de Laurent Pavec
La plus grande centrale solaire marchande au monde devrait voir le jour au Chili au premier trimestre 2015. Juan Walker, spécialiste des énergies renouvelables, nous explique l’importance du projet « Salvador », porté par le français Total et le Suisse Etrion, et les grands bouleversements que vit ce secteur d’activité.
Juan Walker vous travaillez depuis des années au Chili sur des projets d’énergie éolienne et solaire, que pouvez-vous nous dire de ce projet « Salvador » aux dimensions jamais égalées à ce jour ?
Sans être directement impliqué dans ce projet, je vous confirme que cette centrale possède des caractéristiques très intéressantes. Nous parlons d’un projet de 200 millions d’euros avec plus de 130 hectares de panneaux solaires qui vont produire jusqu’à 70 MW (soit à peu près la consommation d’une ville de 60 000 habitants au Chili). Pour vous donner un ordre d’idée, aujourd’hui la production électrique de l’énergie solaire n’est que de 3MW (!!!) pour une production nationale totale de 10 000 MW.
Ce projet est le début d’une longue série. Il est clairement le signe qu’une véritable révolution a commencé !
Une révolution ? Le mot n’est-il pas un peu fort ?
Non, un tel projet marque le commencement d’un profond changement, et nombreux sont ceux qui pensent que d’ici 2025, 50% de la production du Chili sera en énergie renouvelable.
Deux raisons principales expliquent cette révolution. Il y a, d’une part, une véritable volonté politique de travailler à cela, et notamment en permettant que le marché qui a longtemps été contrôlé par « un espèce de monopole » de trois entreprises, s’ouvre désormais largement. Dernièrement, une loi a été votée qui permettra même au particulier de vendre de l’électricité.
D’autre part, les coûts de l’énergie solaire sont aujourd’hui 15% de ce qu’ils étaient il y a dix ans. Cette baisse considérable a attiré énormément d’investissements car l’énergie solaire est devenue compétitive.
Je travaille actuellement sur deux autres projets qui sont encore beaucoup plus importants que le projet « Salvador ». L’un qui vient d’être approuvé par le gouvernement, correspond à la construction de 500 hectares de panneaux solaires pour une production de 200 MW avec une très sérieuse possibilité, après cinq ans, de doubler la capacité de production. L’autre est un projet de 250 hectares pour 100 MW, lui aussi appelé à doubler de volume. Nous parlons de chiffres jamais atteints encore nulle part ailleurs ! C’est un vrai « boom » : une vraie révolution !
Pourquoi des multinationales telles que Etrion, Total ou d’autres ont-elles choisi d’investir dans un pays tel que le Chili ?
Tout d’abord pour ce changement affiché du gouvernement qui cherche à promouvoir ces énergies ainsi que pour la solidité de son économie qui engendre une forte demande en énergie. Il faut aussi ajouter le prix élevé de l’électricité dans ce pays et un faible coût de construction.
Enfin, le désert d’Atacama que les Français connaissent par le Dakar (!) pour être le plus sec au monde, possède une exposition lumineuse exceptionnelle et facilite d’autant la conversion directe de l’irradiation solaire en courant électrique.
Quelles seront les retombées économiques et sociales pour le Chili ?
De telles centrales ont peu d’impact sur l’emploi : elles ne nécessitent que très peu de personnel. Par contre elles vont générer beaucoup d’électricité qui permettra d’alimenter les nombreuses usines de désalinisations qui se construisent pour les entreprises minières (grandes consommatrices en eau). Si nous prenons en compte les importants progrès réalisés dans la technique du dessalement des eaux, je ne doute pas que l’eau potable va devenir de plus en plus accessible dans ces régions… et qu‘un jour ce désert fleurira !