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La fabrique des imposteurs ou la disparition du « JE »

« La fabrique des imposteurs » livre publié par Roland Gori en 2013. A travers une conférence donnée à l’Université de Nantes en 2014, le professeur Gori [1]Professeur émérite de Psychopathologie clinique à l’Université d’Aix Marseille, et psychanalyste. Il a publié de nombreux ouvrages : La Fabrique des imposteurs (2013), La dignité de … Continue reading reprend les idées les plus importantes de son livre, provoquant ainsi tous ceux qui l’écoutent à réfléchir sur ce que la « société offre aujourd’hui aux individus pour qu’ils se constituent comme citoyens. » Il aborde également le danger de l’imposture, la question de la conception de la valeur : « Qu’est-ce que la valeur aujourd’hui ? Comment l’imposture nous amène-t-elle forcement à réfléchir sur les valeurs qui organisent le champ social ? » remarquant qu’ « Aujourd’hui, la valeur se mesure aux effets d’opinion qu’elle produit, et non plus à la Vérité. »

Cette conférence, donnée en 2014, se révèle encore de grande actualité, permettant « de se rendre compte à quel point nous sommes pris par une chaîne de production, de comportements, dans un système qui nous assigne des places fonctionnelles, instrumentales et qui ne requiert pas d’avoir à penser, d’avoir un état d’âme. »

Le professeur Gori évoque également le danger de la technique dans notre société : « la technique n’exige pas de penser, de réfléchir, de poser un jugement, d’avoir une réflexion morale… La seule chose qu’elle exige c’est l’exécution, c’est l’adaptation. (…) Davantage nous nous précipitons vers une société de la norme, vers une société normative et du contrôle, davantage nous nous approchons des sociétés animales. Nous avons l’impression de nous perfectionner, de nous améliorer, alors que nous sommes en train de dériver vers cette société animale où chaque individu est réduit à une pièce détachée de l’espèce, en vue d’une production collective, perdant la singularité de l’humain, c’est-à-dire sa vulnérabilité et sa capacité de faire de sa vulnérabilité le lieu même de sa dignité. »

L’autre danger qui menace la personne humaine dans sa dignité et sa vocation la plus profonde, c’est l’imposture: « cette attitude qui consiste à ne pas évaluer les choses sur leur réalité, mais à les évaluer sur leur apparence, et ensuite à vendre ces apparences pour persuader et convaincre. Ce qui compte pour l’imposteur ce n’est pas le vrai, mais c’est un spectacle qui donne du crédit à quelqu’un qui ne le mérite pas par ses actes ou par ses vertus, mais surtout par la performance qu’il accomplit. La capacité d’accomplir des actes qui répondent à une commande sociale ou à une commande technique : cela devient notre modèle éducatif, notre modèle de socialisation aujourd’hui. La seule chose qui compte n’est plus la présence ontologique, celle de « l’être » dans ce qu’il fait, mais la seule chose qui compte, c’est comment il se comporte et comment on peut mesurer comment il se comporte, comment on peut l’évaluer en quantité. »

 

Conférence de Roland Gori : La fabrique des imposteurs

References

References
1 Professeur émérite de Psychopathologie clinique à l’Université d’Aix Marseille, et psychanalyste. Il a publié de nombreux ouvrages : La Fabrique des imposteurs (2013), La dignité de penser (2011) et De quoi la psychanalyse est-elle le nom ? (2010)
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1 Commentaire

  1. Anonyme

    Est ce que l’utilisation de drones armés pourrait illustrer sa pensée?
    On tue par procuration, sans s’exposer, en privilégiant le côté pratique!
    Plus de risques, ni de courage.
    Le résultat: des ennemis enragés fabriqués par ce mode opératoire asymétrique?
    C’est une question ouverte.