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Un Hobbit du bocage vendéen a sauvé l’anneau de Jeanne

Nouveau rebondissement dans la communauté de l’anneau, celle qui se dispute la précieuse relique de Jeanne d’Arc, rachetée le 26 février à Londres par Nicolas de Villiers pour le Puy du Fou. Pour comprendre cette passe d’arme entre la France et l’Angleterre, il nous faut remonter 6 siècles en arrière.


Photo : capture écran vidéo

Le parcours du précieux

1429, Jeanne d’Arc a 17 ans. A la voix de Saint Michel Archange, elle quitte Domrémy, sa ville natale, pour accomplir la mission qui lui est confiée : faire couronner à Reims le dauphin Charles VII et bouter l’Anglois hors de France.

Au moment de partir, ses parents, pourtant farouchement opposés à son projet, lui offrent un anneau sur lequel sont gravés les noms de « JHESUS » et « MARIA ». Elle le portera au doigt jusqu’à sa capture par les Bourguignons aux portes de Compiègne en mai 1430.

Cet anneau est récupéré par l’Evêque de Beauvais, Mgr Cauchon, qui condamna Jeanne d’Arc au bûcher. L’anneau est vendu au cardinal anglais Henry Beaufort et s’est transmis de cardinal en cardinal jusqu’à aujourd’hui. Ou plutôt jusqu’au 26 février.

Nicolas de Villiers, qu’un historien avait averti de la vente du précieux anneau, se présente à la vente aux enchères avec en poche 80 000€ donnés par le Puy du Fou et 350 000 € levés en quelques jours auprès de donateurs particuliers ! L’anneau mis en vente à 19 051€ affole la salle et Nicolas de Villiers l’obtient finalement pour 376 833€.

Pour commenter cet achat au succès complètement inattendu, le porte-parole de la salle de vente fera preuve d’un flegme tout anglais : « l’anneau rentre en France ». Nicolas de Villiers prépare l’arrivée de l’anneau au Puy du Fou et celui ci est reçu en grande pompe le 20 mars, entre chevaliers et gentes dames, élèves officiers de Saint Cyr et Poilus de la première guerre mondiale qui défilent et chantent pour la plus grande joie de la foule venue nombreuse.

Messieurs les français ont bien tiré les premiers

Mais à peine la vente officialisée, les premières réactions et articles des médias venant d’Angleterre et de France, s’acharnent à mettre en doute l’authenticité de l’anneau : on crie déjà à la récupération politique et non à l’achat d’un bien culturel, à l’émotion nationaliste contre la vérité historique, on disqualifie allègrement les études scientifiques qui prouvaient que l’anneau dataient bien de l’époque de Jeanne d’Arc…

Mais cette stratégie est de courte durée et disparaît discrètement en quelques jours quand le National Council of Arts (conseil des arts britanniques) lance une procédure pour annuler la vente et récupérer cette « pièce majeure de l’histoire d’Angleterre » (seriously ?), cette démarche tendant à prouver l’authenticité de l’anneau unique.

S’engage une véritable bataille juridique : Philippe de Villiers, lors de son discours pour l’accueil de l’anneau le 20 mars fustige cette audace anglaise de vouloir récupérer l’unique relique de Sainte Jeanne d’Arc et s’adresse aux Anglais avec un brin d’humour « Messieurs les Anglais, vous voulez l’anneau ? It’s too late. (…) Si vous voulez le voir ? Welcome to the Puy du Fou ! »

Cambronne dans le maquis vendéen

Cette amicale provocation n’est pas du goût des Anglais qui, se basant sur un règlement européen de 1992, demandent début avril que l’anneau soit saisi par la douane française car il n’a pas fait l’objet d'une demande de licence d’exportation comme le requiert son caractère « d’objets de haute valeur symbolique du patrimoine national britannique». Le National Council of Art a donné au Puy du Fou un ultimatum pour restituer l’anneau avant le début des poursuites judiciaires qui pourraient aller très loin. Malgré la menace de 6 mois de prison et d’un million d’euros d’amende pour « détournement de bien national », Philippe de Villiers, « le Seigneur de l’anneau », est bien déterminé à ne pas céder et n’acceptera en aucun cas de « livrer Jeanne d’Arc une deuxième fois » quitte à goûter des « geôles anglaises ».

On se croirait au cinéma. L’anneau est depuis cette sommation caché quelque part en Vendée pour éviter d’être saisi par les douanes et une équipe d’avocats prépare la défense du Puy du Fou. Le feuilleton diplomatique et juridique n’est pas terminé nous attendons les prochains épisodes… Mais les tensions générées par cet objet hautement symbolique nous montrent à quel point la figure de Sainte Jeanne d’Arc continue de fasciner et combien cette querelle pour récupérer l’anneau unique (qui n’a pas d’autre pouvoir que celui du symbole) n’est pas seulement anecdotique mais une histoire de « bien national ».

Jehanne, au dessus de la mêlée  

Patronne de la France, pucelle au destin tragique et exceptionnel, « le plus beau trait d’union entre le ciel et la terre » (Philippe de Villiers), Sainte Jeanne d’Arc résiste à toutes les réductions idéologiques (nombreuses depuis toujours, comme l’illustre le film de Luc Besson de 1999 lointainement inspiré de la vie de la Sainte), et échappe aux récupérations politiques : André Malraux, qu’on ne peut accuser d’être un chantre de l’extrême droite, disait en 1961 lors de la fête de la ville d’Orléans que Sainte Jeanne d’Arc est « la seule figure de notre histoire sur laquelle se soit faite l'unanimité du respect » et peut-être même un peu plus que du respect, une fascination, un amour…

Sainte Jeanne d’Arc n’appartient à aucun parti politique, comme sainte elle est d’abord à Dieu, elle appartient à la France, sa terre (il n’y a que voir comme de nombreuses villes de France ont mis en valeur les traces de ses courts passages), son histoire, sa culture (combien de livres, de films, ou même de chansons comme celle de Léonard Cohen qui scrutent le mystère de sa vie et de sa sainteté ?), sa vocation spirituelle…

En ce temps où se fait entendre de manière plus pressante l’appel à prier pour la France et où le succès du Puy du Fou (élu meilleur parc d’attraction du monde[1]) repose entre autre sur la mise en valeur de l’histoire de France et de ses racines chrétiennes, Jeanne d’Arc nous est redonnée pour vivre les évènements de notre temps avec calme, courage et confiance.

Jean Guitton, qui lui a aussi a connu des temps troubles, écrivait en mai 1943, dans le camps en Allemagne où il était prisonnier « en somme, sans attendre de miracle, et en traduisant dans une longue durée, dans une longue chaine d’action et de patience ce que Jeanne d’Arc en d’autres temps a exprimé en un instant fulgurant, on pourrait refaire un pays. De même que l’histoire de Jésus, si rapide passage de l’éternel, a contracté en deux ans de vie publique une durée que l’Église, depuis, déploie et scande de siècle en siècle, de même, l’histoire de Jeanne, en un intervalle égal et avec de bien curieuses ressemblances, a résumé la durée française. Jeanne d’Arc nous a été donnée pour ainsi dire, pour qu’à un âge plus avancé et cinq siècles après, nous puissions apercevoir comme en un raccourci tout ce que la France recèle de misère et de puissance ; et peut-être aussi pour nous faire souvenir que rien ne s’achève en ce monde réfractaire, sinon par l’oblation ». Une invitation puissante pour vivre jusqu’au bout « l’aubaine d’être né en ce temps »[2].

 


[1] voir l’article sur TdC : Le Puy du Fou : donner la France à aimer

[2] Selon le titre d'un essayiste bien connu. 

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1 Commentaire

  1. Thibault

    Merci Terre de compassion pour ce très bel article sur l'histoire de cet anneau dont nous ignorions jusqu'à l'existence il y a quelques jours et qui aujourd'hui suscite tant d'intérêt!