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Arménie : Fuite en Egypte ou massacre des Saints Innocents

Le 27 septembre dernier, la guerre a été déclarée : une aide inconditionnelle de la Turquie à l’Azerbaïdjan a fait que la minorité arménienne se retrouve confrontée à vivre, au cœur du mystère joyeux de Noël, les deux mystères douloureux : la fuite en Egypte et le massacre des Saints Innocents.

 

Fresque arménienne du XIIIème siècle – Monastère de Dadivank

 

Michel Onfray, philosophe, part à la rencontre du peuple Arménien et partage à travers ce documentaire sa douleur, mais surtout sa beauté et sa grande foi qui se manifestent dans le courage d’être prêt à passer par le martyr pour défendre sa terre, sa culture, son identité.

Il raconte, à travers des mots si simples, la beauté de monsieur Sarkissyan qui a perdu son fils et son beau-frère dans les combats. Malgré tout le poids de sa souffrance, son cœur reste capable d’offrir l’amitié : « Le vieux monsieur s’arrête en cours de chemin, il ouvre la porte d’un jardin dans lequel, au milieu d’herbes hautes, les branches des grenadiers ploient sous le poids de fruits mûrs que personne ne ramasse. Cet homme sans âge qui semble tout droit sorti de l’Ancien Testament, voûté sous le poids de sa peine, déjà en deuil de son fils et en souffrance silencieuse devant sa fille sur le pas de sa maison détruite, cet homme, donc, cueille autant de grenades que nous sommes et il en offre une à chacun… En Arménie, offrir une grenade est un signe d’amitié, d’affection, de tendresse. »

A travers ce combat, c’est un choc de deux civilisations qui est révélé, sous un silence international impressionnant. Les Azerbaïdjanais revendiquent contre toute évidence une terre qui n’est pas la leur, mais appartient à une très vieille civilisation arménienne. Avec ses peu de moyens, l’armée arménienne a pu durer 45 jours, faisant face à attaques Kamikazes en masse, à des adversaires dotés de technologiques (drones, bombes…) , à des djihadistes syriens (qui se faisaient passer pour Arméniens !) égorgeant des civils, bombardant églises, hôpitaux et écoles. C’est ainsi que beaucoup d’Arméniens ont dû fuir leur maison, préférant les brûler plutôt que les laisser aux Azerbaidjanais.

Gourgen, soldat arménien et père de deux enfants (3 et 5 ans) : « Nous avons tous pris part à la guerre, prêts à nous défendre au prix de nos vies pour défendre nos terres. C’est le prix à payer pour habiter nos maisons, c’est sans hésitation celui de nos vies. Je n’accepte pas de céder mes terres tant que je suis vivant. … C’est une souffrance indescriptible d’être chassé de sa maison quand on a été prêt à se battre pour sauver ses terres et d’un jour à l’autre de devoir céder les efforts de toute une vie aux mains des terroristes et des azéris. … Je souhaite que mes enfants grandissent avec le témoignage d’un père qui s’est battu jusqu’au bout pour protéger leur terre pour qu’eux aussi, si un jour la guerre reprend, ils aient le courage et la force de protéger leur maison et leur patrie. »

Un peu plus loin, un autre soldat ajoute : « Comment une si petite nation pourrait-elle se battre contre deux des plus riches et puissants pays dont le second est membre de l’Otan ? Nous ne pouvions pas gagner ! Mais s’ils reviennent, nous nous battrons à nouveau pour défendre nos terres. Il est clair que nous n’avions pas les armements pour nous défendre, et encore moins pour riposter : nous sommes restés debout, devant nos maisons, avec juste notre courage. »

Et un lieutenant continue : « Pour l’instant nous n’avons pas réussi à défendre notre nation, mais les choses ne s’arrêteront pas ici. Cela se terminera bien, le bien finit toujours par être victorieux sur le mal, et nous gagnerons ».

Pourquoi le monde ne veut-il pas donner raison à la vérité ?

Michel Onfray poursuit son voyage vers le Monastère de Dadivank : là, se trouve une des plus belles et plus anciennes Eglise d’Arménie où il reçoit le cri du Père Hovahnnès Hovhannisyan : « Nous avons déplacé une petite partie des pierres de croix pour les protéger de l’invasion, mais le vrai souci et la vraie question demeurent : Comment pouvons-nous déplacer et protéger la valeur spirituelle qu’ont ces églises ? (…) Que le monde entier ait le courage de reconnaître que les Arméniens ici, depuis toujours, étaient présents, qu’ils viennent et constatent de leurs propres yeux si ici une seule pierre a été posée par les musulmans. Pourquoi le monde ne veut-il pas donner raison à la vérité ? Nous ne voulons pas la terre des autres, nous voulons simplement nos terres, nos églises. Si ce monastère n’est pas arménien, dites-moi alors, à qui il appartient ? Sur cette très ancienne pierre de Croix que vous voyez, est écrit en arménien (notation par les lettres anciennes) l’année de la construction : 1181. Maintenant, dites-moi, en 1181, existait-il le mot Azerbaïdjan ? (Cet état a à peine 100 ans). Maintenant, ils crient sur tous les toits : cette terre est à nous. Cette pierre n’est-elle pas une simple preuve pour nous rendre justice ? Qu’ils viennent nous montrer simplement ce qui leur appartient ici ! Pourquoi ne pouvons-nous vivre tout simplement dans la vérité ? Ceci est notre sceau, le sceau des Arméniens : nos églises, nos monastères et nos pierres de Croix ».

Michel Onfray conclut son documentaire en montrant que ce que vit l’Arménie aujourd’hui dépasse sa propre vocation, et porte à travers ce combat, un message au monde entier : « Si nous ne protégeons pas l’Arménie, c’est nous que nous ne protégeons pas. Ce que nous avons vu en Arménie, c’est la destruction d’une civilisation. » L’Arménie, ce premier pays à avoir été christianisé en 301, a inauguré le Christianisme, mais a également inauguré en 1915 le génocide, et semble initier aujourd’hui ce choc de civilisations.

 

Documentaire « Arménie : un choc de civilisations »

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