La tradition de la crèche est arrivée en Espagne grâce à Charles III (1716-1788) – Charles VII de Naples – qui s’est chargé de la promouvoir auprès de l’aristocratie madrilène. Cette tradition s’est rapidement répandue dans tous les foyers et est devenue, jusqu’à aujourd’hui, l’un des signes de dévotion les plus appréciés des Espagnols. Cette belle tradition attribuée à saint François d’Assise s’est consolidée en Italie à partir du XIVe siècle et, grâce aux Espagnols, s’est aussi rapidement enracinée en Amérique latine.
Le gouvernement de Madrid a son siège dans la Real Casa de Correos, sur la Plaza de Puerta del Sol, et offre chaque année aux visiteurs une crèche à grande échelle dans l’une de ses cours, ainsi que des concerts de chants de Noël. Le gouverneur de Madrid, Isabel Díaz Ayuso, a prononcé un discours le jour de l’ouverture, qui a toujours lieu le premier dimanche de l’Avent :
« Lorsqu’un enfant naît dans la famille, le monde est renouvelé, la vie quotidienne s’arrête et nous nous réunissons tous pour faire la fête. Il y a plus de 2000 ans, à Bethléem, un enfant promis depuis longtemps, est né pour nous tous. Il n’y a rien qui ne soit plus neuf que Noël, comme l’enfance elle-même. C’est ce que dit le Christ dans le Nouveau Testament : « Je fais toutes choses nouvelles » [1]Apocalypse 21, 5 .
Quelques pages seulement des évangélistes nous rappellent ce qui s’est passé, mais elles sont pleines des mots de Noël : réjouissance, bonne nouvelle, annonce, conception, salut, jubilation, bienheureux, joie, allégresse, merveilles. Dieu se fait homme et vient dans ce monde avec des mots de joie et d’espérance. Avant de mourir, quand il sait que ce sera sa dernière nuit dans cette vie, il pleure. Il pleure parce que la vie est précieuse, parce que chaque jour est un miracle, un cadeau et une chance. C’est pourquoi le message de l’ange aux bergers est célèbre : « N’ayez pas peur » [2]Luc 2, 10 , comme celui de Jean-Paul II à un monde qui avait peur, comme aujourd’hui encore, il craint la guerre, la menace d’une guerre nucléaire.
Noël nous rappelle que le pessimisme est impossible pour un chrétien car le christianisme consiste à reconnaître la liberté et à y faire appel. L’avenir n’est pas écrit et le message chrétien nous laisse le message de la rédemption, du pardon. C’est pourquoi, dans le monde qui a hérité de la perspective chrétienne, le nôtre, que nous soyons croyants ou non, nous croyons aux secondes chances, à la réconciliation, aux accords. Nous, les Espagnols, l’avons fait pendant la période de Transition, et les fruits en ont été quelques-unes des meilleures décennies de notre histoire.
Cependant, le mot Noël est de moins en moins lu et entendu. On l’appelle de moins en moins par son nom. Ne le laissons pas censurer, ne nous le laissons pas enlever. Ceux qui le détestent – ils sauront pourquoi – vont à l’encontre de tout ce qui est innocent, de tout ce qui est beau dans ce monde. On arrive même à ne plus compter les années depuis la naissance du Christ, ou plutôt on compte à partir de sa naissance, mais en omettant le Christ. C’est comme s’il n’existait pas, une double trahison de l’histoire et de ce que nous sommes. Le passé et les nouvelles générations sont spoliés de l’héritage du christianisme. Et cela ne manque pas : la haine du christianisme au sein même du monde chrétien n’a rien à voir avec un manque de foi, elle s’accompagne toujours d’un mépris de l’homme, qui est un mépris de la personne libre, unique, irremplaçable, digne. Sous prétexte de déterminisme, de négation de la liberté, de l’ idéologie, il s’agit de défaire un héritage millénaire, qui nous donne cette façon de voir la vie, il s’agit de nous méconnaître, de nous perdre.
Mais comme nous l’a rappelé Jean-Paul II : « L’amour vainc toujours » et « Dieu est confié à chacun, tous, et à tous, chacun » [3]discours aux jeunes au Stade National de Santiago du Chili, jeudi 2 avril 1987 . Nous sommes libres et responsables, libres de vivre et responsables des autres et de nous-mêmes. Nous ne pouvons pas délaisser les autres, nous sommes appelés à prendre soin les uns des autres.
Le symbole de Noël est le portail. La Vierge, saint Joseph et l’enfant sans abri dans une crèche. Les bergers et les gens de la campagne leur apportent leurs cadeaux et partagent ce qu’ils ont. Le pape qui a tant fait pour abattre le mur de Berlin a aussi répété que Dieu compte sur les jeunes pour changer ce monde. Changer le monde en respectant la loi. Jésus n’a jamais cessé de respecter la loi et a toujours appelé à l’obéissance, à ce que la loi soit la même pour tous. En fait, il a été le premier à réclamer l’égalité des hommes et des femmes devant la loi. Il a eu un bon exemple en la personne de saint Joseph, qui a conduit sa famille à se faire recenser, à obéir à la loi lorsqu’ils n’ont pas trouvé de logement et que Marie a dû accoucher dans une mangeoire. Nous imaginons souvent saint Joseph comme un vieil homme, mais en réalité, c’était un très jeune père, qui retournait dans son village natal pour se faire recenser avec sa femme qui était plein d’espérance. Car Noël, c’est aussi le retour à la maison, à notre village et à notre terre, à notre famille. C’est pourquoi, ces jours-ci, nous nous souvenons plus que jamais de ceux qui ont perdu leur maison, leur village ou leurs proches. Et naître signifie revenir à l’enfance, regarder le monde comme des enfants. Aujourd’hui, nous avons retrouvé l’urgence et la nécessité de l’enfance parce qu’il nous manque des enfants qui ne sont pas nés et parce que l’enfance devient de plus en plus courte, elle est en train de s’effacer. La joie des figures de Noël nous nourrit en tant que personnes et en tant que société et nous fait donner le meilleur de nous-mêmes. Revenons-y ! Ne nous laissons pas obscurcir par les artifices qui nous ont délibérément séparés de ce qu’il y a de plus pur et de meilleur, jusqu’à ce que nous perdions le sens véritable et, par conséquent, l’illusion de cette célébration.
La Sainte Famille, ces parents et leur enfant, doivent s’enfuir en Égypte pour sauver leur vie, mais ils affrontent la vie avec héroïsme, ce que le christianisme appelle : sainteté. Saint Joseph représente le travail des silencieux, des fidèles, de ceux qui sont toujours là et sans lesquels nous ne serions pas là. Un homme juste et bon. Dieu lui-même a besoin de ces hommes bons, de parole. Et il se trouve que saint Joseph est le symbole du bon père de famille, tout comme Marie, elle aussi, qui est une toute jeune mère. En elle repose le salut de l’humanité et lorsque le défi lui est lancé, elle répond : « Qu’il me soit fait selon ta parole » [4]Luc 1, 38 . Le message chrétien est celui d’être toujours disponible.
La Communauté de Madrid, cette maison qui est nôtre, laisse ses portes ouvertes pour vous inviter à vous réjouir de Noël à Sol et de sa crèche dans cette Real Casa de Correos. Cette année encore, l’Asociación de Belenistas de Madrid a créé une crèche en hommage aux chrétiens du monde arabe. Elle s’étend sur 145 mètres carrés et compte plus de 480 personnages réalisés par d’importants et remarquables sculpteurs de crèches tels que José Luis Mayo, les frères Castells, les frères Ferrada, Ángeles Camara Ollot et bien d’autres encore. Merci à tous.
Ils s’inspirent à cette occasion d’anciens villages fortifiés, construits en pisé et en bois, typiques de l’Arabie, comme une image d’un autre temps. Il y a 30 mètres de rivières et de cascades, qui apportent fraîcheur, réalisme et au-delà du village, s’étend un vaste désert. Près de 1200 kilos de liège, 120 boîtes de mousse et environ 1000 kilos de sable et de pierres ont été utilisés. Et au cœur de la crèche de Sol, une petite île, entourée d’eau cristalline symbolisant la vie et qui abrite la naissance de Jésus, source d’espérance.
Nous vous invitons tous à contempler cette crèche, tout en profitant des 300 chorales qui chanteront en direct dans cette cour, matin et soir, jusqu’à la fin de l’année. Il s’agit d’enfants, de jeunes, d’adultes, de grands et de petits groupes, dont les voix illuminent et réchauffent cette Real Casa de Correos.
Le premier d’entre eux sera l’Escolanía d’ El Escorial, qui sera déclarée bien d’intérêt culturel par la Comunidad de Madrid. Peu d’atmosphères sont aussi spéciales que celle-ci, une atmosphère qui nous ramène à notre enfance.
Miguel de Unamuno a écrit : « Élargis la porte, Père, car que je ne peux pas passer, tu l’as faite pour les enfants ; j’ai grandi malgré moi. Si tu ne l’élargis pas, rends-moi plus petit par pitié, ramène-moi à l’âge béni où vivre, c’est rêver » [5]œuvre : Cancionero .
Nous ne cesserons pas de célébrer Noël et toutes ses paroles de joie : joie, dons, alliance, fidélité à la parole, pardon, illumination, lumière, gloire, paix. Ce sont des paroles fidèles et vraies, dit le Nouveau Testament. C’est à cela que nous appelle cet héritage chrétien : être fidèles, vrais et joyeux comme des enfants. Joyeux Noël à tous. »