La COP 21 s’est terminée samedi 12 décembre en fin d’après-midi par la ratification par 195 pays du premier accord mondial sur le climat de l’histoire. Elle est un petit signe d’espérance à plus d’un titre : d’abord par l’exemple de responsabilité et de dialogue qu’elle représente, ensuite par les progrès, même minimes, qu’elle propose au plan écologique, mais aussi parce que les idéologies antinatalistes occidentales n’ont pas été prises en compte.
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Dans un article publié dans le Figaro le 9 décembre, le sénateur belge Alain Destexhe s'émeut de ce que ce sujet de la surpopulation n’ait pas été abordé et s'attaque au sujet avec véhémence. Nombreux déjà avaient été les articles du même ton suite au Sommet de Copenhague il y a tout juste six ans – mais à vrai dire, cette inquiétude est vieille comme le monde, il suffit de rappeler que ce sentiment de surpopulation était déjà très présent dans la Grèce antique. Platon, dans "La République", définit une quantité idéale de population qui suffit à assurer la division du travail nécessaire à la production des ressources et qui permet aux citoyens de garder un sentiment d'unité. C'est l'Etat qui définit cette quantité et qui veille à sa stabilité par une stricte réglementation des mariages et de la qualité des reproducteurs, en accordant notamment aux meilleurs guerriers une permission plus large d'avoir des rapports avec des femmes pour qu'un maximum d'enfants naissent de leur semence. Et déjà à l'époque le souci écologique était présent : Platon note la disparition des forêts sur les collines dans le Critias, Solon recommande en -590 de ne plus cultiver de plantes en raison de l'érosion de ces collines et Pisistrate y encourage la plantation d'oliviers pour le maintien de leur sol.
Alain Destexhe part d'une affirmation gratuite et qui n'engage que lui : "Nous sommes déjà trop nombreux sur terre." (Là, et ceci est une parenthèse, j'ai envie de dire : "Alors, qui est en trop par ici, mmh ? Dénoncez-vous !") C'est cette idée, largement partagée et communément admise comme une évidence, qui permet d'utiliser l'expression de "surpopulation", tout comme il est évident à l'esprit que cette surpopulation est le fait des pays pauvres ou en voie de développement. Alain Destexhe cite d'ailleurs dans une énumération de chiffres affolants l'Afrique, l'Inde, le Brésil… Mais trop nombreux par rapport à quoi ? En ce qui concerne le réchauffement climatique, nous dit-il. Pourtant, écrit le pape François dans Laudato Si, « Il y a une grande variété de systèmes alimentaires ruraux de petites dimensions qui continuent à alimenter la plus grande partie de la population mondiale, en utilisant une faible proportion du territoire et de l’eau, et en produisant peu de déchets, que ce soit sur de petites parcelles agricoles, vergers, ou grâce à la chasse, à la cueillette et la pêche artisanale, entre autres." (chapitre 3, n°129). Ce n'est donc pas cette "plus grande partie de la population mondiale" la principale responsable du réchauffement climatique, et ce n'est donc pas le nombre qu'il faut accuser, mais bien la surconsommation des pays industrialisés – ainsi il faudrait plutôt écrire : « Nous sommes déjà de trop nombreux surconsommateurs sur terre ». Alain Destexhe le sait d'ailleurs fort bien, qui écrit : "Dans le débat climatique, il est régulièrement rappelé que l'augmentation historique du CO2 dans l'air provient en premier lieu des pays industrialisés. Par habitant, leurs émissions restent effectivement largement supérieures à celles des pays moins avancés." Mais pour lui, ce fait est contrebalancé par "la contribution positive des pays industrialisés à travers la création d'inventions qui ont amélioré la qualité de vie de l'homme moderne, mécanisé l'industrie et l'agriculture et réduit drastiquement la mortalité". Certes, mais l'argument n'est pas honnête : les uns et les autres ne bénéficient pas du tout au même chef de ces avancées, et on ne peut pas dire qu'actuellement les immenses progrès technologiques du XXème siècle facilitent la vie de la population mondiale de façon homogène – alors que le réchauffement climatique dû principalement aux pays industrialisés nuit bel et bien à tous sans distinction de pays.
Alain Destexhe ne cite Malthus qu’à la fin de son article, et son ultime phrase justifie la première « Malthus a sans doute eu tort d’avoir eu raison trop tôt » : c’est en effet directement de la théorie malthusienne, projection qui n’a rien de scientifique, qu’il tire la peur du « Nous sommes déjà trop nombreux sur terre ». Mais l’argument de Malthus est faux car il projette à partir de ce que nous savons aujourd’hui, et de l’accroissement de la population d’aujourd’hui, une limite dans l’avenir. Or comme nous découvrons chaque jour de nouvelles richesses, le calcul d’aujourd’hui reporté à la population de demain est forcément faux. C’est la même chose pour le pétrole, on dit depuis cent ans qu’il n’y a bientôt plus de pétrole… parce qu’on s’entête à repartir des connaissances d’aujourd’hui et de l’augmentation de la consommation calculée aujourd’hui. Or on découvre chaque année de nouveaux gisements. La confiance dans l’avenir, dans la fécondité, ne se base pas seulement sur une réduction de la consommation, mais d’une part sur l’expérience que l’homme peut produire beaucoup plus, distribuer beaucoup mieux et s’adapter, et d’autre part sur le fait que jusqu’à présent, rien ne prouve que les ressources soient limitées – l’expérience prouve plutôt le contraire. Ce sont nos connaissances actuelles qui sont limitées, et il est déraisonnable de spéculer sur l’avenir en les prenant comme critère ultime. L’esprit qui dit : « n’existe que ce que je connais et que je peux mesurer » pose forcément des limites subjectives et vit dans la peur irrationnelle du « bientôt plus de place ».
Mais il n'est pas très étonnant que dans notre monde si marqué par le manque de foi et le manque d'espérance, on ne puisse imaginer faire confiance à l'homme, même sur la base de l’expérience, puisque l'on n'imagine pas faire confiance à Dieu. Il n'est pas très étonnant que les chiffres vertigineux de ces prévisions démographiques nous jettent dans des abimes d'angoisse et nous fasse imaginer le pire, puisque même dans notre confort et notre bien-être matériel, nous craignons de manquer, demain.
Rendons à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu – et Dieu nous dit : "Avant de te façonner dans le ventre de ta mère, Je te connaissais." (Jr 5, 1). Ne nous laissons pas guider par la peur, ayant l'audace de l'espérance et de la foi, et la charité de laisser naître ceux qui doivent naître !