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« Le Dakar le plus dur auquel j’ai participé »

de Murielle Amouroux     30 janvier 2012
Exploit sportif et humain – Temps de lecture : 4 mn

Pourquoi des hommes risquent-ils leur vie et consacrent-ils leur argent pour une course dans le désert de quelques jours qui leur apportera bien des joies au prix de bien des frayeurs ? Et pourquoi cela provoque-t-il un tel engouement dans les medias ?


CC BY-SA Dakar Rally

Le 15 janvier, sur la Place d’Armes de Lima, deux Français montaient sur le podium, entourés du Président Ollanta Humala et de milliers de liméniens venus les acclamer : Stéphane Peterhansel et Cyril Després, respectivement champions auto (10e victoire !) et moto du Rally Dakar 2012. Ils confessèrent alors que ce rallye fut le plus difficile de leur carrière…  Argentine, Chili, Pérou, ils sont partis de Mar del Plata en Argentine, ont passé la formidable barrière de la Cordillère des Andes, pour descendre au Chili, et terminer à Lima, au Pérou après avoir traversé 3000 km de déserts. On est dans la tradition du grand voyage.

On peut se demander ce qui motive ces hommes à partir ainsi dans un raid réputé comme le plus difficile du monde, comme l’a déclaré un pilote péruvien à son arrivée : « ce fut dur, mais je recommencerai… Le Dakar, quand on l’a fait une fois, on y revient… » Que cherchent plus de 400 pilotes dont 11 femmes, à travers une compétition éprouvante tant physiquement que techniquement, parfois au péril de leur vie ? Simple désir d’aventure, ou soif de quelque chose de plus grand?

L’épreuve qui réunit quatre catégories, auto-moto-camion-quad, naît en 1978, après que le pilote français Thierry Sabine se perde dans le désert du Ténéré, au nord de l’Afrique, et considère son expérience comme digne d’être reproduite en une compétition internationale. Le « Paris-Dakar » est né, débutant comme une aventure à l’état pur, avec des pilotes passionnés et prêts à tout, avec des véhicules tout-terrain et très peu d’organisation. Au fil des ans, le raid s’est transformé en la compétition mondialement connue, d’un grand déploiement technologique, réunissant plus de 2000 personnes entre organisation, participant et assistance. En 2008, suite à des menaces terroristes en Mauritanie, le Dakar se déplace en Amérique du Sud. Depuis 2009, ce sont désormais les déserts d’Argentine, du Chili et à présent du Pérou qui en sont l’objet.

Le Dakar peut faire rêver, ou  agacer, voire révolter, mais laisse rarement indifférent. Il apparaît bien souvent comme un enjeu financier énorme : les grandes marques de voitures, motos ou camions promènent leurs nouveaux modèles, testent leurs dernières découvertes technologiques. Les pays où il passe voient le tourisme croître de façon considérable…

Mais il est aussi objet de polémique : des morts accidentelles parmi les autochtones, un scandale quant à la moralité de dépenser tant d’argent et de faire du loisir dans des pays du tiers-monde où les gens luttent pour survivre.

Ce que l’ont sait moins et qui est pourtant partie intégrante du Dakar ce sont les valeurs qui dès le départ ont imprégné cette compétition-aventure. Ainsi, un mot d’ordre qui fait partie de la tradition du Dakar, est l’entraide. En Afrique, chaque équipe participante aidait les zones de passage avec des médicaments et des équipements pour les hôpitaux. Des initiatives ont aussi vu le jour, et fonctionnent encore aujourd’hui, dans le but d’entretenir un lien avec les peuples qui l’accueillent, et de faire naître une solidarité. Ce fut la mise en place de « Actions Dakar » avec SOS Sahel (aide à des micros projets dans le domaine de l’environnement, dans des petits villages, comme la lutte contre la désertification). En Amérique du Sud, une aide en matériel d’habitat avec l’Association d’aide au logement d’urgence « Un techo para mi país » (un toit pour mon pays). Ainsi en quatre ans de Dakar en Amérique du Sud, 510 000 dollars ont été versés. Une contribution est prélevée sur les droits d’inscription de tous les concurrents.

S’il s’agit donc pour beaucoup de relever un défi, de réaliser un rêve, il y a dans le Dakar ce mélange de compétition et d’entraide. Il est étonnant de voir que s’y côtoient les plus grands pilotes de rallye et les concurrents amateurs, de cinquante nationalités différentes, qui parfois mettent des années pour aller au bout de leur rêve. C’est un défi sportif et humain où la performance technique n’est pas la seule à entrer en compte comme en témoigne Cyril Després à l’arrivée : « J'essaie de soigner tout le temps les détails. Cela me fait plaisir de bien faire mes devoirs, et dans mon métier, quand cela se passe bien ça se termine par une victoire. Aujourd'hui, on a gagné et c'est juste énorme. C'est définitivement le Dakar le plus dur auquel j'ai participé : physiquement éprouvant, mais surtout mentalement. Se remettre en question chaque matin et se bagarrer, c'est très dur dans la tête. Ce n'est pas comme un marathon de 42 km, c'est tous les matins qu'il faut repartir au charbon. Toutes les victoires sont jolies, mais celle-là est particulière parce que le contexte a été délicat jusqu'à la fin, au dernier moment. C'est impossible d'imaginer ce scénario, dans lequel on se bat à coups de secondes. J'ai fait 90 ou 85 rallyes dans ma vie, et c'est celui où j'ai le plus bagarré. Aujourd'hui je suis marqué. »

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