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Volvo Ocean Race : un professeur peut-il être un ami ?

L'équipe chinoise, qui continue sa performance épique dans la Volvo Ocean Race, a suscité au cours des mois passés quelque chose de nouveau, quelque chose d’imprévisible. Dès l’origine se posait la question de savoir comment concilier les nombreuses oppositions entre les membres d’équipage du Dongfeng qui se compose d’enseignants et d’élèves, d’amateurs et de professionnels, de chinois et d’occidents. Comment vont-ils réussir à former une équipe ? 

 

L'équipage du Dongfeng sera moitié chinois, moitié occidental. Les marins occidentaux professionnels seront chargés d’enseigner aux marins chinois comment survivre en mer et gérer un grand bateau comme celui prévu pour la Volvo Ocean Race, un 65 pieds. Le skipper, Charles Caudrelier, a précisé qu’il choisirait lui-même les marins occidentaux sur qui il pouvait compter : « Il me fallait sélectionner des personnes qui comprendraient l'aspect pédagogique du projet. Il est difficile d’expliquer à des marins professionnels que la priorité n’est pas de gagner mais d'enseigner. Je ne savais pas s’ils comprendraient. »

L'un des principaux problèmes que l'équipage eut à surmonter fut bien évidemment la langue. Les journées étaient rythmées par les temps d’entra^nement en mer et les cours d'anglais pour les Chinois en soirée. C’est là qu’ont commencé à poindre les premiers signes d'amitié entre les membres d’équipage. Les marins chinois ont assisté aux cours d'anglais sans se plaindre et les marins français, impressionnés par leur dévouement, ont pris le temps de leur enseigner les mots importants pour la navigation (et quelques autres mots moins importants !) A présent les chinois parlent anglais avec un accent français !

Peu à peu, les deux cultures se sont rejointes à travers la vie commune, les sorties en mer et l’entraînement. Faire face aux différences culturelles ne fut pas toujours chose facile et a conduit, à plusieurs reprises, à des situations dangereuses.

[…] Quelques mois plus tard, cette fois en Angleterre, participant à la Cowes Week, la première régate anglaise, l'équipage s’est ridiculisé en s’échouant devant tous les autres équipages participants. Cela aurait pu affecter le moral des troupes. Dans les heures qui suivirent l’incident et tandis qu’ils réparaient, les membres de l’équipe à terre auraient pu franchement mépriser l’équipage. Mais au lieu de cela, Charles parla de l'importance de l'amitié. Balayant la pièce de son regard, il s’adressa à l’équipe en ces mots : « Vous pourriez être en colère au sujet de ce qui s’est passé, vous auriez pu me critiquer, mais vous ne l’avez pas fait. Vous avez travaillé dur pour réparer mon erreur et je vous en remercie.» Puis se tournant vers les marins chinois qui aidaient à réparer, il leur dit avec le sourire : « Au moins, si besoin est, vous serez en mesure de réparer le bateau ! »

[…] Bref, il devenait de plus en plus évident que l’amitié entre les membres d’équipage atteignait un niveau que bien peu aurait pu imaginer au tout début.

Un mois plus tard, pour la première étape de la course d'échauffement en vue de l'événement principal, Dongfeng se retrouvait pour la première fois en face de tous les concurrents de la Volvo Ocean Race. Ils ont entamé un excellent départ, mais alors qu'ils se préparaient pour une manœuvre, l’équipage a fait tomber une voile par dessus bord. Non seulement ils perdirent leur position dans la course, mais une fois à terre ils furent aussi soumis à des critiques sarcastiques et cruelles. Un des commentaires les plus durs sur Facebook fut : « Cette équipe est une blague. Ils n’arriveront même pas à faire le tour du monde». »

Face à ces erreurs, il n'y a eu ni accusation, ni doigt pointé, ni commentaire sournois. Pourquoi ? Parce que Caudrelier ne le permettait jamais. Les marins chinois étaient talentueux, déterminés et apprenaient si vite qu’il devenait difficile de juger d’autre chose que de leur progrès. Ils ont gagné le respect des marins occidentaux qui, en retour, ont pris au sérieux leur responsabilité d'enseignants, ce qui a fait naître des amitiés indéfectibles. Horace devenait le bras droit de Kevin : « Il a besoin d'en savoir plus, et j’ai besoin d'apprendre comment devenir un meilleur enseignant », déclarait Kevin. Les membres de cet équipage, absents de chez eux durant de long mois, forment désormais une famille. Les uns et les autres travaillent au coude à coude, partagent le poids des responsabilités et y trouvent protection.

« Peut-être que seuls parents et enseignants pourront comprendre ce que l’on ressent lorsque celui à qui vous avez enseigné finit par comprendre. C’est une sensation unique au monde » a déclaré le directeur de l'équipe, Bruno Dubois. « On ne peut plus s’en passer et on cherche à aller toujours plus loin, c’est ce qui s’est passé dans notre équipage. »

Il poursuivit : « Les Chinois apportent un esprit nouveau à notre équipe et provoquent chacun à une ouverture plus grande ! Personne n’aurait pu envisager les amitiés qui allaient naître à travers ce projet et elles sont désormais inébranlables ».

Charles Caudrelier, Thomas Rouxel, Pascal Bidégorry, Kevin Escoffier, Eric Peron et Martin Strömberg ont réalisé un travail incroyable en enseignant ces jeunes recrues chinoises. Il a fallu beaucoup de temps et de travail acharné pour amener les marins chinois au niveau où ils se trouvent aujourd'hui. Une chose est certaine : l’équipage du Dongfeng Race est une famille et non plus un projet « enseignant-élève ».

Source: Dongfengraceteam.cn, 25/01/2015
Traduction : Thomas Billot et Régine Fohrer

 
 
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