Home > Style de vie > La Sebastiana a 50 ans

de Laurent Pavec          17 septembre 2011

Il y aura demain cinquante ans, Pablo Neruda inaugurait sa maison de Valparaíso : la Sebastiana. Trente personnes, « en raison de leurs inoubliables mérites », reçurent à cette occasion une invitation sur laquelle on pouvait lire : « Nous t’attendons le 18 septembre. Menu : empanadas[1], vin rouge et ciel bleu. Première journée de la maison ». C’est donc le jour de la fête nationale que le futur prix Nobel de littérature, vêtu en Huaso[2], reçut ses premiers hôtes.

© Points-Coeur

C’était l’aboutissement d’une quête qui avait commencé plusieurs années auparavant par la recherche d’une maisonnette « où vivre et écrire tranquillement. » Elle devait avoir certaines caractéristiques « ne pas être ni trop haute ni trop basse. Être isolée mais pas excessivement. Voisins : pourvus qu’ils soient invisibles. Ils ne doivent pas se voir, ni s’entendre. Originale mais sans désagrément, très aérée mais solide. Ni trop grande, ni trop petite. Loin de tout mais proche des voies d’accès. Indépendante mais à proximité des commerces. De plus, elle doit être bon marché… »

Il y avait, quelque part sur le « Cerro Florida », une bicoque invendable abandonnée depuis plus de dix ans. Cette étrange tour, aménagée de bric et de broc, déconcertait par le nombre de ses escaliers et l’anarchie avec laquelle avaient été agencées chacune de ses pièces. Elle a conquis le poète.

Aujourd’hui la Sebastiana est un des lieux les plus visités de Valparaíso avec plus de quatre-vingt mille entrées par an. Certes le prestige du propriétaire, la curiosité de l’ensemble, la beauté de la vue contribuent à cette affluence. Mais il y a plus que cela. La maison porte en elle un supplément de merveilleux, elle semble vouloir exprimer quelque chose d’indicible que le poème du même nous aide à situer :

« J’ai construit la maison.

Tout d’abord, je l’ai faite de vent.

Puis, j’ai hissé le drapeau dans le vent.

Je l’ai laissée ainsi : suspendue

au ciel, aux étoiles,

au jour, à la nuit. »

© Points-Coeur

Puis l’auteur fait revivre chaque élément…

« Je me suis consacré aux portes les moins chères,

celles qui étaient mortes

et qui avaient été chassées de leur maison,

portes sans murs, cassées,

empilées pour la démolition

portes sans plus de mémoires,

sans même le souvenir des clés.

Et je leur ai dit : « Venez

à moi, portes perdues,

je vous donnerai un toit et des murs,

et des mains qui frappent,

et vous bâterez de nouveau, ouvrant les âmes,

couvrant les songes de Mathilde

 de vos grandes ailes fatiguées. »

La maison reprend forme mais surtout reprend vie :

« la maison grandit et parle »

et c’est là le plus beau mystère de cette maison : c’est un lieu qui communique la vie.

Cette demeure de Pablo Neruda nous ouvre en fin de compte à l’amour du poète pour la vie, et toutes les choses qui la compose. Chaque pièce, meublée et décorée dans les moindres détails, réveille en nous une joie simple d’exister. Nous touchons ici le mystère qu’est ce lieu.

Visiter la Sebastiana est, en ce sens une belle aventure humaine, car elle réveille notre cœur et par là même aussi la passion pour le lieu où nous devons vivre.

Lien pour la Fundacion Neruda


[1] Inconnue l’empanada en France ? Méconnue en tout cas. Souvent présentée comme un petit chausson fourré de viande. Ridicule ! Un chilien, ou même un simple connaisseur du Chili, frissonne devant pareille traduction. L’empanada, c’est une empanada. Point !!!

 

 

 

[2] Le huaso est revêtu du costume typique de la campagne chilienne.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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