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Javier Milei, une année de présidence, quel premier bilan ?

Pour beaucoup, et notamment la presse anglo-saxonne, il mérite le titre d’homme de l’année. Après une année de gouvernement du pays et ce, au milieu de fortes turbulences, un simple regard sur la situation du pays montre à quel point les changements ont été significatifs au sein de la société argentine.

 

Javier Milei

 

C’était le 10 décembre 2023 que Javier Milei prenait les rênes d’un pays exsangue économiquement, au bord de l’hyperinflation (25% mensuelle), aux réserves vides (-10 milliards de dollar de réserve nette) et une croissance en berne. Les jeunes et les entrepreneurs fuyaient un pays paralysé par d’incessantes grèves et autres mouvements sociaux, les déficits ne cessaient de se creuser et l’Argentine faisaient partie des plus mauvaises élèves de la classe d’Amérique latine, rivalisant seulement avec le Venezuela pour le titre du meilleur cancre économique.

L’arrivée de cet économiste était attendue tant le dégout pour la classe politique du moment était fort. A la différence de ces adversaires il a annoncé clairement la couleur : « avec moi nous allons souffrir au début, il y aura du sang et des larmes, mais c’est un moment indispensable afin de revenir à être de nouveau un grand pays ». La plupart de ses réformes structurelles ont été faites tout de suite, lors des 6 premiers mois, qui furent incontestablement les plus durs et accentuèrent fortement la récession, la perte de pouvoir d’achat, la pauvreté et le chômage. Mais il vaut la peine de s’arrêter sur la tactique choisie par ce gouvernement et surtout sur les fruits tangibles qu’une telle politique commence à porter.

Premières réformes

Le cœur de l’action de Javier Milei peut se résumer en un mot : « motosierra » (la tronçonneuse). Sa philosophie c’est que l’Etat ne doit pas s’occuper de tout mais plutôt se concentrer sur ses fonctions régaliennes (la sécurité des citoyens, la politique extérieure, la défense, la gestion économique du pays). Le nombre de ministère a été réduit de 18 à 8 et le train de vie de l’Etat au minimum vital. Les fameux transferts d’argent de l’Etat central aux provinces ont eux aussi été largement coupés afin de forcer leurs gouverneurs à arrêter d’augmenter les dépenses et à se poser la questions de leur pertinence. Milei a aussi décidé de ne plus renouveler certains postes de fonctionnaires lors du départ à la retraite ainsi que ceux qui venaient d’être embauchés par le précédent gouvernement. Des voitures de fonctions jugées « superflues » ont été vendues ainsi que de nombreux terrains et bâtiments inoccupés. Parallèlement une politique de privatisation d’une cinquantaine d’entreprises publiques a été mise en place. La vision derrière est que ce n’est pas à l’Etat de créer des emplois mais au secteur privé. Ce que l’Etat doit faire c’est ne pas lui mettre de bâton dans les roues et favoriser l’initiative de ceux qui connaissent le terrain et peuvent apporter des solutions.

Cette politique qui consiste à se recentrer sur l’essentiel et se priver du superflu a entrainé le gouvernement à ne pas pour autant couper dans l’aide sociale. « Potovello (la ministre du « capital humain ») est la seule « qui peut utiliser la carte de crédit » comme dit le président. Les bons d’aide à l’enfance, les aides alimentaires (beaucoup d’argentins se nourrissent mal ou ne mangent pas à leur faim) ont été maintenu et revalorisés au-dessus de l’inflation. Point important : les autres aides sociales ont été retiré de la gestion des syndicats. Accusés de se servir au passage (recevoir 100 et distribuer 95), ils imposaient leurs conditions aux bénéficiaires (comme celle d’aller à leurs manifestations) sous peine de se voir couper leur subside. Un numéro vert a été mis en place pour s’assurer que personne ne soit extorqué et son standard a rapidement explosé. Le chiffre de la participation à certaines manifestations « spontanées » (comme fin décembre 2023) est donc passée pour certains de 50 000 à 3 000 participants. Et Milei a envoyé aux syndicats le coût de la facture du système de sécurité qui s’assurait que les routes ne soient plus coupées. Les argentins dans leur écrasante majorité savent gré au gouvernement d’avoir enfin mis un coup d’arrêt à la dictature d’organisations qui paralysaient le pays tous les deux mois et vivaient au crochet de l’Etat.

 

Javier Milei et son cabinet le 10 décembre 2024 (photo ambito financiero)

 

Enfin, last but not least, un grand ministère de la dérégulation a été créé (dont s’inspire aujourd’hui Elon Musk aux USA) afin de supprimer toutes les vieilles lois, les lois inutiles ou trop contraignantes. L’absence de majorité au Congrès n’a pas permis d’aller au bout de la volonté de son ministre mais le mouvement de ce « choc de simplification » est lancé. La première loi a avoir été abrogée fut celle de l’encadrement des loyers. Résultat : l’offre a explosé de 30 % et les prix des loyers ont baissé de 20%. Des étudiants qui ne pouvaient se loger dans la capitale commencent à revenir.
Là encore la philosophie est claire : « faire la vérité des prix ». Ce qui entraine tout d’abord leur hausse (pour rattraper les contrôles de l’Etat qui faussent le marché) puis ensuite leur baisse (car la concurrence peut fonctionner). Et cela dans tous les domaines.

Premiers résultats

Le résultat le plus surprenant c’est la fin du déficit fiscal (5% de PIB annuel) pour un excédent de 1,5% cette année. Une grosse partie de cette excédent servant au remboursement de la dette (et au service des intérêts) ainsi qu’à l’augmentation des dépenses sociales (bon alimentaire et allocation pour les personnes seules). La chute des dépenses de l’Etat a pu entrainer la fin de l’émission monétaire (qui servait à financer le déficit) et donc une mise au pas progressive de l’inflation. Cette dernière a donc cessé sa progression exponentielle (25% en décembre 2023) pour revenir à des niveaux plus acceptables (2,4% en novembre 2024). Ce qui permet le retour du crédit à la consommation et la reprise de la croissance (4,9 % au dernier trimestre 2024, ce qui donnera une récession de 2,5% en 2024 pour une prévision de croissance de 5% en 2025).

Déjà le chômage a commencé sa baisse. Un régime juridique d’investissement international (le RIGI) fut créé afin d’inciter les entrepreneurs internationaux à investir en Argentine ce qui entraine la création de nombreux projets avec des emplois à la clé (notamment dans le secteur des mines et de l’énergie). 2500 millions de dollars de projet sont déjà sur la table.

 

 

La Banque Centrale, de son côté, a pu renouveler ses réserves (mais pas encore suffisamment pour sortir du contrôle des changes dit « cepo ») et l’Argentine a recommencé à payer ses dettes (notamment vis-à-vis du FMI). Les agences de notations américaines ont abaissé le risque pays de 2500 à 650 ce qui fait que l’Argentine est passé de la catégorie de pays en faillite à celle de « pays émergent ». Pragmatique, Milei semble oublier son projet de dollarisation immédiate (en faisant « sauter la Banque centrale », selon ses propres mots) pour s’orienter plutôt vers un système de bimonétarisme à la péruvienne (ce qui suppose une indépendance totale de la Banque centrale, là encore comme au Pérou qui est un exemple en la matière). Le pays vient d’engranger 16 milliards de dollars d’excédent de la balance extérieure (surtout en raison de la faiblesse de la monnaie et de la chute des importations) ce qui permet à l’Etat de respirer un peu financièrement. Une « amnistie fiscale» a aussi permis une hausse des dépôts en dollars dans les banques privées et notamment des réserves de la Banque centrale.

La pauvreté quant à elle n’a cessé d’augmenter ( de 42 à 50 % en une année) mais il faut se méfier de sa mesure statistique. C’est en effet un panier de la ménagère basé de nombreuses années sur une monnaie artificiellement maintenue hors du marché. Plus la vérité de la monnaie se fait (il y a encore un décalage entre le dollar de la rue ou « blue » et le dollar officiel de la banque centrale) et plus la mesure de ceux qui sont en dessous du seuil augmente. Il faut encore un peu de temps pour se rendre compte de sa réelle évolution.

Qu’en disent les argentins ?

Au moment le plus dur de cette « thérapie de choc », les 6 premiers mois de 2024, la côte de popularité du président est restée stable (vers 50-55 %, plus ou moins le chiffre de sa victoire au second tour) avant de plonger de 10 points en août-septembre. Les résultats de la reprise de l’activité se faisant sentir, le repositionnement des salaires, la fin de l’hyperinflation ont redonné ensuite au gouvernement un nouveau souffle. Le pays est encore très fragile mais il est sur de bons rails pour la majorité des argentins. Il n’y a pas de plan B et très peu de personnes veulent revenir à l’ancien système. Résultat : la côte de popularité a rebondi de 10 points en novembre et s’est retrouvé au même niveau que lorsque Javier Milei a assumé la présidence. Ce qui reste marquant c’est qu’il a conservé le soutien populaire.

La question majeure que pose la présidence ce Milei c’est celle du périmètre d’activité de l’Etat : où se trouve ce qu’il doit faire ? D’où doit-il se retirer ? C’est donc un ensemble de réformes structurelles qui a été mené avec un succès déjà largement salué à l’extérieur. Malgré la situation catastrophique dont il a hérité, Milei a su rapidement gagner la confiance des marchés. Il a dit ce qu’il allait faire et il fait ce qu’il a dit. Ce qui rassure les acteurs économiques et les investisseurs qui avaient déserté l’Argentine en raison de son instabilité.

Convaincu qu’il est investi d’une mission (celle de refaire de l’Argentine une grande puissance) une analyse superficielle et partiale le fera paraitre comme un fou (de fait c’est son surnom , « el loco ») notamment en raison de sa tenue, de quelques déclarations passées, de ses coup de sang. Disons que c’est plutôt une personne « hors norme », un extravagant dans son style mais d’abord et surtout quelqu’un de déterminé. C’est bien là que se situe son succès : n’agissant pas en fonction des sondages, du diktat du politiquement correct ou d’une popularité superficielle, sa détermination à mener une politique claire et lisible inspire confiance, cette confiance que l’on dit si nécessaire aujourd’hui pour redresser un pays.

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