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Yohji Yamamoto : défilé printemps-été 2013

De Renee Kurz.
Mode – Yohji Yamamoto

En juin dernier, Yohji Yamamoto a présenté à Paris sa collection pour hommes, printemps-été 2013, mettant en scène des modèles aux visages tuméfiés.

Imaginez un instant que vous marchiez dans la rue et que vous croisiez un homme couvert de bleus et de vêtements trop amples. Ne seriez-vous pas un peu effrayé ? Peut-être mettriez-vous un peu de distance entre lui et vous et vous interrogeriez-vous, méfiant : « Que s’est-il donc passé ? ». Imaginons encore que vous travailliez pour une grande compagnie et que vous soyez dans l’ascenseur. Quand les portes s’ouvrent entre un collègue vêtu d’un élégant costume fait sur mesure et, là encore, la visage hagard. Ne lui demanderiez-vous pas plein de sollicitude : « Que t’est-il arrivé la nuit dernière ? ». Ce ne sont que deux des multiples scénarios que nous pourrions imaginer à propos des modèles – ou plus exactement des personnages – qui ont défilé à Paris en juin dernier, révélant la collection pour Hommes Printemps-Eté 2013 de Yohji Yamamoto.

Ce styliste japonais avant-gardiste basé à Tokyo et à Paris a présenté une collection associant des créations aux coupes contradictoires : volumes libres et tourbillonnants ou, au contraire, lignes étroites et maîtrisées. Une histoire semblait se jouer entre les pantalons slim noirs et les sarouels bouffants orange vif, entre les vestes de costume cintrées et les blazers ouverts désinvoltes – un maintien raisonnable et contraint succédant à une démarche désinvolte et alanguie.

Ce jeu sur les coupes n’est pourtant pas une surprise de la part de Yamamoto au regard de l’histoire de sa création esthétique : ce qui est surprenant, ce sont les taches de couleur sur la palette habituellement noire… sans parler des blessures et des bleus. Sur le podium où l’on voit toujours des visages maquillés et parfaits, ce que Yamamoto a présenté était davantage de l’ordre du théâtre, ou peut-être la réalité elle-même. On ne s’attend pas à une présentation ainsi ironique qui semble contredire la belle essence d’un défilé de mode. Ce choix nous entraîne encore plus loin que les vêtements portés par les hommes. Il incite le spectateur à remettre en question son regard sur une réalité que nous pourrions autrement nous dissimuler, ou – si nous étions à leur place – à nous demander comment nous relever et aller de l’avant. Je pourrais presque imaginer que Yamamoto dessine des habits pour les personnages d’un roman de Dostoïevski, hommes dressés contre un monde agressif, au bord du désespoir, blessés par la vie… mais mus encore par une espérance intrinsèque.

La collection montre l’ingéniosité de Yamamoto. Elle met en lumière son habileté à créer une ligne toujours nouvelle dans son style bien distinct, auquel il s’est strictement tenu pendant trente ans, sans céder à des tendances plus arrangeantes ni laisser les difficultés financières avoir raison du meilleur de son art. Fidèle à son identité, montrant simplement l’effort d’exister, dans ces coupes ajustées et ces couleurs vives sur des silhouettes noires, l’affirmation de Yamamoto est toujours la même. Cette collection n’est, semble-t-il, pas très éloignée de sa propre expérience… et de celle de beaucoup d’hommes.

Rien n’est fortuit ni abîmé dans la coupe car parmi les chemises longues et les trench flottants, les cravates pendantes et les galons, il y a l’âme d’un homme qui essaie simplement de s’approprier la vie et d’avancer. Devant ce soleil couchant mandarine dans un ciel bleu électrique, Yamamoto se dresse, vêtu de noir.
 

Pour voir les photos du défilé :
http://www.vogue.co.uk/fashion/spring-summer-2013/mens/yohji-yamamoto
http://www.style.com/fashionshows/review/S2013MEN-YJIYMOTO/

Un extrait vidéo :

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