Qui se met à lire les lettres de Vincent Van Gogh découvre un homme passionné de Dieu.
Une passion toute existentielle, déchirante, que le sévère protestantisme environnant n'a pu contenir. Van Gogh a renoncé à son désir d'être pasteur après quelques années d'études douloureuses.
Une passion nourrie par l'expérience de chaque heure et de chaque minute: pour lui, Dieu est Celui qui se manifeste et vient à nous en toute chose.
Une passion qui a fait de l'amour le critère ultime de sa vie: Van Gogh a toujours privilégié les sujets simples (paysages et humbles gens) parce qu'il voyait en eux la vraie beauté et la vraie dignité.
Une passion qui lui a appris à se mettre au service des couleurs et de leur propre capacité d'expression: il les réquisitionnait plus qu'il ne les créait.
Une passion qui l'a rendue conscient que sa vocation d'artiste n'était que d'être un esclave inutile.
Une passion qui rendait possible en son cœur la juxtaposition d'une angoisse extrême et de la paix la plus profonde.
Voici les extraits de lettres à son frère Theo van Gogh [1]Traduction de l'anglais de Vincent van Gogh – The Letters : The Complete Illustrated and Annotated Edition © 2009. Ed. Leo Jansen, Hans Luijten and Nienke Bakker.
« Il s’agit de croire en Dieu – non pas en un Dieu au formol, mais dans le Dieu vivant, dans Celui-là même qui nous pousse irrésistiblement dans la direction de l'amour. Voilà ce que je pense. Preuve de Sa présence : la réalité de l'amour. Preuve que l'amour existe – que ce sentiment si puissant en nous est vrai : l'existence de Dieu. Parce qu'il y a un Dieu, il y a de l’amour. Parce que l'amour existe, Dieu existe » [2]Etten, 23 novembre 1881.
« Croire en Dieu est pour moi une certitude – non pas un concept, une vague croyance, c’est ainsi, c’est la vérité – il y a un Dieu, il est vivant – et Il est auprès de nos parents, tout comme il est auprès de nous, et j’ai la certitude qu’il nous a créés pour une raison précise, et qu’il semble que nous n’appartenions pas totalement à nous mêmes – et que Dieu n’est nul autre que le Christ dont nous parle la Bible et dont les paroles et la vie sont gravées au profond de notre cœur. […] Il sera une aide puissante, et il est en Son pouvoir de rendre notre vie supportable, de nous garder du mal, de diriger toute chose vers le bien, de nous donner la paix à l'heure de notre mort. Le mal existe, dans le monde et en nous – des choses terribles – et il n’est pas besoin d’être très avancé dans la vie pour en être terrorisé et pour sentir le besoin d’une espérance inébranlable en une vie après la mort et de savoir que sans la foi en Dieu, on ne peut pas vivre – on ne peut pas continuer d’exister » [3]Amsterdam, 30 mai 1877.
« Vraiment, la vie est une lutte. Nulle avancée possible sans combat, sans résistance, sans stratégies… à élaborer dans un esprit alerte et joyeux (…). Mais la lutte fait naître du plus profond de notre cœur une force intérieure, qui s'accroît avec le temps (…).
Si nous en sommes conscients – et cette conscience est le plus beau des dons de Dieu, la preuve qu'Il veille sur nous, qu'Il voit tout et connaît tout, et aussi l'assurance qu'Il n'est jamais loin de nous, qu'Il repose comme une ombre à notre droite et qu'Il nous garde du mal – notre lumière peut briller dans les ténèbres de la vie et du monde.
Et nous, qui sentons ce regard, n'hésitons pas parfois à lever les yeux pour Le rechercher Lui, l'Invisible » [4]Amsterdam, 30 octobre 1877.