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L’élégance en or de Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron

Samedi dernier, les danseurs sur glace Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron ont remporté la finale du Grand Prix 2017 pour la première fois de leur carrière. Cette victoire est en grande partie due à leur style incomparable : une sobriété d’une très grande élégance. L’or olympique est désormais à portée de leurs mains.

(source : isu.org)

Au Grand Prix de Nagoya (Japon), Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron étaient opposés à leurs grands rivaux, les canadiens Tessa Virtue et Scott Moir. Le résultat très net de leur prestation marque la victoire d’une certaine vision de la discipline où l’aspect artistique l’emporte sur la technique pure.

Chronologie d’une ascension fulgurante

Le grand virage dans la carrière des deux jeunes patineurs français a lieu pendant l’été 2014. Âgés de 19 ans, ils déménagent alors au Canada avec leur entraineur, Romain Haguenauer. Quelques mois plus tard, en janvier 2015, ils remportent les championnats d’Europe. Puis en mars de la même année, ils sont sacrés champions du monde au terme d’un programme libre époustouflant dansé sur le Concerto pour piano n° 23 de Mozart.

En 2016, les nouvelles étoiles de la danse sur glace s’imposent une deuxième fois pour les épreuves majeures de la discipline, et tout le monde se met à parler de la nouveauté qu’ils incarnent. Un style coulant, décontracté et très harmonieux, une façon de danser extrêmement poétique. Aucune fausse note, aucune erreur de goût. Alors que la compétition est très exigeante techniquement, le couple semble vivre sur la glace un moment de communion unique, et le public se laisse à chaque fois enchanter, comme la presse du monde entier. Papadakis et Cizeron semblent déjà hors d’atteinte pour la concurrence.

vidéo de leur premier sacre mondial

L’art ou la technique ?

Aux épreuves de danse sur glace, les patineurs doivent présenter deux programmes. Un premier, appelé programme court (short dance), où la technique est particulièrement observée. Puis un second, appelé programme libre (free dance), où la créativité et l’art prennent plus de place. Depuis le début de leur carrière, le programme court n’a jamais été le point fort de Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron. Volontiers anticonformistes, constamment tentés d’explorer de nouvelles façons de s’exprimer, les patineurs français ont très tôt cherché à faire évoluer le cadre et les habitudes de la danse sur glace, au risque de provoquer parfois quelques réticences.

Mais la saison 2016/2017 voit le retour à la compétition des patineurs canadiens Tessa Virtue Scott Moir. Partenaire d’entrainements de Papadakis et Cizeron, ce couple de trentenaires est riche d’un brillant palmarès : double champions du monde eux aussi et médaillés olympiques 2010.

C’est surtout par le style qu’on différencie les deux équipes. Si les français privilégient la sobriété, les canadiens n’hésitent pas à essayer des figures risquées, plus physiques, et leur point fort réside dans une technique absolument impeccable. À la finale du Grand Prix de l’an dernier, comme au championnat du monde 2017, les Canadiens s’imposent à deux reprises devant les français, à chaque fois à la faveur d’une confortable avance sur le programme court.

Ces revers successifs en forme de désaveu vont provoquer une grande déception dans le public, au point que la Fédération Française des Sports sur Glace publie un communiqué enflammé contre les arbitres du mondial. Gabriella et Guillaume y sont sacrés champions du monde du public, de la presse internationale … mais pas de certains officiels de l’arbitrage ! Ambiance …

Les intéressés, eux, reconnaissent volontiers les déchets techniques de leurs prestations et promettent de continuer à progresser, tout en acceptant le défi que posent leurs partenaires d’entrainement.

La promesse de l’or

Après une première partie de saison 2017/ 2018 animée par les Grands Prix continentaux où les deux équipes se sont sagement évitées, la Finale de samedi dernier les a enfin vu se confronter. Et pour la première fois les français ont dominé les canadiens sur le programme court. La domination fut presque négligeable en terme de points, mais elle a tout de suite marqué les esprits. Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron y sont apparus en effet très décontractés, saisis par la danse, dans une attitude plus proche du spectacle de ballet que d’une compétition sportive. Et en même temps, leur technique a été tout fait exceptionnelle. Le programme libre a ensuite montré que les patineurs français restaient les maîtres incontestés de cette partie de l’épreuve.

Malgré le suspens entretenu par la presse, la victoire finale après la domination du programme court est logique et surtout très prometteuse. En trois ans, Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron semblent être en effet parvenus à imposer leur élégante sobriété. Avant leur fulgurante ascension, la danse sur glace pouvait donner l’impression d’être un sport démodé, où les compétiteurs étaient habillés comme dans les années 70, dansant pour le plaisir de publics somme toute assez restreints. La dimension artistique et l’émotion qui l’accompagne ouvrent de nouveaux horizons. Ce n’est donc pas seulement l’or olympique des Jeux de Pyeongchang en février prochain qui attend nos jeunes amis, mais encore la promesse de pouvoir continuer à développer leur art pour le plus grand bonheur de leurs admirateurs.

Pour nous, ce dernier succès a un parfum spécial, car c’est aussi une certaine victoire de la gratuité sur la performance. Le talent artistique de Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron ne peut pas se mesurer sur une échelle de critères multiples. Il a quelque chose de très gratuit, et même d’intérieur. Pour avoir tenu sur cette voie, malgré les revers de l’an dernier, ces deux jeunes patineurs ont fait preuve d’une remarquable maturité. S’ils ont accepté de continuer à travailler avec acharnement à leur technique, ils ont visiblement aussi cherché à la soumettre à quelque chose de plus. Une certaine magie accompagne leurs deux prestations au Grand Prix de Nagoya, comme si leur véritable objectif était surtout d’atteindre ce sommet de grâce et d’élégance malgré les contraintes imposées par l’épreuve. À confirmer en février prochain !

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