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Un « véritable bain de boue et de lumière. »

de Séverine Dubois         27 août 2011

Lima (Perou), juillet 2011.

Notre ami Jordan en ce dernier mois de mai nous a fait entrer une nouvelle fois, et toujours plus en profondeur, dans le mystère de souffrance qu’abrite notre quartier. Plus que jamais, il a rejoint cette mystérieuse communion des souffrants, communion des souffrants entre eux, communion des souffrants aux souffrances du Christ, à son calvaire et même à son agonie, au point que nous avons pu faire nôtres les paroles de Benoît XVI : « Ce soir, nous avons accompagné dans la foi Jésus qui parcourt la dernière étape de son chemin terrestre, l’étape la plus douloureuse, celle du Calvaire. ».

[…] Pendant quinze jours, nous nous relayons, jour et nuit avec Palmira, sa grand-mère, pour accompagner Jordan dans ce que nous pensons être « la dernière étape de son chemin terrestre ». Les jours passent au gré de nouveaux pics de fièvre pour notre ami, au gré des démarches administratives pour notre part, démarches qui relèvent du parcours du combattant.

[…] Au fil des jours, l’hôpital se convertit peu à peu en une école d’humilité et de patience. Palmira, ne cesse d’être pour nous ce modèle édifiant d’humilité et Jordan, la source qui suscite et re-provoque sans cesse, notre compassion.
Ils sont de ces personnes qui font renaître en nous une humanité parfois oubliée ou mise de côté. Etre lumière, serait-ce, au milieu de cette boue, la mission de Palmira et de Jordan ?

À ses côtés à l’hôpital, j’ai passé une nuit entière pour méditer sur le sens de sa souffrance. Jordan est là. Des tuyaux un peu partout, un corps fiévreux depuis dix jours, des convulsions qui ne veulent pas le laisser en paix. Dans cette agonie qui s’unit profondément à celle du Christ, Jordan ne cesse de me surprendre. Le tube qui sert à l’alimenter l’empêche de respirer correctement, la cortisone censée lutter contre l’infection généralisée lui fait gonfler tout le corps. Chaque jour qui passe, je me demande à quel surplus de souffrance notre ami sera confronté. Mais lui, lutte. Pourquoi ? On le donne mort. Il ne lâche pas. Pourquoi une telle agonie ? Quand cessera-t-elle ? N’est-ce pas bientôt fini… Cette question me revient comme un refrain. Je m’interroge sur la valeur de cet absurde. Mais il semble que la mission de notre ami ne soit pas encore achevée. Plus il s’affaiblit et plus on peut surprendre autour de lui des personnes qui se laissent toucher. Que ce soit certains de nos amis qui à leur tour veulent passer une nuit à ses cotés, dans le fond j’en suis sûre, convaincue que dans cette chambre de l’hôpital se vit quelque chose de grand, que ce soit les gardiens qui peu à peu nous laissent passer, les infirmières qui s’adressent à Jordan avec plus de douceur, la police qui nous accompagne et nous attend. Que ce soit nous-mêmes, ma communauté qui grandit de manière si belle dans la charité, que ce soit moi qui ne peux que me reconnaître si pauvre mais pleine d’une immense gratitude.

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1 Commentaire

  1. gabrielle bonansea

    Personne ne connaît le Fils sinon Père et personne ne connaît le Père sinon le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler ( St Matthieu 11,25-28 ) Je prierai une dizaine de chapelet spécialement pour  Jordan ,ce soir.