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Les Cathédrales Dévoilées, l’expérience de la lumière

Les Cathédrales Dévoilées, documentaire de Christine Le Goff et Gary Glassman

© Guillaume Piolle

Diffusé la veille de Pâques par la chaîne Arte, Les Cathédrales Dévoilées, un documentaire de Christine Le Goff et Gary Glassman, nous « apprend à regarder » les Cathédrales avec des yeux nouveaux. Loin des clichés épinglés dans le Sacré Graal des Monty Python, on y découvre le moyen-âge comme une période riche et brillante, « une apogée de la pensée. »

Interrogé dans le cadre de ce documentaire, Jean-Paul Deremble, maître de conférences à l’université Charles-de-Gaulle-Lille 3, nous invite à reconnaître, inscrite dans la pierre et dans le verre des cathédrales, un « besoin de lumière » constitutif du cœur humain, besoin que la culture médiévale occidentale a su comprendre, exprimer et éduquer avec un génie unique. D’après ce spécialiste de l’histoire de l’art médiéval, le gothique, « apothéose de la lumière », s’inscrit dans une trajectoire qui commence dès l’aube du christianisme. En effet, comment expliquer que les chrétiens, pour construire leurs premières églises, aient pris modèle, non sur les temples, lieux sacrés, mais sur les basiliques païennes ? C’est que les premiers baignaient encore dans l’obscurité du mystère, tandis que la basilique est une architecture qui consacre la lumière: lieu de la rencontre entre le peuple et le prince (« basileos »), la basilique est le lieu d’un « face à face de clarté », dont toute peur se trouve bannie. De même, continue M. Deremble, ce qui définit une église c’est « une expérience de lumière. » Et il souligne quelques dimensions de cette expérience telles que les exprime l’architecture gothique. Tout d’abord c’est une expérience qui est à la fois matérielle et spirituelle. Le gothique, dit-il, « est la résolution architecturale de cette tension », puisque la lumière spirituelle y est portée par et dans la matière: celle des colonnes, des statues, de la voute où la lumière se cache… En outre, l’expérience de la lumière ne signifie pas que l’obscurité est censurée. Au contraire, l’une et l’autre s’embrassent dans l’expérience de la couleur, qui est « une médiation entre la lumière la plus pure et l’obscurité la plus totale. » La couleur autrefois émanait non seulement des vitraux mais elle habillait aussi chaque pierre, chaque statue. « La couleur habille la lumière, elle lui donne un vêtement, elle la rend familière. » A l’image du corps glorieux du Christ, la couleur intègre le phénomène de l’obscurité et de la mort, et l’oriente vers la lumière: toutes les couleurs de Chartres « sont polarisées ensemble par le souci de montrer une seule couleur: la lumière blanche, synthèse de toutes les couleurs, portées à un niveau supérieur. »

En plus de jeter une lumière sur une zone de notre histoire souvent laissée dans l’ombre, Les Cathédrales Dévoilées met aussi en lumière ce qu’est un vrai documentaire: un regard qui sait trouver dans l’histoire et dans les pierres, même les plus anciennes, les traces d’une vie et d’une culture qui nous sont plus contemporaines que bien des œuvres « de notre époque », parce que plus vraies, plus profondes, plus proches de la Beauté qui, seule, définit le présent. 

Pour plus d’informations, pour accéder au film en VOD ou pour visionner en ligne les interviews de Jean-Paul Deremble, cf. la page de Arte.tv consacrée à ce documentaire.

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