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Le Succès étonnant du « Dialogue des Carmélites » sur la Scène New-Yorkaise

Le mois de mai aura été à celui du triomphe, à New York, de l’œuvre de Poulenc à l’affiche du MET Opera. Une belle expérience de la facilité, parfois, du catholicisme à pénétrer la culture ambiante.

La pièce illustre en effet des thèmes bien chers à la vie chrétienne, suffisamment puissants pour susciter tout à coup des standing ovations inattendues.

Il y a d’abord le mystère de la substitution. L’histoire du Dialogue n’est pas seulement celle du long chemin de 16 Carmélites de Compiègne vers leur acceptation du martyr sous la Terreur en 1794. Elle n’est pas non plus seulement celle de Blanche de la Force, qui maladivement faible et craintive, parvient finalement à monter à l’échafaud. Elle est aussi celle de la Mère Supérieure, femme de fer toute sa vie, que l’on voit mourir misérablement au début, prise de doutes et d’angoisses insurmontables. Pourquoi une telle mort ? « On dirait qu’au moment de la lui donner, le bon Dieu s’est trompé de mort, comme au vestiaire on vous donne un habit pour un autre. Oui, ça devait être la mort d’une autre, une mort pas à la mesure de notre Prieure, une mort trop petite pour elle, elle ne pouvait pas seulement réussir à enfiler les manches… » répond Sœur Constance. En d’autres termes « Ca veut dire que cette autre, lorsque viendra l’heure de la mort, s’étonnera d’y entrer si facilement, et de s’y sentir confortable… Peut-être même qu’elle en tirera gloire : « Voyez comme je suis à l’aise dedans, comme ce vêtement fait de beaux plis … » [1]Troisième tableau, scène 1 . L’on comprend alors que le vrai combat est finalement mené par la Mère Prieure, et que ses sœurs ne feront qu’en bénéficier.

Il y a ensuite le mystère de la contribution : le fait que chacun ne vit que pour les autres, et pour servir un dessein plus grand, que nous ne sommes pas notre propre fin. Ainsi, la pauvre Mère Marie, sous-prieure, qui en l’absence de la Prieure, pousse ses sœurs à prononcer le vœu du martyr, échappe à celui-ci. Les circonstances la privent de la gloire de l’échafaud… qu’elle espérait tant. Rappel que la sanctification personnelle n’est jamais qu’une conséquence d’une décision pour d’autres, jamais une fin en soi.

Vient aussi le mystère de la communauté. Ce ne sont pas des séances multipliées de psychothérapie ou des efforts redoublés de volonté qui donnent à Blanche le courage de la mort, mais c’est la prise en charge de sa vie par l’ensemble de sa communauté – ou encore : c’est son appartenance à l’ordre qui redimensionne sa vie.

Enfin, il y a le mystère de la maternité, et de la génération en Dieu, qui permet à la Mère Prieure de rassurer ses filles à quelques minutes de la mort. Qu’elles n’aient pas crainte de leur salut. Si accepter le martyr était une mauvaise décision, c’est elle, leur Mère, qui en est responsable. Être mère n’est pas seulement gouverner mais générer au Salut.

Comme beaucoup de villes occidentales, mais peut-être plus encore du fait de son cosmopolitisme extraordinaire et du « rêve américain », New York semble souvent bien loin de ces quatre thèmes.
Que signifie la substitution, lorsque tout vous invite à l’épanouissement pour soi-même et par soi-même ? Quel attrait peut bien avoir l’idée de simple « contribution », lorsque le critère est le succès et non le service ? Quelle place est possible pour la communauté, lorsqu’il est requis d’être fort et non faible ? Peut-on espérer, enfin, l’expérience d’une vraie maternité ou génération quand toute la responsabilité ultimement repose sur vos propres épaules.

Il faut croire que beaucoup de New Yorkais ont été saisis, subitement, par quelque chose de bien contre-culturel… peut être inconsciemment, mais certainement.

References

References
1 Troisième tableau, scène 1
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