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« Seule une personne peut être porteuse du Christ. Seuls les porteurs du Christ peuvent vivifier le monde et rendre à l’humanité la vitalité de l’amour. Nul concile, conférence, groupe ou comité ne peuvent donner vie au monde : la vie ne peut qu’être engendrée dans le monde, et seule une personne peut engendrer. » [1]Caryll Houselander

 

© Jean-Marie Porté

 

C’est le soir de Noël. Il fait déjà nuit. Le temps est froid et humide et les rues sont gelées. Avec Lina, nous arrivons à la maison de la petite Maria et de ses grands-parents. La fenêtre laisse filtrer la lumière. Nous commençons à chanter un colinde de Noël. Une main soulève le rideau, et le visage rond de Maria paraît à la fenêtre. Elle sourit. Le grand-père nous fait signe qu’il ne peut nous recevoir, car ils sont encore en quarantaine après le covid.

En penchant la tête, on aperçoit même Ioanna, la tante de Maria, handicapée, qui est encore sous oxygène. Nous continuons à chanter. Les visages s’éclairent. C’est l’annonce de Noël qui touche les coeurs. Nous les quittons après un dernier signe de la main. Nous apercevons notre voisin qui sort de sa voiture. Vite, nous lui demandons si sa maman âgée serait heureuse que nous lui chantions un chant de Noël. Il répond par l’affirmative et nous lui emboîtons le pas. Sa maman est toute heureuse de nous recevoir, mais surtout, sa femme nous rejoint, et nous sommes bien étonnées, car c’est la première fois que nous la rencontrons vraiment. Elle semble émue que nous soyons venues chanter, que nous perpétuions cette tradition ancestrale, si chère aux Roumains. « Noi venir sa implimim obiteiul din batrani. » : « Nous sommes venus perpétuer la coutume des anciens. » disent nombreux des Colinde. On fait connaissance autour des différents prajituri (gâteaux) et cozonac (sorte de brioche). Elle travaille même dans le quartier tzigane où nous allons régulièrement en apostolat !

Deux familles nous reçoivent encore. Dans la seconde, le fils, Emmanuel, 12 ans, nous conduit à sa grand-mère, qui habite une toute petite pièce à côté de leur maison. On monte quelques marches et pousse une porte branlante, qui semble sur le point de céder. Dans la pièce faiblement éclairée, au plafond tapissé de toiles d’araignée, deux grands-mères. L’une est déjà prête pour la nuit, étendue sur un canapé affaissé, couverte de multiples couvertures. On ne voit que son visage, recouvert d’un batic (foulard roumain). De multiples vêtements et affaires jonchent le sol, et sur un tabouret trône la seconde grand-mère. Un chauffage électrique donne un semblant de chaleur à la pièce. Nous nous frayons tant bien que mal un passage, essayons de faire abstraction de la forte odeur, et commençons à chanter. La grand-mère allongée s’anime, fredonne, puis s’assoit. On prend place autour d’elle. Elle demande un autre chant. On chante et on se réjouit ensemble, tandis que de grosses gouttes de pluie s’infiltrent par le toit et viennent s’écraser sur les feuilles de chants. On frappe à la porte. Je me lève pour ouvrir. C’est un monsieur âgé, le chef découvert, la casquette respectueusement à la main. Je lui fais signe d’entrer et de s’assoir, ce qu’il fait sans donner d’autre explication que « j’ai entendu que l’on colindait ici, alors je suis venu ! ». L’excuse est plus que valable, vues les circonstances ! Il semble ne venir de nulle part, exactement comme le Ravi de la crèche. Il a les yeux comme des billes, et il lui manque quelques dents devant. Il est simplement heureux d’être ici et se met à chanter avec nous. Avec Lina, nous nous regardons et nous sourions. Nul doute, Il est là. C’est ici qu’Il est venu naître.

References

References
1 Caryll Houselander
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