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Une guerre juste en Afghanistan est-elle possible ?

de Françoise Blanlœil, entretien avec Philippe Conte      19 juillet 2011

Au lendemain de la mort de sept nouveaux soldats français, on peut s’interroger sur la pertinence de la présence de troupes étrangères sur le sol afghan. Philippe Conte, membre de l’Observatoire socio-politique du diocèse de Toulon et auteur entre autres de la contribution « Juste cause et guerre juste » dans l'ouvrage collectif  « Oser Agir Chrétien »[1], nous donne quelques éléments de réflexions sur ce sujet.

CC-BY U.S. Army

Comment peut-on expliquer la montée d’un islam intégriste en Afghanistan ?

Le pays se compose de deux parties : au sud les Pachtouns, sunnites, ethnies majoritaires, au nord plusieurs ethnies essentiellement de culture perse, dont les Tadjiks, sunnites, et les Azzaras, chiites. L’islam afghan de tradition sunnite était un islam soufi caractérisé essentiellement par la pratique d’une vie mystique et le souci, qui incombe  à chacun, de trouver Dieu présent dans la vie quotidienne. Les américains ont fait intervenir l’Arabie Saoudite pour aider financièrement les afghans dans le conflit contre les Russes. La brèche s’est ainsi ouverte aux influences wahhabites et donc islamistes

 

A votre avis, pourquoi en arrive-t-on aujourd’hui à un tel scénario de guerre ?

La situation vient en partie, de notre vision occidentale et dualiste de la guerre marquée par le modèle de la seconde guerre mondiale. D’un côté, le camp du bien, de l’autre, celui du mal. On en vient à stigmatiser l’autre comme l’ennemi absolu. Une surenchère de la violence ne peut que découler de cette idée. Si l’écrasement de l’autre, par la violence, peut sembler rationnel à première vue, la violence ne fera qu’attiser l’esprit de revanche chez l’adversaire, et ainsi de suite. On passe d’une technique morale de la guerre à une pratique immorale qui poursuit comme unique objectif l’écrasement de l’ennemi. Parallèlement, le déploiement de la puissance matérielle accélère ce processus ; la recherche permanente de progrès en matière de technologie pour asseoir son pouvoir est un engrenage dans lequel l’homme se laisse prendre comme à son propre jeu. Dans le cas de l’Afghanistan, l’impasse vient, là aussi, d’énormes difficultés de logistique auxquelles doivent faire face les Américains : aujourd’hui, pour installer leurs bases dans des contrées lointaines du pays, les Américains sont contraints de payer des milliers de dollars à des sociétés de transports qui, elles-mêmes, doivent payer un droit de passage aux talibans.

CC-BY U.S. Army

Qu’est ce qui pourrait permettre de sortir de cet enlisement ?

La guerre peut être une nécessité à certains moments mais toujours pour chercher le rétablissement de la paix. Le dénouement du conflit passe inévitablement par une humanisation de la guerre, c'est-à-dire par la recherche de solutions avec une intention droite et non un désir de domination et de vengeance. Le Maréchal Lyautey[2] disait ceci : « Tout officier sait s’emparer d’un village à l’aube, mais moi je cherche des officiers qui sachent s’emparer d’un village à l’aube et y ouvrir le marché à midi ». C’est bien par l’attitude et la vision humaine de chaque individu (du simple soldat au plus haut gradé) que la guerre reculera. L’action doit être guidée, non seulement par les idées qui permettent de traiter des objectifs, mais avant tout en considérant toute la réalité, y compris celle de l’ennemi, celle du peuple qui nous entoure, celle du sens plus profond des événements… Cette ouverture au réel est la clef qui permettra notamment de répondre de manière mesurée à la violence sans humilier l’adversaire ; celui-ci doit être considéré comme un frère humain, même s’il s’agit d’un taliban ou d’un membre d’Al Qaïda. Une vraie prise de risque et un courage plus grand encore sont alors nécessaires pour faire tomber toute injustice. C’est bien là, la véritable mission de celui qui doit aller au combat comme l’écrit Ernest Psichari[3], « Entre tous les hommes, c’est le soldat qu’Il (le Christ) a choisi, afin que sa grandeur et la servitude du soldat fussent la figuration, sur la terre, de la grandeur et de la servitude du chrétien. ».


[1]Oser agir chrétien Hors série n°23 Novembre 2008 éditions la Nef

 

[2]Maréchal Lyautey : 1854 – 1934  est un militaire français, officier pendant les guerres coloniales, résident général du protectorat français au Maroc en 1912, ministre de la Guerre lors de la Première Guerre mondiale

 

[3]Ernest Psichari, Le voyage du centurion, Editions Louis Conrad, Paris 1947

 

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