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La cuisine péruvienne est à l'honneur. Mais quelle est son âme ? Rencontre avec don Cucho, représentant de l'authentique tradition et de la véritable créativité péruvienne. 

La cinquantaine, le visage rubicond, un tour de taille rendant hommage à sa profession, Luis Armando La Rosa, dit « don Cucho », est à la tête de l’un des restaurants champêtres les plus courus de Lima, dans les alentours de la petite ville de Pachacamac. Il y a neuf ans déjà qu’il a transféré son restaurant liménien dans cette maison-hacienda, dont il cultive l’atmosphère familiale. De nombreuses photos de mariés du siècle dernier tapissent les murs de l’entrée, décorée également par des mortiers traditionnels de pierre massive et des objets anciens. Il en ferait bien un musée un jour, pour que les enfants découvrent la vie de leurs aînés.

Le Chef  accueille chaleureusement, tout en gardant un œil sur les activités de chacun.

D’où lui vient son immense amour de la cuisine ? C’est très simple :

-« Lorsque j’avais quinze ans, mes parents ont ouvert un restaurant, et me l’ont confié. J’ai appris. » Il se passionne pour la cuisine, les cocktails, voyage à l’intérieur du pays et à l’étranger, à l’affût de la vraie cuisine, celle de la maison, du restaurant local, désireux de mettre en valeur des saveurs régionales peu répandues ailleurs, ou parfois presque oubliées.

Ce que veut don Cucho, c’est une cuisine traditionnelle, excellente, saine, abondante, et nourrissante.

Car il relève le paradoxe suivant : « Nous prétendons à une reconnaissance mondiale pour notre cuisine, qui est variée, riche, créative, savoureuse et pourtant le taux de malnutrition est impressionnant, nous ne savons pas nourrir notre peuple. »

De là naît la recherche d’aliments traditionnels et porteurs  d’une haute valeur nutritionnelle. La gastronomie ne suffit pas, il faut alimenter. Il y a trente ans, la merveilleuse quinua était à peu près inconnue et inusitée des liméniens. Elle était l’apanage du monde andin, ainsi que la quiwicha, la kañihua, le yacón, la maca… Avec quelques autres, don Cucho s’intéresse à ces aliments exceptionnels, et met en avant leur valeur alimentaire sans pareille (ils sont extrêmement riches en protéines). C’est la naissance de la cuisine Novo andine, qui marie avec art les saveurs des Andes, de la Côte et de la partie amazonienne, sans oublier l’influence des cuisines française et chinoise déjà anciennes. On retrouve des goûts et des produits oubliés, comme celui d’une chicha andine qui vaut le meilleur vinaigre balsamique, et l’on crée avec grande liberté, associant des ingrédients qui n’avaient pas coutume de cohabiter : poulet à la crême de piment, pain de maïs à la sauce de crabe, Chita (poisson) à la sauce d’aguaymanto et légumes chinois, bisteak d’alpaga à la sauce de piment rocoto et petits légumes…

Puis, sans renier sa fibre extrêmement créatrice, don Cucho se laisse séduire par les plats les plus traditionnels, qu’il veut proposer avec un haut niveau de qualité.

Son rêve ? Ce serait de pouvoir donner à goûter dans un même lieu des saveurs de tout le pays, sans rien perdre en excellence, ni rien ajouter non plus, comme si on dégustait un plat dans la ville dont il est la gloire locale. Il confie qu’il a été impressionné par le sérieux de la formation reçue par les apprentis-cuisiniers en France, mais que la cuisine nouvelle saveur a sacrifié la quantité au profit de l’originalité. Et curieusement, ce grand créatif ne désire pas être original. Il proteste lorsque les chefs de son pays veulent par trop briller et se faire un nom en utilisant des techniques nouvelles qui, pour lui, s’apparentent à des artifices. Et de fait, on vient de loin pour goûter son ragoût de mouton, sa carapulcra  qui cuira pendant cinq heures, son lomo saltado, son ají de gallina, son cebiche de poisson cuit dans le citron vert… Mille convives peuvent se presser dans son restaurant le dimanche, car ils savent ce qu’ils viennent chercher : une assiette généreuse, des aliments choisis, un procédé rigoureusement respecté, et l’enchantement du palais qui s’ensuit.

Don Cucho, avant de vous quitter, parlez-nous de vos joies ?

« Créer, et créer en équipe. Je forme moi-même mes cuisiniers, qui ne savent rien en arrivant, ayant renoncé à employer ceux qui sortent des écoles et se croient déjà des étoiles. Je suis frappé par les capacités incroyables de ces jeunes, je les vois grandir, se développer. Il faut être près d’eux, attentif, les écouter. L’un va te confier ses problèmes, l’autre partager une idée. Je les regarde comme des associés, cela rend la vie plus légère.

Ma très grande joie consiste dans la lecture de l’histoire du Pérou, et de ses migrations. Ainsi je comprends mieux ce que nous sommes, les relations et les réactions que nous avons. »

Site du restaurant : La casa de don Cucho

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