Home > Musique, Danse > La possession vécue dans l’humilité

La possession vécue dans l’humilité

Comme chaque année à New york a eu lieu ce weekend le New York Encounter, une conférence de trois jours organisée par Communion et Libération.

 

 

La conférence avait pour thème les vers d’ouverture du Vita Nuova de Dante: Dans cette partie du livre de ma mémoire, avant laquelle on ne trouverait pas grand’chose à lire, se trouve un chapitre, ayant pour titre: Incipit vita nuova [1]“Ici commence une vie nouvelle,” Chapitre I, Vita Nuova, Dante Alighieri

Le concert d’ouverture du New York Encounter était accompagné des refléctions de Giussani tirées de son livre Spirto Gentil, dans lequel il introduit nombreux grands compositeurs des dix-huitième et dix-neuvième siècles, certains chefs-d’oeuvre de musique sacrée et des recueils de chants folkloriques issus de diverses traditions nationales. Giussani reconnaissait la musique comme un moyen par lequel le Mystère parle au coeur de l’homme, une manière privilégiée de percevoir la beauté comme “splendeur de la vérité.” Spirto Gentil nous introduit donc non seulement aux éléments de la forme musicale, mais surtout nous accompagne dans la recherche du sens ultime de l’existence [2]Introduction de la page de couverture de l’édition anglaise de Spirto Gentil

Le premier morceau du concert, l’impromptu Op. 142 no 1 D 935 en F mineur de Schubert, nous était introduit ainsi:

Ces courtes compositions, comme des pensées improvisées ou des méditations solitaires, sont dominées par un sentiment de tristesse, de nostalgie. Et pourtant, dans la musique de Schubert, il y a toujours une positivité irréductible, un début d’espérance qui donne forme et sens à ce qu’il dit, une positivité plus proche de l’intuition et exigée par la raison et par le coeur plutôt que résultat d’une possession paisible. En nous communiquant ce qu’il possède de plus intime, Schubert est tellement sérieux avec sa propre humanité et son propre désir, qu’il ne peut s’empêcher d’accueillir l’ouverture à l’Éternel que le coeur lui suggère. Même si pour lui ce n’est pas l’objet d’une possession dans le présent, c’est néanmoins l’objet reconnu de son désir et de son attente. Il s’approche du Mystère comme sur la pointe des pieds, comme s’il ne s’en sentait pas digne.

La grandeur de Schubert se situe précisément dans ce dialogue continu avec le Mystère. C’est un dialogue qui a comme point de départ un signe concret, un visage précis; mais tout cela se transfome immédiatement en un “Tu” qui se profile dans l’horizon infini.

Nous sommes tous enveloppés dans Quelque chose qui nous pénètre. Si cela ne nous pénétrait pas, cela nous enfermerait; de la même manière, lorsque quelqu’un nous étreint, il ne nous étouffe pas: il nous enveloppe, si l’étreinte nous pénètre. Ainsi sommes nous devant le Mystère de l’Être, ainsi devrions nous être devant le Mystère de l’Être, le matin et à chaque moment de la journée. Il est bien vrai que le Mystère ne peut être complètement possédé; il est objet d’expérience mais ne peut être possédé, c’est-à-dire mesuré, épuisé, embrassé dans sa totalité; pourtant de façon égale, il est vrai qu’il est possédé. C’est une possession inépuisable qui ne peut donc qu’être vécue dans l’humilité, une humilité qui devrait se répercuter entre le “je” et le “tu” humains, entre deux personnes.

Ami Schubert, quelle est la grandeur de la vie? La grandeur de la vie est l’intensité avec laquelle l’instant est vécu comme conscience du rapport avec l’Infini. Et toi tu en as été témoin. [3]Spirto Gentil, pp 53-54, traduction propre

L’instant vécu comme conscience du rapport avec l’Infini.” Ces mots de Giussani font écho aux vers de Dante et thème de la conférence – incipit Nuova Vita – et à la manière dont le jeune Lio Kuok-Wai [4]https://www.newyorkencounter.org/lio-kuokwai a interprété l’impromptu de Schubert pour l’ouverture du New York Encounter:

 

 

Sa manière de jouer révèle un travail acharné par amour du maître. L’expérience transmise par Schubert dans sa musique est également objet d’expérience pour Lio Kuok-Wai, objet d’expérience mais pas de “possession,” pour réutiliser les mots de Giussani. Comme Schubert, il s’approche sur la pointe des pieds, comme s’il ne s’en sentait pas digne. Et pourtant, en le voyant jouer, il est clair qu’il possède ce morceau, mais “c’est une possession inépuisable qui ne peut donc qu’être vécue dans l’humilité” – une humilité qui devrait se répercuter entre le “je” et le “tu” humains, entre deux personnes -.

Voici également l’enregistrement (avec une meilleure qualité de son) de l’impromptu joué par Alfred Brendel, pianiste autrichien affectionné par Giussani:

 

References

References
1 “Ici commence une vie nouvelle,” Chapitre I, Vita Nuova, Dante Alighieri
2 Introduction de la page de couverture de l’édition anglaise de Spirto Gentil
3 Spirto Gentil, pp 53-54, traduction propre
4 https://www.newyorkencounter.org/lio-kuokwai
Vous aimerez aussi
Pourquoi lire la Divine Comédie ?
Dante Alighieri, poète engagé
Confinements russes
L’amitié est le mystère de la fécondité

Répondre