L'Ascension du Seigneur est célébrée 40 jours après Pâques, le jeudi de la 6ème semaine après la Fête de la Résurrection du Christ. Le mercredi, la veille, est célébré ce qu'on appelle dans la pratique de l'Église le "congé de la fête de Pâques," à savoir l'au revoir à Pâques.
Du début jusqu'à la fin, l'Office est célébré exactement comme il l'est durant la nuit de Pâques, avec le chant joyeux du "Que Dieu Se lève, et que Ses ennemis soient dispersés..", "Voici le jour que fit le Seigneur, soyons dans la joie et dans l'allégresse.." En chantant ces versets, le prêtre tient le cierge pascal et encense l'église toute entière, pendant que l'on chante vivement en réponse "Le Christ est ressuscité!" Nous quittons Pâques, nous en "prenons congé" jusqu'à l'année prochaine.
Il semblerait logique que nous ressentions de la tristesse. Mais au lieu de tristesse, nous recevons une joie nouvelle: la joie de contempler et de célébrer l'Ascension. Dans la péricope évangélique rapportant cet événement, après que le Seigneur ait donné Ses instructions finales aux disciples, "puis Il les conduisit vers Béthanie, et, levant les mains, Il les bénit. Or, tandis qu'Il les bénissait, Il Se sépara d'eux et fut enlevé au ciel. Quant à eux, s'étant prosternés devant Lui, ils revinrent à Jérusalem en grande joie" (Lc 24,50-52). "En grande joie.." Quelle est la source de cette grande joie qui perdure jusqu'à nos jours, et qui éclate avec un si remarquable éclat en la Fête de l'Ascension?
Car il semble que le Christ partit, et laissa Ses disciples seuls ; c'était un jour de séparation. Et en face d'eux s'ouvrait la très très longue route de la prédication, persécution, souffrance, et tentation, qui remplit jusqu'à déborder l'histoire du Christianisme et de l'Église. La joie était apparemment arrivée à son terme, la joie de la compagnie humaine et quotidienne du Christ. Que la réponse à cette interpellation nous vienne de saint Jean Chrysostome, ce prédicateur Chrétien qui vécut il y a quelque 16 siècles. Parlant du Ciel, il s'exclamait : "Quel besoin aurais-je d'un ciel, quand moi-même je vais devenir un ciel.." Que la réponse vienne aussi de nos ancêtres, qui appelaient l'Église "Ciel sur la terre." Le point essentiel dans ces deux réponses, c'est : le ciel est le nom de notre vocation authentique en tant qu'êtres humains, le Ciel est la vérité finale à propos de la terre. Non, le Ciel n'est nulle part au fin fond de l'espace, au delà de planètes, ou dans quelque galaxie inconnue. Le Ciel est ce que le Christ nous donne, ce que nous avons perdu à travers notre péché et notre orgueil, à travers notre matérialisme, à travers ce qui est exclusivement terrestre, comme les sciences et les idéologies, et qui est à présent ouvert, offert, et qui nous est rendu par le Christ. Le Ciel est le royaume de la vie éternelle, le royaume de la vérité, de la bonté et de la beauté. Le Ciel, c'est la transformation spirituelle totale de la vie humaine ; le Ciel, c'est le Royaume de Dieu, la victoire sur la mort, le triomphe de l'amour et du souci d'autrui ; le Ciel, c'est l'accomplissement de ce désir ultime, dont il a été dit : "Ce que nul oeil n'a vu, que nulle oreille n'a entendu, et qui n'est entré dans le coeur d'aucun homme, ce que Dieu a préparé pour ceux qui L'aiment" (1 Co 2,9). Tout cela nous est révélé, tout cela nous est donné par le Christ. Et dès lors, le Ciel imprègne notre vie, ici et maintenant, la terre elle-même devient reflet, un miroir reflétant l'image de la beauté céleste. Qui descendit du ciel sur terre pour nous rendre le Ciel ? Dieu. Qui monta de la terre au Ciel ? L'homme Jésus.
Saint Athanase le Grand disait que "Dieu est devenu homme afin que l'homme puisse devenir Dieu." Dieu est venu sur terre afin que nous puissions monter au Ciel ! C'est cela que célèbre l'Ascension! C'est la source de sa radieuse et inexprimable joie. Si le Christ est au Ciel, et si nous croyons en Lui, et si nous L'aimons, alors nous aussi nous y sommes avec Lui, à Son banquet, dans Son Royaume. Si l'humanité a la possibilité de s'élever par Lui, et ne chute pas, alors à travers Lui, moi aussi je peux accéder à l'ascension, et je suis appelé à Lui. Et en Lui, le but, la signification et la joie ultime de ma vie me sont révélées. Tout, absolument tout autour de nous, nous pousse vers le bas. Mais je regarde vers la divine chair montant au ciel, vers le Christ S'élevant "au son de la trompette," et je me dis à moi, et je dis au monde : c'est là qu'est la vérité à propos du monde et de l'humanité, c'est ici que se trouve la vie à laquelle Dieu nous appelle de toute éternité."
Alexandre Schmemann (1921-1983) est né en Estonie de parents russes qui durent fuir l’URSS pour Belgrade, puis, Paris en 1930. C'est là qu'Alexandre reçut son éducation, se maria et fut ordonné prêtre. En 1951, il émigra avec sa famille aux Etats-Unis, suite à une invitation à être professeur au séminaire orthodoxe de New York. Un de ses plus grands apostolats fut à Radio Liberty où il participa à plus de 3000 émissions en russe. Ses sermons étaient alors diffusés dans toute la Russie communiste. Parmi ses fidèles auditeurs, il y avait Alexandre Soljenitsyne, avec lequel il vécut une belle amitié.
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