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Le commandant du Charles de Gaulle : l’humilité au service du fleuron de la Marine française

Près de Toulon a eu lieu récemment un dîner culturel Points-Cœur où le commandant du porte-avions Charles-de-Gaulle, Olivier Lebas, nous a fait l'honneur de sa présence. Devant plus de 110 personnes, dans le magnifique cadre du Domaine de l'Aumérade, il nous a partagé son amour pour "le fleuron de la Marine française" et pour son équipage.

Quelques amiraux et généraux, ainsi que des personnes moins gradées de la Marine venaient pour saluer le commandant, heureux de voir leur métier ainsi mis sous les feux de l'estime et de la bienveillance. Beaucoup d'autres personnes venaient pour voir le commandant d'un des navires les plus réputés au monde. En effet, la France est la seule, avec les Etats-Unis, à posséder un tel bateau. Le Brésil, la Chine et l'Inde aimeraient avoir un navire analogue.

Après un apéritif et une entrée copieux et originaux, dans la magnifique salle généreusement prêtée par les propriétaires du domaine viticole, le commandant prit la parole pour nous plonger directement dans le vif du sujet, la finalité du porte-avions : les avions de chasse et les trente pilotes. En effet, les 1850 personnes travaillant sur ce bateau sont tout entiers au service de ces avions et de leur pilote. Quatre-vingts équipes sont nécessaires pour le vol d'un avion de chasse ! Comme ces avions peuvent aller largement à l'intérieur des terres et que 80% de l'activité économique des pays a lieu sur les 150 kms de terre le long de la mer, les avions du Charles-de-Gaulle peuvent agir au cœur de notre planète.
Par exemple, si le bateau est stationné au large de Toulon, les avions peuvent faire des opérations jusqu'à Berlin ou la Haye avant de revenir à bord. Comme il n'y a aucune autorisation à demander pour naviguer sur les mers, la France jouit d'une liberté de manœuvre assez remarquable.

Quelques vidéos à couper le souffle ont saisi l'assistance. D'abord, le décollage de l'avion qui procure des sensations physiques étonnantes, en passant de 0 à 250 km/h en 3 secondes. Il faut une entière confiance en la technique, car il n'y a alors rien à faire, si ce n'est de ne surtout pas toucher le manche sous peine de faire cabrer l'avion.
 

Décollage

La vidéo de l'appontage est encore plus impressionnante puisqu'il s'agit de faire apponter un engin sur une surface équivalente à un terrain de tennis, qui peut à certains moments bouger énormément et qui n'est parfois même pas visible ! Il faut alors une entière confiance en l'officier d'appontage, un ancien pilote chevronné qui, à vue, repère la manœuvre de l'avion et donne les indications : "Viens à droite, moteur…" jusqu'à ce l'avion prenne les brins d'arrêt et s'arrête juste à quelques mètres du bord du bateau. Si le brin n'est pas pris, il faut remettre les gaz et s'envoler de nouveau…

Avant d'être dans la direction du porte-avions, le commandant Lebas était lui-même pilote de chasse sur porte-avions. Il a ainsi couvert tous les conflits majeurs depuis 1993 : Bosnie, Kosovo, Afghanistan…

Après avoir écouté tout cela, je me tourne vers son épouse pour lui demander ses impressions. Elle me répond alors qu'à l'époque, elle n'était (heureusement) pas consciente de tout le danger que représentait un seul de ces vols, sans compter les opérations de combat entre deux… Ils ont 4 enfants de 17 à 10 ans.

Appontage

 

Le commandant nous a ensuite parlé des atouts stratégiques du Charles-de-Gaulle : sa rapidité d'action et ses positionnements en condition de conflits. Puis, il nous a exposé les forces de “son” porte-avions. D'abord la puissance militaire du groupe aérien. Il nous a montré des vidéos d'opérations de pilotes sur des cibles ennemis. Alors que durant la deuxième guerre mondiale il fallait des tonnes de bombes pour atteindre l'objectif, on arrive maintenant à atteindre la cible à trois mètres près, alors que l'avion est à trente kilomètres, avec une seule bombe. Cela permet d'éviter les dommages collatéraux dans la population civile. Les pilotes doivent suivre un processus bien cadré par des règles d'engagement strictes et approuvées au niveau politique avant de passer à l'attaque, processus qui implique une analyse de la situation par le pilote et fait appel à son sens éthique. A travers le témoignage du commandant, on a pu toucher du doigt le drame de la guerre, tout en voyant bien que ces militaires ont une conscience vive que sous les bombes, ce sont toujours des combattants, des hommes.

Enfin, il nous a donné l'autre force fondamentale du bateau : les hommes, l'équipage. Il nous a partagé son émerveillement devant ces jeunes capables de tout quitter du jour au lendemain pour partir plusieurs mois – parfois neuf mois comme en Lybie –, pour vivre dans des conditions exigeantes. Avec humour, il nous a dit que sur le bateau, on fait les trente-cinq heures… de sommeil !
Il y a une grande entraide au sein des différents "carrés" où les hommes se réunissent par grade. Pas de mépris dans ces regroupements, mais un espace de liberté où chacun peut être soi-même sans peur d'être jugé.
Dans cette petite ville de près de deux mille habitants, chacun sait ce qu'il doit faire et tout le monde est au service d'un bien plus grand que soi. Alors qu'il était pilote, il nous a confié avoir été bouleversé par ces cuisiniers qui s'étaient levés à deux heures du matin pour faire des brioches aux pilotes qui devaient préparer leur vol. La vie à bord est faite de ces nombreux petits gestes humains.
Le commandant lui-même aime à la fin de sa journée, à minuit, faire un tour sur le bateau pour aller voir les jeunes qui prennent leur quart, alors que, parce qu'ils ne sont pas encore tout-à-fait réveillés, les grades se voilent derrière la simplicité d'un moment partagé.

Il y aurait encore tant de choses à rapporter sur ce qui a été dit.
Je laisserai la parole de conclusion à une amie de la région qui, deux jours après la soirée, m'attendait pour me dire : "Merci pour cette soirée. Merci. Je ne savais pas que l'on pouvait apprendre autant en une soirée. Cela m'a changé la vie de rencontrer Points-Cœur. Je suis heureuse." Et de raconter les amitiés qui l'avaient aidé à s'en sortir et à grandir, comme si l'émerveillement du commandant avait été contagieux et que cette expérience de surabondance et de gratuité, avait rappelé à cette femme l'amitié qu'elle avait rencontrée et qui est bien l'essentiel de la vie.

Merci au commandant qui, en nous partageant de façon si humble sa passion pour ce bateau, pour ces avions, pour ses hommes, pour la Marine, nous a ainsi remis devant ce pour quoi nous sommes faits : la gratitude, l'émerveillement, comme notre amie l'exprimait si bien par ses paroles, et plus encore par tout son être qui exultait de joie ! Avec des hommes comme cela à la tête d'un des bateaux les plus influents de notre planète, notre espérance continue de grandir.

 

© Photo en page d'accueil : PascalSubtil

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