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Épiphanie : reconsidérer l’Adoration

« Des mages venus près de l’enfant et sa mère, l’Écriture nous rapporte qu’ils se prosternèrent et adorèrent. Il en va certainement de même des bergers, dont toute crèche nous montre l’attitude de profonde vénération : n’ont-ils pas appris de la bouche même de l’ange que cet enfant est le Sauveur, le Messie, le Seigneur ? Et combien d’antiques représentations nous montrent Marie, elle aussi en adoration silencieuse devant l’enfant couché à terre. Noël donne à l’adoration de Dieu telle que l’Ancienne Alliance l’a toujours connue, dans les psaumes par exemple, de toutes nouvelles raisons d’être et donc aussi une forme toute nouvelle : nous pouvons et nous devons adorer Dieu dans ce petit enfant qu’il nous a envoyé. Cette nouveauté est si surprenante qu’elle nous force à reconsidérer également l’acte de l’adoration lui-même, qui, à notre époque sécularisée, nous est devenu en grande partie étranger.

 

 

À la croix, le Fils ressaisira en lui toute l’indicible souffrance du monde et fournira au Père la preuve qu’on peut encore, du milieu de la déréliction, aimer et adorer Dieu par-dessus tout. Mais que se passe-t-il alors dans les entrailles du Père ? L’oblation du Fils ne l’a-t-elle pas, depuis l’éternité, touché et percé jusqu’au cœur ? Ne lui a-t-il pas fallu, depuis l’éternité, rester stupéfait devant cette oblation du Fils, de ce qu’une idée pareille eût pu surgir de l’abîme de la liberté divine ? C’est certainement parler ici en termes très humains, mais comment exprimer cela autrement tout en maintenant l’opposition des Personnes ou Hypostases divines dans l’unité et l’unicité de la Divinité ? Et maintenant qu’à Noël, l’œuvre est accomplie et que le Père voit couché devant lui son Fils comme un petit enfant, un enfant marqué déjà par l’heure des ténèbres approchante : ne faut-il pas voir dans cet étonnement même du Père une forme suprême d’adoration ? Pourquoi le Père ne devrait-il pas adorer le miracle de l’amour divin du Fils, tout comme le Fils, dans sa vie sur terre, a constamment adoré le Père et sa volonté d’amour ? « Que Ton nom soit glorifié, que Ton règne vienne, que Ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel » : c’est bel et bien une prière d’adoration. Et comment l’Esprit Saint, expression et témoin de cet amour réciproque du Père et du Fils, ne devrait-il pas adorer à son tour cette éternelle adoration réciproque ? »

 

Extrait : Hans Urs von Balthasar, Nativité et Adoration, Editions Communauté Saint-Jean,  p. 22

Photo : © María Elena

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