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Elsa Schiaparelli : du scandale de la mode au respect du corps

Dans le monde de la mode, le mot « Shocking » est définitivement associé à Elsa Schiaparelli – une créatrice de mode, une artiste, un génie. Avec ses vêtements absolument innovants, elle a été l’avant-gardiste la plus courageuse de l’histoire de la mode. Son design était reconnaissable à son originalité absolue, une originalité qui ne laissait pourtant pas de côté l’aspect fonctionnel des vêtements.

Elsa Schiaparelli en 1935 – Crédit photographique : Peter North
 

Perçue comme une artiste qui a  fait vaciller les frontières du possible dans le domaine de la mode, Elsa Schiaparelli (1890-1973) est actuellement l’idole de beaucoup de créateurs. On peut trouver les lignes fondatrices du mystère de son génie dans son autobiographie de 1954 : Shocking life. On y voit qu’elle a mené une vie dans les extrêmes. 

La formation des créateurs de mode

Contrairement à beaucoup d’autres créateurs de mode, elle ne peut pas se targuer d’une formation qualifiée.

Dans son autobiographie, elle critique toute forme de formation officielle et considère que les écoles n’incitent pas à la créativité, mais plutôt qu’elles la stérilise. De tels centres de formation ne sont bons que pour ceux qui désirent se consacrer à la production de masse !

« La meilleure et unique école c’est une salle de travail, pleine de bruit, pleine de monde, vivante et créative (…) Le chemin est ouvert à tous ceux qui ont la volonté, l’ambition, le respect du travail, et qui ont CELA » 

Elle explique cela par sa propre expérience : elle-même est parvenue à la création de sa collection légendaire de pulls en trompe-l’oeil sans avoir aucune connaissance préalable, mais simplement par son courage et sa conviction.

La mode et l'art

Déjà au début du 20es, certains créateurs de mode s’étaient inspirés de l’art, c’est aussi ce que va faire Schiaparelli. Elle est rapidement arrivé à une fusion de ces deux domaines qui se sont souvent opposés : art et mode.

« J’avais souvent joué avec l’idée de tenter ma chance non dans la peinture ou la sculpture – deux domaines que je maîtrise très bien – mais avec la création de vêtements ou de costumes. De toute façon, être créateur de mode, pour moi, ce n’est pas un métier, c’est un art. Et même un art extrêmement difficile et insatisfaisant, comme je devais l’expérimenter … » 

Schiaparelli se définit clairement comme une artiste. Elle désigne Paul Poiret, un de ses contemporain dans le monde de la mode parisien, comme le « Leonardo de la mode » et travaille souvent avec des artistes comme Salvador Dali et Jean Cocteau, dont elle se sent comprise.

À la fin des années 30, le style de Schiaparelli est devenu très à la mode, ce qui a provoqué la jalousie de Coco Chanel ; Schiaparelli, dont les créations artistiques attiraient beaucoup l’attention et la clientèle, étant sa grande concurrente.

L'architecture du corps

La complexité d’un vêtement vient pour Schiaparelli de l’interprétation qu’on en donne et des difficultés qui naissent des moyens et des matériaux utilisés dans sa conception.

De même l'originalité d’une robe ne viendra que lorsqu’elle sera portée. Une autre personne retire la robe au créateur pour lui donner vie, la détruire ou simplement la transformer.

Pour Schiaparelli la mode est comparable à l’architecture dans la mesure où, comme dans l’architecture, le corps doit donner le cadre, être « comme le cadre porteur d’un bâtiment ». La forme du vêtement, les lignes, les détails doivent avoir une relation étroite avec ce cadre.

« Plus on respecte le corps,

                   plus le vêtement sera vivant ».

Schiaparelli souffre de ce que ses anciennes créations deviennent avec le temps des objets accessoires : « une caricature misérable de ce que tu t’étais représenté et que tu avais rêvé d’exprimer ». Cela donne l’impression que le vêtement, parce qu’il n’est pas apprécié, perd sa valeur et ses dimensions d’œuvre d’art. Dans la douleur et le respect de la finitude, le sens de la mode n'est-il pas de chercher le vêtement de l'éternité ? 

Traduit de l'allemand par Suzanne Anel

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