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L’icône des nouveaux Martyrs de l’Ukraine

d'Aude Guillet         18 juillet 2011

Durant le mois de juin, pour fêter la visite de Jean-Paul II en Ukraine il y a tout juste dix ans, plusieurs évènements – colloques, messes rassemblant des milliers de personnes, théâtre sur la poésie de Karol Wojtyla… – ont été célébrés. C'est impressionnant de voir combien est vivante la mémoire de cette visite dans le cœur de ce peuple. « Vivre la mémoire » comme premier devoir, comme reconnaissance d'une présence est quelque chose de très palpable dans la culture ukrainienne.

Les Ukrainiens et particulièrement l'église gréco-catholique portent une immense gratitude envers Jean-Paul II pour deux raisons essentielles :

– la sortie des catacombes de l'église gréco-catholique qui remonte au 1er décembre 1989.
Beaucoup l'attribue à l'intervention de Jean-Paul II lors de la visite historique de Gorbatchev au Vatican.

– et la béatification des vingt-sept nouveaux martyrs ukrainiens, le 27 juin 2001 à Lviv lors de la visite de Jean-Paul II.

Ces vingt-sept martyrs sont la figure visible de centaines de milliers de fidèles, de prêtres, de religieuses et d'évêques morts pour leur attachement au Christ et à son vicaire sur terre (250 000 gréco-catholique du diocèse de Lviv furent déportés en Sibérie, un demi-million pour toute l'Ukraine occidentale). Malgré la violence des régimes qui se sont abattus sur eux, beaucoup ont su préserver une tradition ininterrompue d'art et de beauté. « Cette tradition fut ainsi une des sources les plus abondantes de résistance à l'idéologie. Un jaillissement de lumière au milieu des ténèbres, un jaillissement qui a fini par triompher sur ces ténèbres. »

Ivanka Dymyd, iconographe, fait partie de ces artistes qui toujours savent remarquer la lumière et la révéler.

C'est à elle qu'a été demandé de réaliser l'icône des nouveaux martyrs d'Ukraine et nous lui laissons nous en révéler le sens :

© Ivanka Dymyd

Jésus-Christ est le centre de notre existence, Il est Celui "Qui offre et Qui est offert, Qui reçoit et Qui est distribué" (Prière avant l'hymne des Chérubins – le Chérubicon). Agneau et protoprêtre simultanément. Il est le vigneron et la vigne. Pour cette raison la figure du Christ se trouve comme au centre d'un immense calice, dont les bords repliés sont le ciel, la colonne – le Christ, et le piédestal – la table eucharistique. Le Christ est représenté en mandorle (cercles concentrés en forme d'ellipse), comme sur les icônes de la Transfiguration et de la Résurrection.

Il porte un vêtement blanc, qui est le signe de la "future gloire des saints", "comme si le Christ les liait à Soi, comme s'il les accueillait en Soi et les illuminait de Sa splendeur" (A. Shepytsky, Exercices spirituels pour prêtres, Lviv 1990). En même temps, le vêtement repose de sorte à ne pas gêner les mouvements du Christ, qui est serviteur dans la vigne du Père. La personnalité du Christ est dynamique, en marche, ce qui signifie qu'Il remplit bénévolement et librement la volonté du Père ; les paumes ouvertes comme sur le crucifix – c'est le geste de la confiance, l'invitation à la participation. A gauche du Christ croît la vigne, qui retrouve son prolongement : – sur terre, dans le calice eucharistique ; – au ciel, dans les calices célestes où les anges ramassent la vendange. L'inscription: "Je suis la vigne; vous, les sarments. Celui qui demeure en moi, et moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruits." (Jn 15,5) se rapporte non seulement aux martyrs, mais elle est aussi un encouragement pour les personnes qui contemplent l'icône, pour les générations à venir.

Les nouveaux martyrs, où se mêlent évêques, prêtres, moines et moniales, laïc, jouissent de la même gloire dans le Christ et avec le Christ. Quelques figures :

La bienheureuse martyre Tarsykia Matskiv : elle a dans sa main gauche du fil rouge – symbole de la vie dans l'icône de l'Annonciation –, et parce qu'elle était aussi couturière. Le fil est cassé. La solution au problème, qui se trouve dans l'autre main, sont les clés. Quand elle ouvra la porte sa vie se lacéra. La main droite fait le geste de bénédiction. Elle bénit cet instant – la rencontre avec le Fiancé Céleste, elle bénit celui qui lui ôtât la vie.

Le prêtre martyr Alexis Zaretsky est représenté avec des enfants, qui "se sont toujours serré contre lui" (Mémoires).

Le prêtre martyr Clément Sheptytsky tient dans une main le monastère de Univ donc il était l'higoumène (prieur) pendant de nombreuses années. Dans l'autre main – les Règles monacales.

L'évêque martyr Nicolas Tchernetsky montre le texte de l'Épitre au Romains (6,5) : "Si c'est un même être avec le Christ que nous sommes devenus par une mort semblable à la sienne, nous le serons aussi par une résurrection semblable". Dans l'autre main il détient le bâton de voyageur. C'est un philosophe, un consolateur, un Homme.

Le prêtre martyr Vladimir Pryjma est habillé en chemise brodée, et ceint d'une ceinture populaire. Il a dans une main le texte: "Pourvus de dons… exerçons-les; si c'est le service, en servant" (Romains 12.7). Toute sa personnalité exprime l'empressement au service. Dans l'autre main – l'encensoir, duquel s'élève la fumée.

Le prêtre martyr Zénon Kovalyk est l'unique personnage peint avec un nimbe en forme de croix, car il est mort par crucifixion comme le Christ. L'enfant nouveau-né, qui est introduit dans ses entrailles est aussi un martyr car il fut crucifié avec lui.

L'évêque martyr Basile Velytchkovky nous montre un couvercle de boîte de conserve qui, au camp de concentration, lui servait "de calice, de disque (patène), d'autel et d'église,… que rien ni personne n'ont pu détruire, car c'est la force de la conviction, c'est la Grâce de Dieu" (Témoignage du métropolite Maxym Hermaniuk). Le texte nous dit : "Yahvé est le rempart de ma vie, devant qui tremblerais-je?" (Psaumes 27(26).1).

Le prêtre martyr Emilien Kovtch. Son phélonion (sa chasuble) est en forme d'uniforme de camp de concentration avec le numéro qu'il portait à Majdanek. Il élève sa main pour bénir tout le monde: ses bourreaux et les paroissiens de Peremysl, les non-baptisés, les juifs et les ukrainiens, les dirigeants du camp et les orphelins.

Les autres figures dans la partie supérieure de l'icône, peint en compagnie des anges sont une partie des milliers de saints anonymes ukrainiens.

Quelques figures peuvent être reconnues : le père Kassian Kyprian avec un groupe d'enfants dans les bras, avec lesquels il gela dans une baraque du camp de concentration, devenant pour eux le meilleur saint Nicolas ; voici une femme avec une bougie dans les mains ; voici un évêque anonyme… Ils sont nombreux, ils sont devenus une vive illustration des paroles du Christ : "Nul n'a plus grand amour que celui-ci : donner sa vie pour ses amis." (Jn 15,13). Ils sont presque dans chaque famille. Notre devoir : parler d'eux à nos descendants.

PRIÈRE AUX PIEDS DE L'ICÔNE DES NOUVEAUX MARTYRS

Seigneur, Créateur de l'univers, des mers, des étoiles, des oiseaux du ciel, des montagnes, des bois, et de tout ce qui est en eux. Je suis debout devant Ta grandeur, moi, créature de Tes mains. Tu vois ma faiblesse ; prends pitié de moi et donne-moi la Force de Ton Esprit pour finir le travail entrepris. Pas pour ma gloire, mais pour le salut de l'âme et la gloire de Ta personne. Pour que chacun et chacune, regardant cette icône, Te voit en premier lieu, Te rende grâce, vénère tes saintes plaies par la force de nos saints martyrs, qui ont donné leur vie comme sacrifice pour la multitude. Car Tu es notre Dieu, Et nous tes créatures, Seigneur, Nous invoquons Ton nom, Père, Fils, et Saint Esprit. Amen.

           

© Ivanka Dymyd

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3 Commentaires

  1. Revoir l'icône que nous avions admirée à Lviv ! Un vrai bonheur !
    Merci Aude de nous partager votre passion pour l'Art des icônes. Les explications sont très intéressantes et
    nous invitent à la contemplation du Christ en compagnie des Saints Martyrs.
    Merci à vous, Aude et ä vous Ivanka de nous offrir cette approche de la Beauté….et de la prière !
    Continuez !