Perdu dans les collines du massif des Maures, à deux pas de la très touristique Côte d’Azur, se trouve un petit village, la Garde Freinet. Semblable à tous les petits villages du coin, il attire chaque année plus de monde grâce à un jeune, Maxime Codou, 28 ans, passionné depuis tout petit par la fabrication de crèches et les traditions provençales. Pour la troisième année consécutive, depuis l’Avent jusqu'à la fête de la Présentation de Jésus au temple, il présente sur plus de 100m2 divisés en trois salles, dans un décor magnifique de vieille pierre – la chapelle Saint Jean au cœur du village – une crèche provençale de plus de 4000 santons réalisés artisanalement avec patience et passion. Entretien exclusif.
« Saisis de stupeur, les bergers écoutent “la bouche ouverte et les yeux écarquillés” ce que disent les anges. Ils se laissent étonner, bouleverser, ravir par la gloire de Dieu qui se manifeste dans la simplicité de la crèche. Ils perçoivent la beauté du plan d’amour du Père, à la fois splendeur qui irradie à l’extérieur et forme intérieure qui conduit à la totalité de l’Être et du Mystère. La foi chrétienne s’enracine dans cet émerveillement des bergers. Leur ravissement devant la crèche est la source de la contemplation, et la contemplation est le cœur de la foi. Leurs mains sont vides, ils n’ont pas de rôle particulier à jouer envers l’enfant. Leur joie gratuite, voilà toute leur mission. Ils sont fascinés par l’événement, emplis de gratitude ; ils sont heureux de vivre, tout simplement ». Père J. B.
Passer le magnifique porche en pierre de cette chapelle, c’est en quelque sorte suivre les bergers… Le visiteur se retrouve rapidement « la bouche ouverte et les yeux écarquillés », invités à un véritable émerveillement devant cette œuvre dont le cœur est le petit de Nazareth. Quelques instants de contemplation pour en ressortir, « heureux de vivre tout simplement »
Tdc : Comment devient on créchiste ?
Maxime Codou : C’est une longue tradition provençale, mon père faisait déjà des crèches, mon grand père fabriquait ses santons, mon oncle fait de grandes crèches…tout le monde en Provence fait sa crèche ! Qu’elle soit grande ou petite n’est pas la question, elle grandit au fur et à mesure des années. Toute crèche à un lien avec la nature et avec notre terre. J’ai commencé tout petit quand mon père m’a acheté mon premier santon, puis un autre et un autre, toujours par des santonniers qui les sculptent à la main…Puis vient le moment où on a envie de réaliser des scènes qui n’existent pas ailleurs, on a envie d’avoir un détail particulier et comme ça j’ai commencé à sculpter l’argile…J’ai jamais été doué pour la peinture, c’est Benjamin (un autre jeune) qui s’en charge. Je réalisai chaque année chez moi une crèche plus grande et un jour l’adjointe à la mairie m’a proposé de venir l’exposer. J’ai dit oui un peu par hasard, un peu par folie aussi. J’ai demandé les 3 salles du musée, et chaque année je m’y installe pour 3 mois ; je change tout chaque année, il faut toujours créer de nouvelles scènes pour que les gens ne se lassent pas. Même les santons de la nativité je les refais chaque année. Cette crèche c’est un livre ouvert sur la tradition provençale, sur notre pays, sa nature… Je ramasse mon liège dans la nature, tout ce dont j’ai besoin je le trouve dans la nature et je le garde d’année en année, rien ne se perd.
Qu’est ce qui te permet de te renouveler chaque année ?
Je vais dans les endroits ! Je m’imprègne des lieux. Je vais à la manufacture de tapis, les lieux où s’exercent les vieux métiers, je vais rencontrer les gens, discuter avec des anciens… Aujourd’hui j’ai des classeurs remplis d’informations sur les vieux métiers que j’essaie de faire revivre dans mes crèches provençales ! La tradition est vivante. Il faut aller dans les endroits, quitte à faire vingt fois le trajet…C’est comme réaliser une impression en 3D, je laisse les lieux m’inspirer, comme les impressionnistes qui partaient dans la nature. Ma peinture c’est mes santons, comme chaque peintre fait sa peinture je fais mes santons et je créé des scènes inspirées de ce que j’observe ; comme ces tableaux de la peinture hollandaise avec une multitude de détails sur les choses simples de la vie. La vie est faite de détails, on se lève le matin, on travaille, on s’occupe de sa famille, on vit… Chacun fait la même chose mais de manière différente. Les scènes que j’aime créer ne sont pas cloisonnées, les unes à côté des autres…C’est une vie avec pleins de gens qui vivent cette vie !
Tu ne ressens pas de lassitude dans cette œuvre ?
Je ne suis pas quelqu’un qui me lasse ! Je peux comprendre que ceux qui m’aident puissent parfois se lasser, avoir du mal ; mais moi je suis incapable de me lasser pour rien, je ne me lasse jamais. Et en créant tout le temps de nouvelles scènes, je ne connais pas de lassitude. Même durant les moments plus durs, le montage par exemple, où on met la crèche en place pendant un mois entier en travaillant 18h par jour, c’est un travail fou…les 35h par semaine c’est alors mon temps de sommeil !
C’est exigeant de tout détruire pour tout recréer, il faut faire le deuil de tout ce que j’ai construit pour commencer à créer la crèche de l’année suivante. Le fruit de la crèche d’aujourd’hui est le fruit du travail de plusieurs années, et alors que je montais celle-là des idées me venaient déjà pour la suivante.
Quelles sont les réactions de ceux qui viennent voir cette crèche?
Les gens sont surpris, ils n’ont pas l’habitude de voir cela ! Tous les créchistes travaillent et aiment chaque détail de leur crèche. Cet amour du détail, de la scène quotidienne, ce soin apporté aux plus petites choses, cette façon de faire particulière…On ne retrouve pas forcément ailleurs touche beaucoup ceux qui passent. Quand les gens viennent pour la première fois, on a toujours un doute, est ce que les gens vont aimer ? Les moments plus difficiles c’est surtout le stress des premières visites. Après tout ce travail où on a pris des risques en repartant de zéro, j’ai toujours peur que les gens n’aiment pas, ne s’y retrouvent pas.
Mais ces moments sont aussi les plus beaux, voir l’émotion de ceux qui visitent, leur surprise, les larmes parfois, c’est toujours ce qui m’émerveille le plus, on n’est jamais préparé à l’émotion des gens. Une dame m’a dit un jour une phrase qui m’est restée, « dans votre crèche, les santons ne bougent pas mais ils prennent vie à travers les scènes » c’est ainsi que j’essaie de créer, pour que cette crèche prenne vie.
Les gens me demandent parfois : « parlez de votre crèche » ! Mais non j’ai pas à parler de ma crèche! Tout ce que j’ai à dire je l’ai dit, c’est ce que vous avez sous les yeux, maintenant c’est à vous d’aller le chercher, chaque scène est une chose que j’ai à dire. Vous avez pu le voir avec ce qui est devenu ma signature, le sauvetage des moutons (des bergers qui descendent avec une corde le long d’une parois pour sauver 3 brebis qui sont tombées et les remonter sur leurs épaules), c’est symbolique. Chacun le voit comme il a envie de le voir, y trouve ce qu’il cherche.
« Les enfants ne demandent jamais dans quelle université nous avons étudié, mais ils sont par contre très attentifs à l’écoute, à la présence, à l’attention aux personnes, au respect dont nous pouvons faire preuve. Eux-aussi nous enseignent à aller à l’essentiel, à nous émerveiller du don de l’être, de l’être qui est don et communion. Pour les Amis des enfants, qui apprennent ainsi quotidiennement à travers le jeu, l’écoute, la contemplation, Points-Cœur est une véritable école de gratuité. Les enfants, leurs premiers maîtres “ès gratuité”, savent jouer, sauter, courir, s’émerveiller… pour rien : ils manifestent simplement qu’ils sont fils, heureux de recevoir la vie, d’être enfants, d’avoir un père ». Père J. B.
Une autre particularité de cette crèche, pour la joie des enfants et des grands au cœur d’enfants, est une quête du Graal proposée à tous ceux qui ont le gout du jeu : un trésor caché quelque part dans une des montagnes, lacs ou maisons des différentes salles. D’indices en énigmes nous sommes conduits jusqu’aux recoins les plus éloignés de cette immense crèche pour compter les perles laissées en chemin par les mages, trouver le mécanisme qui nous permettra d’ouvrir la porte du sellier afin d’en tirer le parchemin caché. Maxime nous avertit cependant : « sans les enfants vous ne pouvez pas y arriver ! Il faut les yeux d’un enfant, attentif aux détails, des yeux qui ne se fatiguent pas de jouer, qui ont un autre point de vue, pour trouver l’ensemble des indices. Des adultes seuls n’y sont jamais arrivés ! ». Il poursuit : « mais les enfants ont besoin des adultes aussi, c’est un jeu familial et certains indices ne peuvent être trouvés sans le recours à la culture des parents ». Une autre astuce pour souder les familles ? Maxime prend soin de préciser que pour trouver les indices les mieux cachés, il faut nécessairement une lampe de poche… En quelques minutes les enfants ont subtilisé le téléphone de leurs parents, allument la lampe et ces derniers, privés de l’indispensable outil, n’ont plus qu’à jouer !
Les enfants et parents ne sont pas seuls, tout au long du jeu Maxime encourage, aide, guide les aventuriers de la crèche à la recherche du Graal, un jeu pour comprendre que la crèche et la croix, Bethleem et le Golgotha sont tout proches ? En tout cas un lieu pour s’émerveiller…
Merci !!!! "Tous les créchistes travaillent et aiment chaque détail de leur crèche. Cet amour du détail, de la scène quotidienne, ce soin apporté aux plus petites choses, cette façon de faire particulière… qu'on ne retrouve pas forcément ailleurs touche beaucoup ceux qui passent. "
wow! Merci beaucoup pour ce bel article qui nous fait entrer dans l'emerveillement et la stupeur des bergers, du 'Ravi Provençal' …. je suis vraiment saisie par la beauté des details, des paysages et personages de la Provence…Beauté qui donne vie aux santons et emerveillement aux yeux qui les regardent…Merci Maxime pour ce Magnifique travail, pour cette belle passion pour les crèches!