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Le Sentier Lumineux : mort ou renaissance?

par Eléonore de Rohan Chabot       23 février 2012
Interview de Victoria Villarrubia La Plata – Temps de lecture : 3 mn

Mi-février le leader du Sentier Lumineux “camarade Artemio”, traqué depuis 15 ans, a été capturé dans la jungle péruvienne après une longue chasse à l’homme. Il va maintenant être jugé pour terrorisme et trafic de drogue. Que signifie pour vous cette capture?


Abimael Guzman © Peru en Contacto

La capture d’Artemio met en évidence que le Sentier Lumineux n’est pas mort, même si on voulait le croire depuis plus de 10 ans. Depuis la détention d’Abimael Guzman en 1992, on tenait pour mort ce mouvement terroriste : ce qu’Artemio dirigeait jusqu’à présent n’était plus l’organisation des années 80-90, mais un reste qui attaquaient sporadiquement les forces de l’ordre, avec l’idéologie de Guzman et les mêmes méthodes sanguinaires.
Sa capture a un très gros impact : voir son arrestation, connaître son visage, voir intervenir le Président et le Ministre de la Défense donnent beaucoup de poids politique à son arrestation et montre une réalité que beaucoup ne voulaient pas reconnaître : le terrorisme existe encore dans les zones éloignées du pays.
Tout à coup on en reparle dans les medias après dix ans de silence volontaire, et le sujet réapparaît dans les conversations privées, rouvrant la mémoire.

Les dirigeants politiques assurent qu’avec cette capture le Sentier Lumineux ne se relèvera plus. Pourtant on vient de confirmer que plusieurs grandes universités sont infiltrées par le Sentier Lumineux, et surtout, le scandale du MOVADEF a éclaté il y a deux semaines : la naissance d’un parti politique se réclamant des théories terroristes. N’est-ce pas contradictoire?
Le MOVADEF est la prétention, acceptée en première instance, de membres du Sentier Lumineux de former un parti politique. Une seconde instance l’a révoqué parce que la pensée d’Abimael Guzman est une idéologie marxiste-léniniste qui en quinze ans a provoqué plus de 70 000 morts, et est donc inconciliable avec les principes démocratiques. Sans doute la capture d’Artemio est-elle un fort coup politique envers le Sentier Lumineux et elle coïncide avec un moment important de réflexion sur ce passé de terreur très récent. Chez certains ont rejailli d’ailleurs des sentiments de peur face à de possibles représailles terroristes.

Que peuvent apporter au Pérou ces événements importants?
Ces deux choses montrent la fragilité de la mémoire des péruviens pour tirer des leçons de la vie récente. On a agit comme si la période terroriste n’avait jamais existé, contrairement aux Etats Unis où suite aux attentats des Tours Jumelles, il a été élevé un mémorial qui unit tous les américains en un rejet général de ces faits et constitue une référence fondamentale.
Ici au contraire tous les efforts effectués, que ce soit la Commission de la Vérité et de la Réconciliation ou le Musée de la Dignité n’ont provoqué que des désaccords, montrant notre incapacité à juger notre réalité. Ces faits récents ouvrent la possibilité de regarder sans peur les moments sombres de notre histoire, malgré notre rêve d’avoir une civilisation parfaite, fiers de la grandeur de notre histoire.
Cela devrait nous permettre de commencer un chemin de réconciliation. Et nous aider à accepter notre réalité : qu’il n’existe pas d’égalité sociale ni économique entre les péruviens, que beaucoup vivent sous le seuil de pauvreté ou d’extrême pauvreté. Tant que perdurera cette situation existera la possibilité que surgissent des groupes subversifs comme le Sentier Lumineux, profitant du mécontentement d’un secteur de la population péruvienne qui se sent en marge, sans aucune part au progrès du pays.

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1 Commentaire

  1. Sur la foto, il a à peut prêt la même tête que les différents chefs des farcs qui se sont fait tuer ces derniers temps: un intellectuel de gauche des années 70.
    Sans cautionner ce genre de mouvement et leurs victimes, je rejoind l'auteur sur le fond de la lutte contre les innégalitées en Amérique latine: Un phénomène très choquant dans son impunité, qui n'en est pas moins extremiste et totalitaire à sa manière, d'autant plus qu'il est cautionné par la logique mondiale.
    Cependant, onn arrive parfois à des retours de l'histoire étonnants: le nouveau maire de Bogota est un ancien guerillero, et il est le premier à arranger les infrastructures de la ville, après avoir mis fin à un scandale de corruption généralisée.