Le dernier film de Bruno Monsaingeon nous emmène découvrir la vie d’un quatuor célèbre : le quatuor Arod. Fidèle à lui-même, le réalisateur nous fait approcher chaque personne et sa réalité par le lien qu’il a créé avec chacun, ce qui rend ce quatuor particulièrement attachant.
Le défi de la célébrité de ce quatuor ne tient pas tant à ce que chacun est un génie (ce qu’ils sont) mais à ce que l’œuvre jouée ensemble dépasse largement la somme de chaque talent. Et c’est ce secret que nous fait découvrir Monsaingeon.
Le Quatuor Arod s’est donné comme figure un cheval imaginé par Tolkien dans Le Seigneur des Anneaux. Symbole de force et de fougue, il incarne aussi un esprit de liberté et de compagnonnage puisqu’il est monté à cru, sans rênes, par l’elfe Legolas.
Le film fait parler tour à tour le premier violon, Jordan Victoria, le deuxième violon, Alexandre Vu, l’alto, Tanguy Parisot et le violoncelle, Jérémy Garbarg. On découvre leurs racines, leur famille, qui pour certains est passionnée de musique et d’autres pas du tout. Tout au long du film, on sent que ce qui les réunit est un délicieux mélange de passion pour la musique, de dépassement de soi mais surtout une amitié profonde, une estime pour l’autre et un constant travail pour ajuster, jouer ensemble, chercher encore et toujours… Il y a là une sorte de génie de la communion rarement mis en valeur : une communion qui est le fruit d’un travail, d’un effort, porté non pas par une gloire personnelle mais quelque chose d’infiniment plus beau à réaliser ensemble. Ce magnifique film-documentaire montre un travail acharné, à la fois personnel et communautaire, dans une atmosphère souvent amicale et détendue, qui rend chacun des quatre artistes particulièrement lumineux. En ce sens, c’est assez touchant de percevoir comment chacun valorise sincèrement le talent de l’autre.
Un autre point bouleversant est l‘arrivée du dernier du quatuor, Jérémy Garbarg. Génie sur plusieurs plans, assez original et attachant, il dit avoir montré dès la première audition son vrai visage puisqu’après il ne pourrait pas se cacher d’être qui il est ! Ce qui le conduit à faire des critiques dès le premier morceau. Les autres l’ont « reconnu » car tout de suite, quelque chose était connecté entre eux en jouant.
Une autre scène marquante est celle avec le compositeur hongrois, György Kurtag, qui, a plus de 90 ans, leur fait répéter son œuvre Microludes. L’œuvre dure neuf minutes en tout mais il leur fait répéter pendant plus de deux heures et demie les huit premières mesures. Après une journée entière de travail, eux sont épuisés, et lui serait prêt à continuer toute la nuit, passionné qu’il est du détail de chaque note, de chaque harmonie comme si rien n’existait que cela. Le quatuor découvre toute une nouvelle finesse de la réalité musicale que les interprètes connaissent pourtant déjà, reconnaissons-le, sur le bout des doigts.
Ainsi, vivant presque tout le temps ensemble, ils sont comme une fratrie et très honnêtement, disent aussi que parfois ils craquent, ils en ont marre, ne trouvent pas les mots adéquats et heurtent l’autre, etc… une vraie fratrie. Mais une fratrie qui s’est choisie et qui sait pourquoi elle passe tant de temps ensemble et que le but poursuivi est plus grand.
Ce tableau musical et humain vous redonne le goût de vous passionner pour votre propre vie, même n’étant pas un grand artiste international, mais appelé à la même passion de la vie et au même travail de communion.