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Début novembre, le mois du film documentaire s'est ouvert en France. « La vie dans les marges, regard sur la folie », c'est le thème choisi par la médiathèque de Hyères pour cette douzième édition.  Avec  « La moindre des choses », documentaire tourné au sein de la clinique psychiatrique de la Borde, c'est bien un regard nouveau que le réalisateur, Nicolas Philibert[1], invite à poser sur les pensionnaires de ce drôle d'hôpital.

Août 1996. C'est sur un chant vibrant, profondément humain, empli de souffrance que s'ouvre le film. Violaine, une des malades, chante à gorge déployée la perte de son Eurydice, dans le parc aux arbres immenses de la clinique de La Borde. La caméra suit ensuite des yeux ceux qui veulent bien se laisser voir. Des hommes, qui marchent, souvent courbés. Quelle est leur quête ? se demande le spectateur, d'emblée invité à s'interroger sur leur destinée.

Puis c'est toute la vie à La Borde qui est découverte à celui qui regarde. La vie dans ses petits riens, ses petites choses du quotidien : la mise du couvert, la préparation des repas et le hachage vigoureux du persil par l'un des pensionnaires, la répartition des comprimés… Plus encore que le quotidien dans la clinique, ce sont des personnes qu'apprend à connaître le spectateur. Et la caméra s'arrête souvent de longs moments sur un visage, comme pour inviter à scruter un mystère, plus loin que les symptômes apparents de la maladie, de l'angoisse, de la solitude. Elle saisit des moments bouleversants,  lorsque Claude se fait tailler la barbe, ou que Sophie tente d' exécuter le portrait d'une de ses amies. Le premier implore son barbier d'arrêter de couper, la seconde son modèle de cesser de bouger. Des cris plus que des demandes. Des scènes qui dévoilent l'immense vulnérabilité de ces personnes, leur douleur, mais aussi  la présence, à leurs cotés, de soignants et d'éducateurs, profondément humains qui leur permettent de continuer à vivre, et à avancer, avec leurs peurs et leurs fantômes. Des moments drôles ? Il y en a aussi et de nombreux, tant les pensionnaires de La Borde se dévoilent sans fard. Ainsi Michel conseille t-il au spectateur : « Ne parlez jamais de votre santé à un médecin, parce qu'il pourrait vous asservir… ». 

Pour filmer ce qui constitue le quotidien de La Borde, Nicolas Philibert a profité de l'effervescence d'une répétition théâtrale : chaque année, pour le 15 août, pensionnaires et soignants jouent ensemble une pièce de théâtre dans le parc du château. Cette année-là, c'est « opérette » de Witold Gombrowicz, fantaisie joyeuse et grinçante, qui sera jouée. Le documentaire « La moindre des choses » est ponctué par les répétitions, la découverte, pas à pas, des talents cachés d'acteurs, de musiciens ou de chanteurs. Chacun est appelé à donner ce qu'il est, comme il peut. Des premiers balbutiements de répliques à la recherche des costumes,  le spectateur est convié à toute une aventure, dont l'apothéose est la représentation finale.

A la fin du film, nul doute que les visages de Claude, Sophie, Michel et des autres lui seront devenus familiers, et qu'il aura, peut-être un peu, l'impression, d'avoir partagé leur destinée. Laissons d'ailleurs Michel conclure : « A la Borde, je me sens en sécurité, parce qu’ici on est entre nous ». Puis d'ajouter : « Maintenant, vous aussi, vous êtes entre nous.  »


[1] Réalisateur de  Être et avoir , 2002 ; Retour en Normandie , 2007 ; Nénette, 2010.

 

 

 

 

 

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