De M. Sentis.
A l’heure où on s’interroge à Lima sur la place occupée par les femmes dans le processus d’indépendance du Pérou, s’impose une magnifique figure de femme éprise de liberté en la personne de Madeleine Truel. Hier encore inconnue de ses compatriotes, elle est saluée aujourd’hui comme la plus grande héroïne péruvienne de la Deuxième Guerre Mondiale.
Madeleine Truel (au premier plan) et sa famille au Pérou © Archives Truel
Il y a huit ans, le journaliste Hugo Coya découvre le nom de plusieurs Péruviens sur les listes noires du camp d’Auschwitz. Souhaitant en savoir plus sur ces victimes dont on ne parle pas, il enquête et découvre ainsi le destin de Madeleine Truel. C’est un choc. En 2010, il publie Estación final (Ed. Aguilar), qui relate l’histoire et la fin tragique de 22 personnes, mais aussi le courage, l’humanité et l’héroïsme de plusieurs d’entre eux.
Madeleine naît en 1904 à Lima, de parents français émigrés au Pérou. Elle appartient à une famille nombreuse, qui connaît la douleur de perdre successivement mère et père. Les enfants partent pour la France en 1924. L’arrivée de la guerre et les exactions commises par les nazis poussent Madeleine à rejoindre la Résistance. Pendant deux ans, elle falsifie des documents permettant à de nombreux Juifs et Alliés de passer en zone libre, déjouant la surveillance des Allemands qui recherchent ce réseau. Elle prend des risques et finit par être arrêtée par la Gestapo. Interrogée, elle refuse absolument de livrer les noms de ceux qui ont œuvré avec elle ou qu’elle a pu aider. Envoyée en Allemagne, au camp de Sachsenhausen, elle conserve une joie et une attention aux autres, alimentées par sa profonde foi en Dieu. Elle chante et raconte des histoires du Pérou pour redonner courage à ses compagnons qui la surnomment « l’oiseau des îles ». Elle échappe à la mort dans le camp, mais l’avancée des Russes affole les Allemands qui traînent leurs prisonniers à travers l’Allemagne dans des marches forcées au cours desquelles beaucoup meurent. Victime de la rage de l’un des gardiens, elle est frappée à coups de barre de fer sur la tête et sur le corps. Elle meurt d’épuisement et des conséquences de ses blessures dans le petit village de Stolpe, le 3 mai 1945, trois jours avant la reddition de l’Allemagne.
Cette femme aurait pu rester une simple spectatrice atterrée des événements dramatiques de son temps. Elle a choisi de risquer gratuitement jusqu’à sa propre vie pour sauver ce qui devait l’être. Son engagement total, elle l’assume : « L’unique responsable de mes actes, c’est moi, et j’en répondrai devant Dieu », dit-elle aux Allemands. Par sa vie et sa mort, elle proclame la valeur sans prix de la liberté et de la vie humaine.
Ceux qui souhaitent en savoir plus peuvent la retrouver dans un documentaire en espagnol réalisé récemment et présenté le 17 juillet dernier au Congrès péruvien :