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Bill Viola : quête, intériorité et Vérité

Bill Viola, artiste américain, né en 1951 est pionnier de l’art vidéo. Il fut cité pour être le « Rembrandt de l’âge vidéo » et est mondialement connu. Il nous expose dans une série d’interviews ce qui l’anime et la conception de plusieurs de ses œuvres d’art.

 

Interview en anglais avec Bill Viola : Les caméras sont les gardiennes des âmes

 

Au regard des évènements de sa vie et de la profondeur et de la délicatesse qu’elles ont éveillé en lui dans sa constante recherche de la vérité, nous comprenons que ses œuvres, profondément humaines et spirituelles, saisissent, provoquent, réveillent, énervent mais ne laissent jamais indifférents. Elles sont un travail de compassion.

Enfant, il se décrit comme tenant pour plus réel son monde intérieur que le monde immédiat qui l’entoure. Il raconte qu’à l’âge de 6 ans, il est tombé dans un lac, et a vu un monde magnifique sous l’eau, coloré et lumineux, comme un paradis, ce qui fut un point de départ de la découverte que la vie est plus que la surface et de la recherche de cette vie réelle cachée sous la surface.

A notre époque, alors que l’écran digital envahit tous les aspects de notre vie et qu’il a pour fonction soit de nous distraire de la réalité soit de nous en protéger (cf. les études et le travail via Zoom), l’art de Bill Viola nous engage sur une toute autre voie. En utilisant l’écran digital comme instrument de découverte de la réalité, il éduque notre regard et humanise notre rapport à l’écran.

En 1976, il réalise « He weeps for you» : l’idée de cette réalisation lui est venu alors qu’un jour de pluie, il rentrait chez lui, dans la banlieue de New York. Portant des lunettes, il les enlève pour essuyer les gouttelettes d’eau : alors qu’il tenait les lunettes dans sa main, une voiture passe et se reflète en 15 voitures dans les gouttelettes. Saisi d’émotion devant le tableau qui s’offre à lui, il créera « He weeps for you » . Nous voyons un homme qui se reflète dans cette goutte d’eau qui tombe. L’eau semble plus réelle que l’image de l’homme et le titre évoque une larme, une existence révélée dans les larmes d’un autre.

En 1983, il crée « Room for St John of the Cross ». Le titre de l’œuvre lui est venu en point final, « soufflé par une voix » dit-il, lui indiquant d’appeler son œuvre « pour ce qu’elle est en réalité ». Sa propre recherche l’avait conduit à lire beaucoup de mystiques islamiques, puis bouddhistes, et chrétiens. Il fut bouleversé, « saisi et effrayé » par la profondeur des poèmes de St Jean de la Croix. Ces poèmes furent écrit dans des conditions de tortures et parlent d’amour. Le titre fit scandale. Ce moment fut un tournant dans sa vie : « l’une des 1ères fois où je compris ce dont j’avais besoin et qui n’était pas quelque chose qu’un professeur m’aurait dit à l’école ou que j’aurais lu dans un livre ». Cette œuvre parle profondément de la liberté intérieure, non pas comme une fuite mais dans l’amour trouvé dans les conditions et limites si oppressantes de l’existence. La pièce est petite, étroite, basse, réduite à très peu de matériel et par cette petite porte s’ouvre un paysage de nature magnifique, qui conduit dans les hauteurs. C’est une œuvre pleine d’espérance pour tous ceux qui vivent douloureusement les limites de leur être et de la vie.

 

Bill Viola – Room for St John of the Cross

 

En 1981, sa mère meurt après trois mois dans le coma. Avant cette douleur, sa vie et ses vidéos de famille étaient bien séparées de la vie de son travail d’artiste. La mort de sa mère crée un choc. Pendant trois mois, il ne peut plus créer, malgré les demandes insistantes de la TV allemande pour laquelle il travaillait alors. Puis, en revoyant une vidéo d’elle pendant ce temps de coma, bouleversé aux larmes que « la caméra ait pu conserver cette vie », il créera « The passing » en 1991. Cette oeuvre nous manifeste que pour que sa vie soit vécue dans sa dimension complète, sa vie, ses vidéos de famille et ses vidéos d’artiste doivent former une unité. Ce passage de la naissance à la mort est saisissant : au-delà de l’apparence du corps matériel, c’est la même personne, la même essence, âme invisible et cachée et pourtant transparaissant par le corps.

En 1995, il devient célèbre avec « The Greeting », qui est inspiré d’un tableau de Pontormo (1528), peintre Florentin maniériste. Bill Viola travaillait à Florence depuis 1974 dans un studio vidéo, découvrant ainsi l’art et la culture européenne. Il avait ainsi découvert Pontormo mais sans intention de reproduire quoi que ce soit. Jusqu’à ce qu’un jour, se rendant à son travail en voiture, il s’arrête à un feu rouge. Il y avait au coin de la rue trois femmes, la journée était venteuse et leurs robes dansaient avec les feuilles des arbres. Le feu passa au vert, il démarra et oublia la scène. En arrivant au studio, il vit la photo couleur de ce tableau de Pontormo et réalise que c’est la même scène. Il se lance dans le travail. Il dit que cette œuvre fut la plus « schizophrène » de son travail d’artiste, travaillant presque contre sa volonté. Même au jour de la présentation à la Biennale de Venise, il n’appréciait pas l’œuvre et fut surpris des réactions enthousiastes. La légèreté de ce travail, amplifié par le vent qui agite les robes et le pas aérien de celle qui joue la Vierge Marie, la joie des couleurs incarnant la Grâce, le Don gratuit de Dieu qui vient nous visiter, fragile dans une créature fragile, Marie, par pur Amour.

 

Bill Viola – The Greeting

 

En 2004, il crée « The Raft ». Il décrit cette vidéo : les personnes de toutes races et couleurs, qui attendent (activité de la majorité de l’humanité nous dit-il), indifférentes, sont projetées violemment par des jets d’eau violents et tombent les unes sur les autres. Puis, elles se relèvent lentement après le choc et se regardent les unes les autres, vérifiant comment va le plus proche.

 

Bill Viola – The Raft

 

C’est aussi une œuvre qui révèle la vérité : la solidarité de destin, les interactions des vies qui se portent les unes dans les autres, la joie dans l’attention au tout-proche.

En 2008, il réalise « Three Women », dans la lignée d’une série de ses œuvres sur la transformation. « La métamorphose la plus profonde et la plus radicale est totalement intériorisée, invisible, sauf qu’elle modifie la substance même de la personne, qui finit par rayonner et transformer tout ce qui l’entoure », dit-il.

 

Three Women

 

Dans cette performance de cette mère et ses deux filles, la communion entre les trois femmes semble se matérialiser. Le ralenti nous rend attentif à leurs mouvements, à leurs regards mais sans être centrées sur elles-mêmes. Bien au contraire, c’est la communion des personnes qui est magnifiée. Dans le geste de la mère qui se retourne et tend la main à sa première fille ou encore son effacement à la fin qui laisse l’enfant dans la lumière.

« The dreamers » fut un succès en 2013, projetant des vidéos de personnes de différents âges, comme endormis, flottant dans l’eau.

 

Bill Viola – The dreamers

 

Bill Viola parle du rêve comme d’une connexion et d’une harmonisation entre l’intellect qui veut et décide et le cœur qui sent et reçoit. L’unité et la profondeur qui s’en dégage est apaisante, révélant la profondeur de la personne dans un mystère qui l’entoure.

 

Article rédigé par Marianne Philibert et Paul Anel

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