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« Le plus beau moment de ma vie »

Flore MARTIN — Pérou.

En novembre 2013, lors de mon premier mois de mission, nous avions travaillé un texte avec les jeunes. Nous avions lu un extrait de l’ouvrage écrit par François-Xavier N’Guyen Van Thuan, évêque vietnamien qui fut emprisonné treize ans (il me semble) sous le régime communiste (…). Il insiste sur l’importance de vivre le présent avec tout l’amour dont on est capable. Ce texte m’a marquée et j’ai gardé en tête une de ses phrases qui m’a guidée tout au long de la mission : « Je dois vivre ce moment comme si c’était le plus beau de ma vie ».

Une semaine avant la fin de la mission, donc un an et demi après, nous avons refait une école de communauté (dialogue autour d'un texte) sur ce même texte avec les jeunes, et cela me faisait prendre conscience à quel point cette phrase m’avait suivie.

Régulièrement, tout au long de ces mois, je pensais parfois subitement en plein milieu de situations totalement différentes : « Ceci est le plus beau moment de ma vie », juste comme ça, pour voir, le temps de me dire la phrase et je n’y pensais déjà plus. Mais c’était là, présent : lorsque Milagros et Stacy sautaient à la corde avec un sourire jusqu’aux oreilles, lorsque j’attendais debout dans le bus bondé plus de deux heures, lorsque je faisais la queue au poste de señora Vicky pour acheter ma sauce au piment pour le déjeuner, lorsque je servais un petit thé à Rommy le soir ; à genoux devant le Saint Sacrement avec la musique à fond dans la rue de l’autre côté de la vitre, ou en train d’inventer un dessert pour mes sœurs de communauté ; quand nous riions aux éclats avec les jeunes en jouant à « Jorge » (un super jeu !), quand j’écoutais fatiguée señora Irma se plaindre ou quand Adriano me sautait dans les bras en criant : « Hermanita Flooor ! » ; quand je dessinais sur le trottoir avec Loli et son mate à côté pour me faire la conversation, quand à 5h00 du matin nous luttions contre le sommeil à côté de Sonia aux urgences, et quand nous rejoignions une partie de volley improvisée par les voisins devant le Point-Cœur ; quand également il fallait nettoyer les toilettes sens dessus-dessous de la salle pour les enfants, quand nous prenions un soir tranquille en communauté pour nous faire une pizza et discuter autour d’un verre ou d’un jeu, lorsque nous chantions les psaumes tous ensemble à l’heure des vêpres, après une après-midi passée aux quatre coins du quartier ; enfin, quand Sonia gagnait au « UNO » sous un flot d’auto-acclamations, ou quand Miguel nous racontait les histoires de ces drôles d’animaux de compagnie, quand je marchais la nuit dans le quartier animé au retour de la messe avec un sac de petits pains pour le dîner…

Bref je pourrais remplir mille pages de tous les petits instants, et cette simple phrase m’aidait à me souvenir de la valeur qui fallait accorder à tout, non pas dans le sens de vivre constamment dans une forme d’hystérie joyeuse, mais de recevoir comme je pouvais le moment donné, et d’essayer de le  vivre « bien ». Car comme dit Van Thuan, c’est en vivant le présent avec beaucoup d’amour que la vie prend tout son sens. Beau programme !

Fabio, un ami de vingt-cinq ans, avait dit à la fin de la discussion ce soir-là : « Je pense quand même que c’est plus facile de vivre ainsi quand on prie, parce que ce n’est pas facile de faire les choses avec amour en toutes circonstances ». Fabio ne parle jamais de Dieu, il est assez sceptique sur le sujet, et ce jour-là, c’est lui qui nous a rappelé l’essentiel à travers ses mots timides : vivre avec sens chaque moment est une grâce de Dieu. « Tout vient de Lui et tout est pour Lui » dit saint Paul. Je crois que cela résume ce que m’ont appris mes amis, ce que m’a fait découvrir Points-Cœur…

 

LIRE UN AUTRE EXTRAIT DE LA LETTRE DE FLORE SUR LE SITE POINTS-CŒUR

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