À Paris, au cinéma Balzac, a été présenté récemment, en avant-première française, le film « Tarkovski, le cinéma comme prière », réalisé par Andreï Andreevitch Tarkovski sur son père.
Le film est une petite merveille. Il a été construit en partant d’abord de la voix enregistrée de Tarkovski père, sur laquelle ont été montées les images de ses films et de vidéos personnelles, et parfois de poèmes lus de son grand-père, qui était poète. Le film suit l’ordre chronologique de sa vie mais surtout nous fait entrer dans la beauté de sa personne et de sa mission.
« Mes films sont faits pour des enfants »
Le personnage de l’enfant est central, non seulement parce que les enfants sont souvent les personnages principaux de ses histoires, mais aussi parce qu’il disait que ses films étaient destinés tout particulièrement à être compris par eux. Les enfants ont encore une connexion très simple avec le monde surnaturel et ils comprennent le monde bien mieux que les adultes. Leur regard est simple, encore peu encombré par les constructions socio-culturelles, et souvent plus à la source des questions métaphysiques.
« Les rêves et prophéties »
Tarkovski nous dit que certains rêves sont différents des autres et ont un sens qui doit être transmis au monde. Certains de ses films naissent de cela, d’une inspiration dont on sent bien qu’elle ne vient pas de lui, qu’elle n’est pas un projet. Le film « Sacrifice » repris à plusieurs moments, en est un exemple.
« Il n’existe qu’une seule forme de relation en ce bas-monde : celle du service »
Tarkovski a vécu son travail de cinéaste, d’artiste comme une mission, c’est-à-dire profondément comme un service. Le personnage du « Stalker » est particulièrement beau en cela : ce film reprend un extrait où il pleure en expliquant qu’il n’est pas mieux que les autres, peut-être même pire et moins doué mais c’est sa mission, et c’est ce qui lui donne la joie. Notre vie a du prix car elle est une mission, née d’un don purement gratuit et débordant de l’Amour Trinitaire.
« Dimora »
La demeure prend une grande place dans ce film, cette maison qui comptait tant pour Tarkovski, image de sa maison et de sa famille. Lorsque la maison brûle, il n’aura pas la force de venir la voir, sa femme devra y aller et lui raconter. Ils la feront reconstruire à l’identique. Cette maison en pleine nature semble un havre de paix. Tarkovski raconte l’anecdote qu’il voit des oiseaux se poser sans crainte sur la tête de sa femme, et qu’il se demande pourquoi. Sa conclusion est que des oiseaux ne viendraient pas se poser là si cette personne n’était pas bonne. Il reprend des passages entiers dans ses films qui ne montrent que la nature car dit-il, l’homme croit que lui seul compte dans un film, or la nature a tout autant à dire. Ici encore, quelque chose correspond à notre cœur profond qui perçoit la nature, la création comme un donné, un donné qui a un ordre, quelque chose qui s’émerveille devant le don et recherche l’harmonie de l’entente entre homme et création.
« Apocalypse »
Tarkovski alors qu’il était en exil, contraint de ne pas pouvoir retourner en Russie, a vécu en Italie et il a donné une conférence à Londres sur l’Apocalypse. De manière assez prophétique, il dit que si notre monde est dans un chaos, c’est que l’évolution spirituelle de l’homme n’a pas suivi son évolution matérielle. Plusieurs passages de ses films font référence à l’Apocalypse. La question de la fin dernière n’est-elle pas celle qui nous demande ce que nous faisons de notre vie ? Par rapport à sa propre mort, il était très en paix : la mort n’est qu’un passage, elle est une rencontre.
« Les possédés »
Tarkovski aimait et suivait ses maîtres qui l’étaient chacun dans leur domaine respectif : Tolstoï, Bach, Van Gogh,… Il les décrit d’une manière très étonnante et très juste. « Ce sont des possédés ». Possédés car dépositaires de quelque chose qui ne leur appartient pas et qu’ils ont à transmettre, ce qu’ils feront par toutes les fibres de leur existence.
Trailer du Film