Dimanche dernier, les images d’Equateur inondaient les télévisions du monde entier. Depuis lors, les premiers titres des journaux ont changé de sujet. Pourtant, depuis six jours, l’Equateur reste sous le choc. Chaque jour qui passe, le pays réalise un peu plus l’ampleur des dégâts, la souffrance engendrée et la quantité de personnes affectées. Il organise les secours, se bat pour obtenir des nouvelles des familles et amis, il se débat pour faire arriver les produits de première nécessité là où personne n’a pu encore accéder. Récit des événements.
Les volontaires du Points-Coeur d'Equateur dans un centre de tri des aides humanitaires.
Guayaquil, samedi 16 Avril, 18h58. Comme partout dans le monde, les habitants de la Isla Trinitaria – quartier où est installé le Point-Cœur – vaquent à leurs occupations. C'est alors qu'une secousse vient tout arrêter ! D’abord légère, elle devient très violente et durera presque une minute… une très longue minute.
De l'état de choc à la communion
Dans le Point-Cœur, nous sommes toutes au premier étage de la maison et cherchons à descendre mais l’escalier se balance d’un coté et de l’autre sur une amplitutde d'environ un mètre. En nous agrippant, nous descendons et allons prier à la chapelle. Dehors, les nombreux enfants dans la rue commencent à courir sans trop savoir où aller, cherchant à regagner leur maison pour voir si leurs parents y sont. La majorité des gens, sortis de leur maison, se mettent à prier et à demander pardon à Dieu. Evidemment, nous nous retrouvons dans le noir, sans électricité.
Une ambiance de communion incroyable se fait sentir dans le quartier. Quand enfin le sol s’arrête de trembler, ce sont les gens qui se mettent à trembler, réalisant ce qui vient de se passer. En une minute, tout le monde vient de prendre conscience que notre vie est dans les mains d’un Autre, que n’importe lequel d’entre nous aurait pu mourir. Chacun rend grâce à Dieu, imaginant que beaucoup d’autres n’ont pas eu cette chance. Tout le monde vient de se rendre compte que nous sommes égaux devant un tel événement. Une solidarité nait spontanément : chacun va voir son voisin, le salue, l’embrasse. Pendant des heures, les gens restent dans la rue, organisant des feux pour avoir un peu de lumière, partageant leur émotion.
Une solidarité nationale
Cette solidarité vécue au sein de notre quartier, prend vite une dimension nationale. Alors que l’électricité et les moyens de communication reviennent à Guayaquil, et que le pays réalise l’ampleur des dégâts dans la région de Manabí et Esmeraldas, au Nord du pays, les volontaires s’organisent très rapidement à travers les réseaux sociaux et accourent pour aider à porter secours. Dès le Dimanche, les centres pour recevoir les dons se multiplient.
A Guayaquil, devant le centre de conventions, l'un des principaux centres de dons de la ville, les voitures font la queue plus d'une demi-heure pour décharger leur dons. Lundi et mardi, toute la journée, la file de voitures est ininterrompue. De même, les volontaires font la queue pour aller aider à faire les colis d’aide. Jour et nuit, ce sont plusieurs milliers de volontaires qui se relaient pour aider à trier, mettre en carton, faire des kits familiaux et charger les camions. Mercredi, 80 camions partent de ce centre vers la côte nord du pays. En plus de ces tonnes d’aide en médicaments, eau, aliments de base, vêtements envoyés depuis le centre de conventions, ce sont des dizaines et des dizaines de centres de dons qui envoient leur aide depuis toutes les villes principales du pays. En plus de l’aide matérielle, l’aide humaine afflue vers le Nord. Des centaines de personnes, souvent jeunes, décident, dès le lundi de partir aider sur place.
Le visage de l'Equateur
Six jours ont passé depuis le drame et le visage de l’Equateur a changé. Cet événement douloureux a fait naitre dans le cœur des équatoriens une compassion profonde. Des groupes de prières s’organisent partout. Une générosité nouvelle est née.
Nous étions nous-mêmes au centre de dons toute la journée du mardi et mercredi pour trier des piles de vêtements de plus de 10 mètres de haut et constituer des centaines et des centaines de kits d’allumettes et de bougies. Une adolescente qui faisait les kits de vêtements à coté de moi, dessinait un petit cœur sur chaque bandeau de scotch où nous indiquions la taille et parfois rajoute un mot d’encouragement !
Au milieu de ces tas immenses de vivres et de vêtements, il semble que tous, riches et pauvres, équatoriens et étrangers, ne forment plus qu’un. Tous mettent la main à la pâte; tous, à la fin de la journée, sont épuisés et heureux d’avoir pu participer à ce geste pour ceux qui n’ont pas eu la même chance qu’eux. Ainsi, ce peuple, divisé entre gens de la cote, de la cordillère des Andes et de l’Amazonie, entre les différentes races et langues, divisé très fortement ces dernières années et encore plus ces derniers mois par la politique du président, divisé entre catholiques et protestants, tout ce peuple si déchiré, tout à coup, ne fait plus qu’un.
La devise de l’Equateur demeure plus que jamais d’actualité : « Ecuador ama la vida » (l’Equateur aime la vie). Tous, tout à coup, prient un seul et même Dieu, Maître de la vie, et tous, ensemble, se battent pour que cette vie reprenne le dessus.
Chère Laetitia,
Béatrice vient de me faire suivre ce que vous avez écrit au lendemain de ce terrible séisme. Tout ce que vous nous dîtes est admirable et provoque ma plus grande admiration.
Je me sens bien loin de vous, mais vous assure de mon union de prières. Je vous embrasse.