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Prix Nobel de médecine 2013 : une avancée décisive dans la compréhension d’un mécanisme cellulaire essentiel.

du Docteur Pascale Della Santa 

Le mois dernier, le prix Nobel de médecine 2013 a été décerné à trois chercheurs, deux Américains et un Allemand,  dont les recherches ont permis une avancée considérable dans la compréhension d’une fonction cellulaire essentielle : le transport vésiculaire. Tous trois ont travaillé durant ces dernières décennies dans différents laboratoires universitaires américains, les découvertes de l’un complétant ou avalisant celles des deux autres.

Les cellules de notre corps (elles sont environ 10 milliards !), en fonction du rôle qui leur a été attribué lors du développement embryonnaire, fabriquent et sécrètent différentes substances: des hormones (insuline, œstrogène, hormones thyroïdiennes…), des enzymes (comme la lipase qui permet la digestion des graisses), des cytokines (qui jouent un rôle clé dans l’inflammation), des neurotransmetteurs (acétylcholine, noradrénaline, dopamine)… Ces substances sont transportées jusqu’à la paroi cellulaire dans de petits sacs appelés « vésicules », tandis que leur sécrétion répond à un besoin bien précis de l’organisme. Par exemple, la sécrétion d’insuline (hormone contenue dans les cellules bêta du pancréas) est relâchée lorsque le taux de sucre augmente dans le sang, pour permettre à celui-ci de rentrer dans les cellules). Jusqu’alors, l’observation avait permis de bien identifier tous ces processus indispensables au maintien de la vie, mais nos trois chercheurs nous permettent désormais d’accéder à une compréhension beaucoup plus précise, non seulement descriptive mais mécanique, du transport vésiculaire.

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Randy Schekman, James Rothman et Thomas Südhof
CC BY SA James Kegley – CC BY NC UNIA

Randy Schekman a mené sa recherche sur des levures. Il est parvenu ainsi à identifier trois classes de gènes indispensables au trafic vésiculaire. En effet, certaines lignées de levures auxquelles manquent ces gènes ne peuvent sécréter le contenu de leurs vésicules et celles-ci s’accumulent dès lors indéfiniment à l’intérieur des micro-organismes.

James Rothman a, quant à lui, mis en lumière le fonctionnement de différentes protéines permettant aux vésicules de décharger leur contenu au bon moment et au bon endroit. Comme il existe beaucoup de protéines différentes et qu’elles ne se lient aux récepteurs de la paroi cellulaire que de manière très spécifique, cela leur permet d’acheminer le contenu vésiculaire là où il faut. Certains des gènes découverts par Schekman codent d’ailleurs pour des protéines identifiées par Rothman, ce qui montre bien la complémentarité de leurs recherches.

Thomas Südhof enfin, nous révèle comment certains signaux chimiques permettent aux vésicules de décharger leur contenu à un moment précis. Il a travaillé sur les cellules nerveuses dont on sait qu’elles sont sensibles aux afflux de calcium. Il est ainsi parvenu à identifier les réactions moléculaires provoquées par ceux-ci, entraînant une réaction protéique causant la sécrétion du contenu des vésicules.  Cela permet de comprendre pourquoi le relargage de ce contenu n’a lieu que sur commande.

Le fait de mieux comprendre ces phénomènes représente une grande avancée médicale car de nombreuses maladies (neurologiques, immunologiques, hormonales…) sont dues à une perturbation du fonctionnement vésiculaire. L’analyse précise de ces mécanismes permettra dès lors de mieux cibler les traitements.

C’est donc suite à des décennies d’un travail ardu dans ce qu’on appelle «  la recherche fondamentale » que ces trois hommes sont récompensés : un métier passionnant mais austère, car cette recherche persévérante de la vérité que recèlent nos cellules porte parfois ses fruits, comme dans le cas présent, mais pas toujours.  Cependant Thomas Südhof déclarait, au cours d’une récente interview : « Je ne peux vous dire à quel point j’aime ce que je fais. J’ai toujours considéré comme un énorme privilège de pouvoir être un chercheur… ».

 

Références :

http://www.nobelprize.org/nobel_prizes/medicine/laureates/2013/press.html

Novick P, Schekman R: Secretion and cell-surface growth are blocked in a temperature-sensitive mutant of Saccharomyces cerevisiae. Proc Natl Acad Sci USA 1979; 76:1858-1862.

Balch WE, Dunphy WG, Braell WA, Rothman JE: Reconstitution of the transport of protein between successive compartments of the Golgi measured by the coupled incorporation of N-acetylglucosamine. Cell 1984; 39:405-416.

Kaiser CA, Schekman R: Distinct sets of SEC genes govern transport vesicle formation and fusion early in the secretory pathway. Cell 1990; 61:723-733.

Perin MS, Fried VA, Mignery GA, Jahn R, Südhof TC: Phospholipid binding by a synaptic vesicle protein homologous to the regulatory region of protein kinase C. Nature 1990; 345:260-263.

Sollner T, Whiteheart W, Brunner M, Erdjument-Bromage H, Geromanos S, Tempst P, Rothman JE: SNAP receptor implicated in vesicle targeting and fusion. Nature 1993; 
362:318-324.

Hata Y, Slaughter CA, Südhof TC: Synaptic vesicle fusion complex contains unc-18 homologue bound to syntaxin. Nature 1993; 366:347-351.

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