Interview d'Alexis Sigov par Madison Alford 5 juillet 2012
Euro 2012
Alexis Sigov est ukrainien, rédacteur de la maison d'édition "Duh i litera" (L'esprit et la lettre), spécialisée dans la publication de livres philosophiques, culturels, artistiques et de recherche scientifique. Passionné de football, il a suivi tous les matchs de l'Euro 2012 et a accepté de nous livrer ses impressions sur ce qui s'est passé en Ukraine à l'occasion de ce championnat.
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Quel a été l’impact politique et social de l’Euro pour l’Ukraine ?
Ce n’est pas une question facile. D’un côté, de nombreux leaders européens ont menacé de boycotter le championnat suite à l’emprisonnnement de Ioulia Timoshenko. D’un autre côté, le championnat a permis de persuader les Européens de plusieurs choses :
1. Bien sûr, l’Ukraine doit encore faire des progrès, mais elle offre déjà des conditions favorables pour les touristes.
2. L’Ukraine est très diversifiée et très vaste : il est impossible d’en faire le tour en une fois… il faut revenir !
3. Tout est beaucoup moins cher que dans l’UE.
4. Les Européens savent maintenant où se trouve l’Ukraine sur la carte.
5. Surtout, les visiteurs ont pu prendre conscience que le peuple ukrainien était accueillant, tolérant et sincère.
Le sport est souvent un facteur de cohésion nationale, qu’en a-t-il été de l’Euro ?
J’ai visité pour la première fois Donetsk pendant ce championnat. Ce fut agréable de me retrouver là, avec des fans venant des quatre coins de l’Ukraine. Je pense que, pour les habitants des régions orientales (comme Donetsk), il était important de faire l’expérience de l’unité de la Nation. De telles vacances, dans une atmosphère si amicale, permettent de dépasser tous les préjugés. J’ai pu constater que l’unité ukrainienne était vraiment ressentie : nous pouvons être fiers de cette unité qui a été remarquée par les visiteurs étrangers.
Quels sont les matchs ou les événements qui vous ont marqué ?
Question intéressante ! Nous avions quatre équipes dans notre groupe : Ukraine, France, Suède et Angleterre. J’ai toujours soutenu mon pays, l’Ukraine, ainsi que la France qui est ma seconde patrie. J’aime aussi l’Angleterre pour son football et j’ai une préférence pour Liverpool depuis 2000. Or beaucoup de joueurs de Liverpool étaient dans l’équipe nationale. Enfin, il y avait la Suède et finalement j’étais presque tout le temps de leur côté ! Ils avaient un très bon public, ils étaient incroyables et ils ont très bien joué ! Kiev était submergée par la fièvre suédoise. Comme la Suède a joué tous ses matchs à Kiev, les habitants ont pris parti pour la Suède. Il faut dire aussi que la Suède a un drapeau jaune et bleu… comme l’Ukraine !
Le match le plus marquant pour moi fut : Suède – Angleterre. J’étais au stade avec ma sœur et nous sommes allés avec les fans de la Suède. Je me rappellerai ce match toute ma vie… la Suède perdait, puis elle a repris l’avantage à 2-1 pour enfin s’incliner 3-2. J’ai littéralement pleuré avec les 10 000 fans suédois.
Le match Ukraine – Suède est aussi digne de rester dans les mémoires. 100 000 fans ukrainiens étaient rassemblés sur la Place de l’indépendance pour se convaincre que leur équipe méritait de participer à ce tournoi : des centaines de personnes ont regardé le match côte à côte, de l’Est à l’Ouest du pays. L’atmosphère de joie après leur victoire reste inoubliable. Cette victoire a dépassé largement le cadre du terrain de football.
Chaque jour, j’ai rencontré des jeunes suédois, français, allemands, italiens, espagnols, brésiliens, turcs, colombiens… et je n’ai pas vu une seule violence. Finalement toute l’Europe (et même au-delà) a visité l’Ukraine et l’Ukraine méritait cela depuis longtemps.