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Les enjeux politiques du nucléaire en France, dans le contexte de l’élection présidentielle

de Claire Fortin, rencontre avec Jean-Louis Basdevant (2/3)         17 décembre 2011

Jean-Louis Basdevant, le nucléaire sera un grand enjeu de la campagne présidentielle 2012. L’actualité contient régulièrement des éléments de la lutte politique menée autour de cette question. Récemment, le président Sarkozy a accusé l’alliance PS-EELV de vouloir tuer l’industrie française avec le projet de passer de 80 à 50% d’énergie nucléaire en France d’ici 2025. En retour, il s’est vu accuser de mensonge et s'est fait traiter de « président du siècle dernier ».

Quel est votre avis sur la question de la réduction de la part du nucléaire dans la production énergétique française ?

Il y a en France 58 réacteurs. Arrêter un réacteur et le démanteler prend de nombreuses années, techniquement parlant. On sait le faire, mais c’est très long.
Les Allemands ont encore neuf réacteurs qui ne seront arrêtés qu’en 2022.
En France, il n’est pas question d’arrêter le nucléaire, mais il faut diminuer sa part. Passer de 75 ou 80% à 50% d’ici 2025 comme l’a annoncé François Hollande, cela me paraît  même un peu juste.

Mais il est nécessaire d’arrêter certains réacteurs particulièrement dangereux. Je prends l’exemple de la centrale de Fessenheim, la plus vieille du parc français.
Les réacteurs sont abîmés, il faut les changer, c’est une chose. Mais surtout, ils s’alimentent en eau froide au canal d’Alsace et sont en aplomb de la plus grande nappe phréatique de France (33 milliards de mètres cubes d’eau). Les soubassements en béton ne font qu'un mètre de hauteur contre six pour les nouveaux réacteurs EPR. Et la vallée du Rhin est la région la plus industrielle et la plus peuplée d’Europe (elle s’étend de Bâle à Amsterdam et est surnommée « la banane bleue d’Europe »). En plus, ce sont les réacteurs situés dans une des régions à plus haut risque séismique de France. Avec tous ces facteurs, même si l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire) dit qu’il faut changer quelques éléments trop vieux, je dis qu’il ne peut pas y avoir d’installations si porteuses de risques à cet endroit-là. Cette localisation précise ferait d’un accident une catastrophe européenne effroyable. Si on n’est pas absolument sûr de la sécurité à cet endroit-là, on le ferme.
Je suis moins sévère au sujet de centrales qui sont dans des régions beaucoup moins habitées ou qui ne sont pas sujettes à des risques écologiques aussi importants que celle de Fessenheim.
Les autres centrales à haut risque sont celles qui sont situées dans la vallée du Rhône, il faudrait peut-être songer à les arrêter aussi.

Le réacteur EPR (European Pressurized Reactor) est une bonne avancée. Il y en a actuellement quatre en chantier : un à Flamanville, un en Finlande et deux en Chine (ce sont ces deux-là dont la construction avance le plus rapidement, les ingénieurs d’EDF le disent).
On est en train de travailler sur les projets de réacteurs de génération 4, mais cela prendra des dizaines et des dizaines d’années pour que les progrès qu’ils présentent soient appliqués à toutes les centrales.

Dans l’immédiat, en France, je pense que l’EPR doit déjà remplacer dans des délais courts certains réacteurs à hauts risques. Cela n’empêche pas qu’il faut développer des énergies alternatives et les économies d’énergie (en chauffage et en éclairage notamment).
On a appris très récemment que la Chine était le premier producteur mondial d’énergie renouvelable, ce qui a fait un choc à l’Allemagne. Les Chinois ont investi 48 milliards d’euros en 2010 et 49 milliards en 2011 en cellules photovoltaïques et dans l’éolien, ce qui leur a permis de produire sur ces deux années 17 gigawatts, c’est-à-dire l’équivalent de 12 ou 13 centrales nucléaires.

Il faut bien le reconnaître, en Europe nous sommes plus qu’à la traîne.

 

Dans le troisième et dernier post de cette interview, Jean-Louis Basdevant replacera la question du nucléaire sur l'échelle du développement humain mondial.

 

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3 Commentaires

    1. J-L Basdevant

      Je ne pense pas avoir dit qu'il faille "s'accrocher" au nucléaire. J'ai donné quelques faits, sans prendre parti, car je pense que les citoyens doivent être informés, puis décider. Votre suggestion de 50 ans est tout à fait envisageable. Il y en a beaucoup d'autres, ne serait-ce qu'abandonner le nucléaire bien avant. Ce qu'il faut est une réflexion globale, européenne, mondiale, pas uniquement nationale, sur l'énergie. Alors se dégageront les voies d'avenir, et de sagesse, pour l'humanité.

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