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Elisabeth de la Trinité bientôt canonisée

Le Pape François a annoncé la prochaine canonisation d'une jeune carmélite, la bienheureuse Elisabeth de la Trinité dont nous célébrons cette année le 100ème anniversaire de sa mort. Voici quelques aspects de sa spiritualité illustrant ce que Hans Urs von Balthasar disait : « En realite, le saint est un être de l'au-dela ; le fait qu'il demeure ici-bas n'a pas d'autre sens que de faire pénétrer dans le monde, comme par une fenêtre ouverte, un peu des réalites et de l'air de l'au-delà. »

Le ciel au fond de soi

Née en 1880, 20 ans dans le monde et 6 ans au Carmel de Dijon lui ont suffi pour atteindre sa pleine maturité spirituelle. La vie d'Elizabeth de la Trinité (Elizabeth Catez,  1980-1906) est marquée par la beauté de la pure intériorité, par la présence de ce Dieu « en soi », par le désir d'être « perdue » en Son Sauveur. Cet être de silence et de communion par le dedans ne peut que nous aider à voir et à mendier, en confiance, l'essentiel.

Elle disait d'elle-même, peu avant sa mort : « Il me semble qu'au Ciel, ma mission sera d'attirer les âmes en les aidant à sortir d'elles pour adhérer à Dieu par un mouvement tout simple et tout amoureux, et de les garder en ce grand silence du dedans qui permet à Dieu de s'imprimer en elles, de les transformer en Lui-même. »

Déjà à son entrée dans le Carmel en 1901, à la question « avez-vous de grands désirs du Ciel? », elle répondait: « j'en ai parfois la nostalgie, mais sauf la vision, je le possède au plus intime de mon âme ».

Très tôt au Carmel, Elisabeth fut bouleversée par la certitude qu'elle était appelée à être Laudem gloriae (la louange de sa gloire) qu'elle décrit ainsi: « Une louange de gloire c'est une âme qui demeure en Dieu. »

Le présent éternel 

Dans sa prière, Elisabeth souhaite de fixer toujours Dieu et de demeurer sous sa grande lumière. Et c'est le désir du fils qu'elle vive « comme le Père, dans un éternel présent, sans avant, sans après, mais toute entière en l'unité de mon être en ce maintenant éternel. On l'adorera toujours à cause de lui-même (PS LXXI, 15). Voilà le présent éternel dans lequel Laudem gloriae doit être fixée. »[1]

La présence, la  « maison paternelle » dans laquelle Elisabeth veut pour toujours demeurer est, comme l'indique son beau nom de religion, la Sainte Trinité. Elisabeth dit de l'âme, qu'elle est le lieu de Dieu, et donc un ciel caché : « "Dieu en moi, moi en lui" : que ce soit notre devise. Que c'est bon cette présence de Dieu en nous, dans ce sanctuaire intime de nos âmes. Là nous le trouvons toujours quoique par le sentiment nous ne sentions plus sa présence, mais il est là tout de même, plus près encore »[2]. Elle dira encore : « Je sens tant d'amour sur mon âme! C'est comme un océan en lequel je me plonge, je me perds; c'est ma vision sur la terre en attendant le face à face en la lumière. Il est en moi, je suis en lui, je n'ai qu'à l'aimer, qu'à me laisser aimer, et cela tout le temps, à travers toutes choses, s'éveiller dans l'amour, se mouvoir dans l'amour, s'endormir dans l'amour, l'âme en son âme, le coeur en son coeur, afin que par son contact il me purifie, me délivre de ma misère.  »[3]

Ce n'est pas en regardant la misère que nous serons purifiés

Tout comme son émule, Sainte Thérèse de Lisieux, elle vit et proclame la miséricorde de Dieu. Dans ses conseils à des amies et parentes, les assure de la simplicité de l'amour: « … Cela vous parait peut être difficile de vous oublier, ne vous en préoccupez pas, si vous saviez comme cela est simple ! Je vais vous donner mon "secret" : pensez à ce Dieu qui habite en vous, dont vous êtes le temple, c'est saint Paul qui parle ainsi, nous pouvons le croire. Petit à petit l'âme s'habitue à vivre en sa douce compagnie, elle comprend qu'elle porte en elle un petit ciel où le Dieu d'amour a fixé son séjour. Alors c'est comme une atmosphère divine en laquelle elle respire, je dirais même qu'il n'y a plus que son corps sur la terre, mais que son âme habite au-delà des nuages et des voiles, en celui qui est l'Immuable. Ne vous dites pas que cela n'est pas pour vous, que vous êtes trop misérable, car c'est au contraire une raison de plus pour aller à celui qui sauve. Ce n'est pas en regardant cette misère que nous serons purifiés, mais en regardant Celui qui est toute pureté et sainteté. »

L'infini de Dieu

Ce qu'elle a exprimé particulièrement fort, c'est l'infini de Dieu. Tout son langage est saturé d'images et de concepts de l'infini. « Pénétrez toujours plus avant en cette profondeur. C'est bien vraiment la solitude où Dieu veut attirer l'âme pour lui parler (Osée, II, 14), comme le chantait le Prophète. Mais pour entendre cette parole toute mystérieuse, il ne faut pas s'arrêter pour ainsi dire à la surface, il faut entrer toujours plus en l'Être divin par le recueillement. Je poursuis ma course (Phil, II, 12), s'écriait Saint Paul. Ainsi nous devons descendre chaque jour en ce sentier de l'abîme qui est Dieu. Laissons-nous glisser sur cette pente dans une confiance toute pleine d'amour. Un abîme appelle un autre abîme (Ps XLI, 8). C'est là, tout au fond, que se fera le choc divin, que l'abîme de notre néant, de notre misère, se trouvera en tête à tête avec l'abîme de miséricorde, de l'immensité du tout de Dieu; là que nous trouverons la force de mourir à nous-mêmes et que, perdant notre propre trace, nous serons changés en amour. Bienheureux ceux qui meurent dans le Seigneur (Apoc, XIV, 13) »

Elisabeth parle beaucoup, en l'empruntant à Saint Paul du « trop grand amour » : « Il y a un mot de Saint Paul qui est comme un résumé de ma vie et que l'on pourrait écrire de chacun de mes instants : Propter nimiam charitatem ! Oui, tous ces flots de grâces, c'est parce qu'il m'a trop aimée (Ephés, II, 4).[4] »

Le sanctus éternel

« Enfin, une louange de gloire est un être toujours dans l'action de grâces. Chacun de ses actes, de ses mouvements, chacune de ses pensées, de ses aspirations, en même temps qu'ils l'enracinent plus profondément en l'amour, sont comme un écho du Sanctus éternel. »

Pendant sa dernière retraite, pendant les longs mois où les souffrances de son agonie sont déjà bien grandes (elle se meurt d'une grave maladie d'estomac), elle choisit avec prédilection des images de l'Apocalypse, et  préfèrent celles qui décrivent la grande liturgie d'action de grâces de la cour céleste devant le trône du Père et du Fils.

C’est en son cœur qu’elle vécu

Dans les heures d'agonie, elle dit aussi que c'est la mère de Dieu, qui seul peut guider dans les souffrances de la Croix.

« [Marie] est là au pied de la Croix, debout, dans la force et la vaillance, et voici mon Maître qui me dit : „Ecce Mater tua“, Il me la donne pour Mère… Et maintenant qu'Il est retourné au Père, qu'Il m'a substitué à sa place sur la Croix afin que „je souffre en mon corps ce qui manque à sa passion, pour son corps qui est l'Eglise“, la Vierge est encore là pour m'apprendre à souffrir comme Lui, pour me dire, pour me faire entendre, ces derniers chants de son âme que nul autre qu'elle, sa Mère, n'a pu surprendre. »

Elisabeth avait coutume de saluer la Mère du Seigneur: Janua Coeli, „porte du Ciel“. Elle dit d'Elle: „Son âme est si simple, les mouvements en sont si profonds que l'on ne peut les surprendre. Elle semble reproduire sur terre cette vie qui est celle de l'Être divin, l'Être simple. Aussi est elle si transparente, si lumineuse, qu'on la prendrait pour la lumière. Pourtant, elle n'est que le miroir du soleil de justice, Speculum justitiae…. La Vierge conservait ces choses en son coeur. Toute son histoire peut se résumer en ces quelques mots : c'est en son cœur qu'elle vécut, et en une telle profondeur que le regard ne peut la suivre. »[5]

 

[1] Hans Urs von Balthasar, Elisabeth de la Trinite et sa mission spirituelle, Editions du seuil (1959), p 55.

[2]Ibid, p. 122.

[3]Ibid, p 121.

[4] Ibid, p 116.

[5] Ibid, p 192.

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