Hors des sentiers battus par les milliers de touristes de la Ville éternelle, le musée d’art contemporain de Rome (MACRO) expose en ce moment des œuvres d’artistes qui valent le détour. Parmi elles, on trouve l’exposition de la peintre anglaise Rachel Howard intitulée Paintings of Violence (Why I am not a mere Christian) qui comprend une dizaine de toiles et une sculpture.
En parcourant les différentes salles de l’exposition, le visiteur est immédiatement saisi par la finesse exceptionnelle des peintures de Rachel Howard. Comparable à l’encre noire laissée par la pointe de la plume, ses traits de pinceau font surgir la matière et opèrent une véritable métamorphose de la toile. Quelques secondes d’attention et l’oeuvre prend du relief pour devenir un mur écaillé. La peinture semble littéralement craqueler sous nos yeux. Signe de l’usure et de vieillissement, ce craquèlement illusoire, fruit du travail de la matière, témoigne d’une œuvre en perpétuel mouvement. Un peu plus loin, nos yeux s’arrêtent sur une peinture représentant une tapisserie au papier peint bleu et vieillot. Un regard plus attentif permet de découvrir plusieurs nuages de vapeur qui viennent comme s’interposer au premier plan. C’est finalement à travers une vitre embuée que le visiteur peut contempler des motifs floraux, comme si ce léger voile suscitait un intérêt renouvelé pour la réalité prosaïque exposée sous ses yeux.
L’œuvre de Rachel Howard n’est jamais figée et l’artiste semble s’amuser à confondre le visiteur, à l’égarer en unissant les contraires : l’immédiatement visible est ainsi toujours mis au second plan ; l’usure, l’éphémère de la buée ou d’un coucher de soleil ne symbolisent plus seulement la finitude de l’existence mais sont aussi signes de la complexité et de la profondeur du réel, du mystère insaisissable de la vie. Au centre du musée, l’exposition « Paintings of Violence (Why I am not a mere Christian) » s’inspire des deux polémiques antagonistes Why I Am Not a Christian de Bertrand Russell et Mere Christianity de C.S. Lewis. Sur les toiles exposées, des entailles rouge-sang opérées par des coups de pinceaux répétitifs tels des sabre méthodiques semblent brûler de l’intérieur. On peut y voir l’expression d’une violence froide et calculée. Pourtant, un sang liquide et chaud, rendu par la brillance et l’intensité surprenantes de la peinture à l’huile, semble jaillire des blessures. L’oeuvre n’est pas alors présage funeste : ce n’est pas la vie qui s’échappe mais des éclairs rouge vif au milieu des ténèbres, étroites failles de lumière qui transpercent l’obscurité de l’arrière fond.
Parmi les œuvres, le visiteur est encore frappé par une vaste toile intitulée The Wood for Trees. Plongé au coeur des ténèbres d’une forêt prête à l’engloutir, l’angoisse le saisit un instant. Mais en élevant le regard, il découvre un rayon de lune, une lumière discrète jaillisant au-delà des cimes et qui vient illuminer toute l’œuvre comme une délivrance. Tout comme la forêt, notre regard lui-même devient autre, s’ouvre à nouveau sur le réel, transformé de l’intérieur par cette présence discrète de la grâce. L’obscurité environnante se transforme et devient un hymne à l’espérance, témoin d’une présence qui laisse le cœur en paix.
Voir la vidéo d'une précédente expositions de Rachel Howards :