelque chose d’autre. Il arrive ensuite à admettre et à reconnaître ce « quelque chose d’autre ». Cela se réalise dans une poésie que les meilleurs critiques considèrent comme le clou de tout son itinéraire. C’est une poésie admirable, avec laquelle je voudrais conclure ce que j’ai été capable, ou incapable de dire aujourd’hui.

Dans le sillage de ce que nous avons dit en commentant l’hymne à Aspasie, Leopardi a eu, dans une période équilibrée et puissante de son existence, une intuition plus claire. Dans l’hymne à Aspasie il dit en substance : « Toi, ô femme tu suscites en moi quelque chose, et en aimant ce que tu éveilles en moi, je finis par ne plus t’aimer car tu es disproportionnée par rapport à ce que tu suscites en moi » ; mais, à un certain point particulièrement intense, Leopardi adresse une hymne non plus à telle ou telle femme, non plus à l’une des si nombreuses femmes dont il était tombé amoureux, mais à la Femme, avec un F majuscule, à la Beauté, avec un B majuscule. C’est l’hymne à cette idée amoureuse que chaque femme suscitait en lui : une idée amoureuse qui est comprise comme une présence réelle. Je crois qu’il suffit de lire ce chant pour être conquis. Il est intitulé à sa Dame.

Chère beauté qui, lointaine, l’amour
M’inspires, soit le visage caché – Sauf si en songe, divine ombre,
Tu me touches le cœur –
Soit dans les champs où brillent

[ô beauté qui te caches derrière le visage d’une femme, ou « le visage caché » qui m’apparaît dans le rêve nocturne et réveille l’attrait à travers l’ombre de la nuit, ou bien, qui te caches derrière un spectacle de la nature.]

Plus beaux le jour et le rire du monde,
Peut-être as-tu béni
Le siècle pur qui de l’or prit son nom,
Ou voles-tu, âme parmi les hommes,
Sans aucun poids ? Ou la Fortune avare
Te cache-t-elle à nous pour nos enfants ?

[Où es-tu Beauté, Beauté avec un B majuscule, qui te caches derrière le visage d’une femme, derrière le caractère fascinant d’un rêve nocturne, ou derrière le spectacle de la nature ? Peut-être es-tu dans l’âge d’or dont parlent les fables, ou peut-être arriveras-tu dans un temps futur.]

Désormais de te voir vivante
Nul espoir ne me reste ;
Sinon alors, alors que seul et nu
Par de nouveaux chemins vers un lieu étranger
S’en ira mon esprit.

[Au-delà de la négation ! Je n’ai plus aucun espoir de te voir vivante sur cette terre aride, ni de te rencontrer, ô Beauté, à moins que je ne te rencontre lorsque, par « de nouveaux chemins », par un étrange sentier, « vers un lieu étranger », vers une demeure inconnue, s’en ira mon esprit.]

Un jour déjà,
A l’aube de mon vague et sombre jour,

[dès mon enfance, alors que j’étais petit]

Sur cet aride sol je te rêvai
Compagne de voyage.

[Dès mon enfance, j’espérais te trouver, un jour ou l’autre, sur les chemins du monde.]

Mais rien sur terre
Ne te ressemble : et fût une autre telle
Par le visage, le maintien, la voix,
Elle serait, si proche, bien moins belle.

Quelle grande douleur
Qu’aux jours de l’homme assigne le Destin,
Si, vraie et telle que mon cœur te peint,
Quelqu’un ici t’aimait, bienheureuse quand même
Lui serait cette vie ;

[Si moi, qui cherche à t’imaginer, si je réussissais à retenir cette image qui se produit dans mon imagination, si je pouvais la retenir pour toujours, je serais déjà heureux, même dans cette tentative imaginaire.]

Et je vois bien qu’encore
Ton amour me ferait comme jadis
Chercher gloire et vertu.

[si cet amour pour toi était encore vivant en moi, je chercherais encore la gloire et la vertu, et comme lorsque j’étais jeune, je chercherais encore la noblesse de la vie.]

Mais le Ciel n’a donné
Nul réconfort à nos malheurs ;
Et avec toi, pourtant, la vie ressemblerait
A celle qui peuple de Dieux le Ciel.

[mais le destin, le ciel, ne nous permet pas, au milieu de nos tracas, de garder vive cette image]

Dans les vallées où chante
La voix lasse du laboureur,
Où je m’arrête et me lamente
D’avoir perdu mon jeune aveuglement ;
Sur les collines où je revois et pleure
L’élan perdu, l’espérance perdue
De mes années, pensant à toi,
Se réveille mon cœur. Si je pouvais au moins,
Dans ce noir siècle et dans cet air funeste,
Sauver le noble signe : de l’image,
A défaut du réel interdit, satisfait !

Si tu es l’une
Des Idées éternelles à qui l’éternelle Sagesse
Ne daigna point donner un corps
Ni, parmi tant de caduques dépouilles,
Faire éprouver les maux d’une funèbre vie ;

[Si toi, ô Beauté, tu es l’une des habitants de l’Iperuranio de Platon, du monde idéal où toutes les choses sont parfaites ; si tu n’as pas refusé que l’éternel soit revêtu de chair, et si tu n’as pas refusé d’assumer les afflictions de notre vie mortelle pour rester dans ton ciel, là-haut.]

Ou si une autre terre dans les cercles hauts
T’accueille entre des mondes innombrables,
Et qu’un astre plus beau que le soleil de près
T’éclaire, et qu’un air plus doux te nourrisse :
D’ici où sont les ans tristes et brefs,
Reçois ce chant d’un amant inconnu

C’est en relisant ce passage, que tout Leopardi s’est illuminé pour moi, soudainement, alors que j’avais quinze ans, car il s’agit d’une prière sublime. Je me suis dit : qu’est-ce donc que cette Beauté avec un B majuscule, cette Femme avec un F majuscule ? C’est ce que le Christianisme appelle le Verbe, autrement dit, Dieu, Dieu comme expression, le Verbe justement. La Beauté avec un B majuscule, la Justice avec un J majuscule, la Bonté avec un B majuscule, c’est Dieu.

Alors, cette Beauté n’a pas seulement accepté de donner un corps à « l’éternelle Sagesse », ni de lui « faire éprouver les maux d’une funèbre vie », mais elle est devenue l’Homme qui est mort pour l’homme. L’homme n’est pas son « amant inconnu », c’est elle, présente, qui est l’amante inconnue de l’homme.

Le génie est prophète, comme je le disais, et cela est en fait une prophétie de l’Incarnation, dans le sens littéral du terme.

Désormais de te voir vivante
Nul espoir ne me reste ;
[…] Un jour déjà
A l’aube de mon vague et sombre jour,
Sur cet aride sol je te rêvai

Cela est aussi le message chrétien : la Beauté s’est faite chair et a éprouvé « parmi tant de caduques dépouilles / […] les maux d’une funèbre vie ». « Il est venu parmi les siens et les siens ne l’ont pas reconnu » [14]Jn 1, 11 dit l’Evangile de Saint Jean : amant ignoré parmi les siens, il est venu dans sa maison et les siens ne l’ont pas reconnu.

 

© Jean-Marie Porté

 

« Si tu es l’une / Des Idées éternelles » : cela est le cri naturel de l’homme, c’est le cri inspiré par la nature de l’homme, c’est le cri, la prière de l’homme, pour que Dieu devienne son compagnon et une expérience, mille huit cents ans après que cela ne se soit produit.

Si tu es l’une
Des Idées éternelles à qui l’éternelle Sagesse
Ne daigna point donner un corps
Ni, parmi tant de caduques dépouilles,
Faire éprouver les maux d’une funèbre vie ;

Ou si une autre terre dans les cercles hauts
T’accueille entre des mondes innombrables,
Et qu’un astre plus beau que le soleil de près
T’éclaire, et qu’un air plus doux te nourrisse :
D’ici où sont les ans tristes et brefs,
Reçois ce chant d’un amant inconnu

En effet, le message chrétien se trouve exactement dans cette strophe de Leopardi. Le message de Leopardi est donc puissamment positif, objectivement, et non par une interprétation tendancieuse de ma part. Cela est exaltant, car étant une expression du génie, elle ne peut être que prophétie.

 

Conférence donnée par Don Luigi Giussani aux universitaires du Polytechnique de Milan en 1985, et tirée du livre : Le mie letture, BUR, Milano 1996, p. 9-31.

Traduction JB

Les textes de Leopardi sont tirés de son anthologie « Cara Belta… »

References

References
1 Chant nocturne d’un berger errant d’Asie vv. 119-121
2 Chant nocturne d’un berger errant d’Asie, vv 21-23
3 v. 35-36
4 v. 61-62
5 v. 69
6 Sur le portrait d’une vieille Dame, v. 54-56
7 La pensée dominante, v. 1-20
8 vv 100-111
9 Cf Lucrèce, De rerum natura, vv 1133-1134 (…quoniam medio de fonte leporum surgit aliquid quod in ipsis floribus angat
10 vv 170-174
11 vv 39-55
12 vv 84-85
13 vv 60-64
14 Jn 1, 11
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