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La famille Poupon-Danon au Groenland

La célèbre famille de navigateurs parcourt les océans depuis 2009. Cet été : cap vers le Groenland ! Revivez les moments forts de cette aventure exceptionnelle. 

Géraldine Danon, Philippe Poupon et leurs enfants ont embarqué à bord de leur voilier Fleur Australe en février 2009 avec pour objectif de dresser un état des lieux des océans dans les coins les plus reculés de la planète (précedent article sur Tdc). Ils ont parcouru le difficile passage du Nord-Ouest au Canada, traversé l’Océan Pacifique jusqu’en Australie puis affronté les glaces de l’Antarctique avant de franchir le mythique Cap Horn et de remonter jusqu’aux Antilles par le Brésil.

Cet été, ils ont mis le cap sur le Groenland avec pour but de s’approcher au maximum des plus hautes latitudes de notre planète, jusqu’où la glace les arrêterait. Depuis le début de l’aventure, Géraldine partage sur son journal de bord leur vie quotidienne, leur passion pour la nature, la mer, l’aventure et toutes leurs rencontres insolites. Voici quelques extraits de ce qu’ils ont vécu cet été. Là où le soleil ne se couche jamais, là où la nature est immaculée, là où la rencontre est un don.

« Petite balade dans le village de Nuussuaq, Groenland. Nous sommes invités à venir fêter un anniversaire. Pas facile de se faire comprendre, nous parlons avec les mains et avec les yeux. Ce qui est certain par ici c’est qu’avant tout, c’est le cœur qui parle et il parle juste avec une chaleur, une générosité sans pareil. »

« Dernière journée à Nuussuaq, c’est le jour de la confirmation des jeunes dans l’église luthérienne du village. Toute la population est au rendez-vous. Ils sont une centaine d’habitants et ils montent tous, le petit chemin en cailloux pour cette cérémonie très importante. Nous ne pouvons rater ça. La plupart sont en costume traditionnel, les jeunes filles sont belles et les garçons sont en blanc. La célébration dure près de trois heures. Les enfants veulent visiter le bateau et quelques-uns viennent à bord. Ils sont curieux de nous mais la barrière de la langue rend l’échange compliqué. Loup est plongé dans son dictionnaire groenlandais et tente de se faire comprendre. Marion et Lise ont préparé des cookies qui ont un grand succès auprès de nos hôtes. »

« Le ciel, la mer, la banquise Et puis, la dame blanche, la dangereuse, la sournoise, la tourbillonnante, la maléfique. Elle a englouti nombre de navires dans ses entrailles. La banquise ! Elle se forme, se déforme, se brise, s’entrechoque, dérive au grès du vent et des courants. On ne peut la dompter et même les plus puissants brise-glaces ne peuvent la défier. 

On peut s’amuser à la côtoyer, à se faufiler entre ses plaques, mais attention à l'étau qui se ressert et vous broie. Nous sommes restés humbles devant tant de puissance et de beauté. Nous l'avons observé et admiré du haut des montagnes avant d’aller l’affronter. Elle va et s'en va, se lie et se délie. Elle attire comme un aimant, comme un amant, telle une mante religieuse. Elle tend la main pour mieux vous prendre dans ses bras et ses entrailles. Lui résister est difficile, mais il faut savoir la garder à distance car trop fatale, l'amante aux griffes de glace. »

« Nous grimpons jusqu’au point culminant. Philou est armé comme toujours depuis que nous pouvons croiser des ours. Le spectacle de la glace est somptueux. Nous voyons défiler avec ravissement devant nos yeux éblouis une multitude de glaces énormes offrant les formes les plus étranges, et donnant naissance à une série d’étonnantes combinaisons de teintes, le pinceau d’un peintre ne pourrait en fournir aucune idée. L’épaisseur de la fine couche d’eau qui recouvre par endroit la banquise, prête des tons gradués et progressifs à ce glacis mouvementé, gracieux, animé. Le  noir de la mer donne à la glace éclairée directement par le soleil, un ton blanc vif, translucide, albâtre. […] nous rebroussons chemin, lorsque nous apercevons un ours au lac en contrebas. S’en suit une course poursuite où nous tentons de traquer l’ours pour s’en approcher au plus près. Nous le retrouvons sur la plage et pendant plus d’une heure nous allons le suivre et l’observer à loisir, de si près que nous frémissons. Il nous offre le plus beau des spectacles, s’ébroue, s’arrête pour lécher un glaçon, nous donne des sueurs froides en se rapprochant soudain, puis fait demi-tour avec nonchalance. Mon cœur bat à 1000 à l’heure, nous sommes tout près de lui. Il nous observe et fixe l’objectif de ma caméra. Ma respiration s’accélère. Philou donne l’ordre de regagner l’annexe et nous marchons à tâtons jusqu’au Zodiac. « Ne te retourne surtout pas » m’ordonne-t-il. Nous rentrons au bateau, dans un état extatique, entre adrénaline et fatigue intense. Nous sommes sous le choc de cette rencontre extraordinaire. Loup, qui nous a suivis, est gelé, ses yeux sont exorbités, il semble transcendé, ému par l’intensité de ce que nous venons de vivre.  A tout seigneur tout honneur ! Le philosophe Michel Onfray dit joliment que « l’ours conduit les âmes de ceux dont il croise la route à l’épicentre des mystères polaires ». S’il existe un animal susceptible de définir l’Arctique à lui seul c’est Nanok, le roi des animaux. C’est cette rencontre qu’il nous fallait au terme de tous ces milles parcourus pour arriver là. Ce soir le soleil brille aussi dans le cœur de l’équipage. Nous sommes apaisés, heureux. »

« Ici en Terre d’Inglefield, nous sommes au cœur du drame, en plein centre, dans ces deux espaces de malheur qui ont vu tant de naufrages. Le capitaine nous ordonne de remonter immédiatement et décide de quitter les lieux au plus vite. Il est 21h00. Nous ne pourrons aller plus loin pour cette fois. Nous sommes heureux d’avoir poussé encore un peu et d’être arrivés jusque-là. Nous avons une pensée pour tous les baleiniers et tous les explorateurs polaires qui ont perdu leur bateau dans ces eaux et qui pour certains y ont laissé leur peau. Nous relâchons dans une très belle baie enfermée dans des falaises ocre-rouges par 78° 30 N. La baie est parsemée de petits glaçons qui flottent sur une eau noire ébène. La vue est belle sur la terre d’Ellesmere et le cap Isabella. »

« Au cours de la nuit qui n’en est plus une depuis bien longtemps, la brume portée par un fort vent du Sud s’abat comme une chape de plomb. La baie ne tarde pas à se faire totalement envahir par des plaques de glace. Dès le lendemain, nous levons l’ancre in extremis et mettons le cap au sud. Nous sommes allés jusqu’au bout. Sous ces hautes latitudes, la banquise est seule maîtresse de notre destin. Cette année, elle était bien présente, elle nous a autorisés à arriver jusqu’ici. C’est un beau cadeau ! »

 « Nous avons effleuré ce pays lointain, le toit du monde. Son parfum, sa beauté, sa force nous ont envoutés. Comment ne pas ressentir la puissance de ces lieux ? La terre, la mer, la glace. Elles sont toutes trois omniprésentes. »

« Fleur Australe, notre bateau, nous a vaillamment mené dans ces mers lointaines. Nos enfants ont souffert avec nous de ce long voyage, vécus des moments difficiles comme dans toutes les expéditions, mais nos yeux et notre âme ne retiendront que la beauté et la force rencontrée chez les esquimaux, dans leur beau pays qui les portent depuis des milliers d'années.

« "J'aime celui qui rêve l'impossible".  Nous sommes allés au bout de notre rêve. »

Textes de Géraldiine Danon sur www.fleuraustrale.fr

 

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