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Sainte Morine, ou le Mystère de la substitution

Un film passe actuellement au ciné​ma libanais relatant la vie de sainte Marina, ou Morine (en syriaque), cette libanaise qui a connu l’exil suite aux persécutions et à la guerre, comme nombre de ses compatriotes. Elle vécut au Liban vers le VIIIe siècle, dans la Vallée Sainte, berceau de l’Eglise Maronite : la Qadicha [1]« Saint » en Syriaque. Pendant les croisades au 13ème siècle, son corps fut transporté à Venise, à l’église Santa Maria Formosa où il repose encore aujourd’hui. Qui est cette femme ? Et quel message le témoignage de sa vie porte-t-il pour le monde d’aujourd’hui ? 

Morine, cette jeune femme qui se fit passer pour un homme (Morinos) afin de rejoindre avec son père le monastère de Qannoubine, dans la Vallée Sainte, mena une vie de prière et de travail dans le silence et l’intimité avec Dieu.

Après quelques années de vie monastique, Morinos fut envoyé au village de Tourza [2]village voisin de la Vallée Sainte pour vendre les produits du monastère. Pendant ce voyage qui dura plusieurs jours, Morinos et un autre de ses frères furent logés dans une petite auberge du village où la fille de l’hôtelier s’était laissée séduire par un homme [3]il y a deux versions de la tradition : une qui dit que cet homme était un soldat, et une autre qui dit qu’il était le moine qui accompagnait Morinos et se trouvait enceinte. La fille fit croire à son père que l’enfant était celui de Morinos, et ce dernier fut dénoncé au supérieur qui le chassa injustement du couvent et l’obligea à garder l’enfant pour l’éduquer. Morine accepta dans le silence et la prière cette lourde croix de la substitution, par amour du Christ, à qui elle avait déjà offert toute sa vie. Elle se retira avec l’enfant dans une grotte à coté du Monastère où elle reçut miraculeusement le don d’allaiter l’enfant à son propre sein.

Quand l’enfant atteignit l’âge de 7 ans, Morine mourut et les cloches du monastère se mirent à sonner d’elles-mêmes, comme criant la vérité. Ce fut seulement lors de la toilette funéraire que le supérieur découvrit la vérité de Morine qu’il croyait toujours être un homme. Son corps fut enterré devant la grotte et devint objet de grande vénération et de recueillement.

  
Grotte où vécut Sainte Marina avec l’enfant et où se trouve son tombeau.

En plus du film, un deuxième évènement marqua les libanais cette année puisque du 17 au 23 juillet dernier, à l’initiative de Monsieur Philippe Ziadé [4]un millionnaire libanais qui vit entre le Japon et les Etats-Unis, les reliques de sainte Marina ou Morine sont venues au Liban, lui permettant ainsi de visiter sa chère patrie de laquelle elle vivait exilée comme beaucoup de libanais.

Morine fut accueillie par tous ses compatriotes par des cérémonies d’accueil qui montrent la soif du monde d’aujourd’hui pour le message dont témoigne sa vie : la grandeur de l’humilité, le mystère de la substitution et le fruit de sainteté qu’il peut générer, quand il est porté par amour.

Ce message, monsieur Philippe Ziadé semble l’avoir accueilli profondément, comme en témoignent les mots qu’il a prononcés lors d’une interview donnée au journal L’Orient-le-jour, dans un article paru le 17 juillet 2018. Voici quelques extraits de cette interview où Philippe Ziadé parle de sa rencontre avec Morine, la qualifiant comme étant une « rencontre très personnelle » :

« Cette sainte est une Libanaise émigrée, tout comme moi. Et elle rentre chez elle. Le Liban est déjà grandi par ses émigrés, combien davantage quand ils sont saints ? Et quand je pense que c’est moi qui vais la rendre à sa terre d’origine, moi qui suis arrivé aux États-Unis sans le sou, je ne peux pas dire que cette rencontre est le fruit du hasard. Je crois sincèrement que si j’ai réussi dans ma vie, c’est pour en arriver à ce jour. »

« On pense que l’on ne peut associer succès en affaires et foi religieuse. C’est faux. L’un n’empêche pas l’autre. Pour réussir, il faut avoir deux qualités : l’humilité, celle de savoir qu’on ne sait rien, et le leadership-serviteur, pour être au service de sa mission. Et Jésus a donné le plus grand des exemples sur ces deux plans. »

« Qu’est-ce que le succès finalement ? Est-ce seulement avoir de l’argent ? Le succès ne peut être confirmé que quand on voit où il a mené une personne. Certaines réussites prennent les hommes vers l’égoïsme et sont en fait un échec, et d’autres les prennent vers la serviabilité, celle d’essayer de faire la différence dans le monde et d’inspirer les autres. C’est en ayant ces valeurs non mesurables – que l’argent ne peut acheter – que l’on réussit : la charité, l’éthique, la loyauté, l’humilité devant la grandeur de Dieu. Si l’homme perd son humanité, que reste-t-il de lui? »

References

References
1 « Saint » en Syriaque
2 village voisin de la Vallée Sainte
3 il y a deux versions de la tradition : une qui dit que cet homme était un soldat, et une autre qui dit qu’il était le moine qui accompagnait Morinos
4 un millionnaire libanais qui vit entre le Japon et les Etats-Unis
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