"C'est avant tout dans la prière que Marie ressentait l'ombre de l’Esprit sur elle, ainsi au début de sa grossesse, sa prière est spécialement adressée au Saint-Esprit. Son sens naturel n'aurait jamais suffi pour comprendre ce qui lui arrivait. Mais dans la prière, elle ressent un apaisement infini et reçoit une force, qui lui permet de supporter le naturel et le surnaturel.
Et elle ne commence plus par transposer le naturel dans la prière. À présent elle doit placer la prière dans le naturel pour avoir une relation croissante avec sa grossesse qui, sans prière, serait inconcevable et dont la présence ne peut être vécue sereinement que dans la prière. Et de la prière au Saint-Esprit naît sa nouvelle prière au Fils. Dans la prière au Saint-Esprit, elle vit la réalité de son état, la réalité de la croissance de l’Enfant en elle. Cette réalité est autant apaisement que dilatation et, dans son expérience priante, elle franchit le pas qui mène au christianisme. L'Esprit, durant ce temps, a soin d'elle comme un époux, en lui procurant tout ce qui est nécessaire pour son état. Il se soucie d'elle et, dans sa prière, elle sent ce souci qu'elle ne rapporte cependant pas à elle-même, mais immédiatement à l'Enfant, dans la certitude que l'Esprit du Père vivra dans le Fils, que Dieu fera tout pour l'Enfant, que partout où ses forces humaines à elle seront insuffisantes, c'est l'Esprit lui-même qui interviendra. Mais aussi, pour ce qui est d'être elle-même une mère attentive, elle n'a pas à se faire de soucis exagérés, car l'Esprit lui inspirera ce qu'elle aura à faire, la protégera à cause de l'Enfant et fera en sorte qu'elle soit toujours à la hauteur de l'Enfant, toutes les fois que l'Esprit le demandera. Non pas avec le sentiment de suffire à la tâche, mais surtout avec celui de correspondre, qui est donné dans la prière. La grâce, pour elle, pèse toujours plus lourd par rapport à tout ce qu'elle pourrait faire.
"Mais aussi, pour ce qui est d'être elle-même une mère attentive, elle n'a pas à se faire de soucis exagérés, car l'Esprit lui inspirera ce qu'elle aura à faire, la protégera à cause de l'Enfant et fera en sorte qu'elle soit toujours à la hauteur de l'Enfant, toutes les fois que l'Esprit le demandera."
Elle sait que, par elle, le Fils de Dieu se fait homme et vient sur terre, et elle participe dans la prière, aussi bien dans la prière avec l’Esprit qu'avec le Fils lui-même, non seulement à son devenir extérieur mais à tout ce dont, d'après elle, il s'occupe déjà. Elle ignore son projet exact, mais elle sait qu'il est le Messie et elle lui consacre, à lui et à son œuvre, beaucoup de prière. Déjà maintenant elle prie le Père et l'Esprit pour lui, afin qu'il puisse disposer par elle d'un trésor de prière, lorsqu'il sera homme à côté d'elle. Afin qu'il ne se sente pas trop seul. Pour que la distance entre sa divinité et son humanité lui paraisse en quelque sorte plus supportable en raison de ce trésor de prières. Pour qu'il ne se heurte pas partout à des obstacles. Pour qu'en elle et en saint Joseph il n'ait pas seulement des êtres humains sur lesquels il puisse se reposer et qui sont là pour lui, mais pour qu'il obtienne par eux deux une relation de prière avec le Père différente de sa vision du Père, simplement une prière mise à disposition, une prière qui comprend dans la foi.
Sa prière s'adresse aussi au Fils. À présent déjà, elle s'habitue à avoir avec lui une sorte de dialogue dans la prière, qui ne la concerne en aucune façon mais qui renferme quelque chose du commandement de l'amour qu'il veut apporter. Et par lui, dans sa prière avec lui, elle apprend à aimer les hommes autrement à peu près à la manière dont elle s'imagine que le Fils aimera les hommes et qu'il lui plaira qu'ils s'aiment entre eux. Elle permet également à cette prière, et par cette prière au Fils, de la transformer. De la faire autre, même si le changement ne pourra jamais devenir concret, parce qu'elle est déjà transformée par la pré-rédemption et la grâce du Seigneur.
Durant sa grossesse il y a également une évolution, le devenir du Fils lui permettant d'être de plus en plus avec lui. Elle devient la médiatrice qu'elle n'était pas vraiment auparavant. Déjà le caractère de sa prière le montre. Et puis le Fils vit avec elle et lui montre constamment du nouveau. Elle est livrée aux relations avec lui. Et parce qu'elle est un être humain et non pas Dieu, il y a naturellement pour elle une sorte de progrès. Si parfait que puisse être un amour unissant deux humains, il montrera toujours sa fécondité en ce qu'ils s'influencent et se transforment réciproquement. Non seulement parce que chacun cherche à satisfaire les désirs de l'autre, mais aussi parce que chacun désire être transformé par l'autre. Et Marie est femme et il est de sa nature féminine qu'elle désire cela particulièrement. Et il y a finalement cette dilatation suite à la présence du Dieu trinitaire qu'elle ne connaissait auparavant que comme Dieu le Père. Tous ces nouveaux domaines s'ouvrent et entrent dans sa prière."
Extrait de Adrienne von Speyr, Le monde de la prière, éditions Culture et Vérité, Bruxelles, p. 91- 93
Adrienne von Speyr aux Editions Lessius (Belgique)
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