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La Ciudad Abierta, architecture de la plénitude

Interview de David Jolly par Denis Cardinaux       6 janvier 2011

La Ciudad Abierta[1] est le fruit d’une rencontre entre un « peuple » d’architectes et un poète[2]. Depuis « l’ouvert » restauré par la parole poétique, ils ont entrepris de refonder les modèles culturels par lesquels on conçoit l’habitat en Amérique Latine. Rencontre avec David Jolly, actuel responsable de la cité de Ritoque au Chili.


Image Iman Estudio Creativo

1-    Pouvez-vous éclairer pour nos lecteurs les liens que vous faites entre la poésie et l’architecture ?

Pour le dire simplement, la parole dit et l’architecture fait. La parole est inaugurale elle parle du temps : il est l’heure de nous occuper de l’Amérique. Il est l’heure de fonder une cité ouverte. L’architecture est un art qui s’origine dans l’acte d’habiter. L’architecture, avec son œuvre, donne consistance à la résidence humaine depuis la contemplation de la vie et de la cité. Celui qui entretien une telle relation avec l’origine de l’œuvre, peut entendre une parole poétique précisément parce qu’elle est originale, originaire et originante.

Une œuvre ainsi conçue ne part pas de ce qui est meilleur, ou améliorable, autrement dit, des besoins, qui sont de soi sans limites, mais elle perçoit cette possibilité de la condition humaine dont un des noms est la plénitude. Il revient alors à l’artiste de la mettre en évidence dans l’espace pour que cette plénitude puisse être vécue[3].

2-    Quel est le lieu de la gratuité dans cette expérience ?

La gratuité, comme telle est une expérience quasi inatteignable pour la condition humaine. Elle est un don sans retour. Des expériences exceptionnelles peuvent diminuer l’importance des gratifications, mais elles ne parviennent pas à les exclure. Un autre terme – dérivé du premier – se laisse davantage approché par notre expérience : c’est la gratitude. Notre continent a été largement exploité pour ses richesses naturelles au cours d’un régime colonial. Celui qui n’entretient aucune ouverture sinon à la parole « exploitation », doit émigrer, car il ne révèle pas la terre et ne permet pas une véritable résidence. Le poète, quant à lui, ouvre à une nouvelle manière de se lier avec l’étendue de l’Amérique et la nomme la gratitude envers la terre. Il peut alors offrir une manière de résider authentiquement américaine.

3-    Comment la Ciudad Abierta a-t-elle influencé l’exercice de votre métier d’architecte ?

La tâche de l’architecture possède divers modes d’être. Pour certain, il s’agit d’une technique, d’une profession, d’un moyen de gagner sa vie ou d’un hobby.

Le chemin qu’il nous incombait de parcourir est celui de l’art. Nous avons été saisis par la tâche et par ses exigences. Dans l’art, l’œuvre est plus grande que l’artiste. On ne peut pas dire que nous ayons été influencés par quoique ce soit, mais que nous avons été transportés par la puissance de la parole et de la contemplation. C’est bien ce chemin qui est celui de la liberté. Il part du libre choix pour construire une liberté sans options qui est celle qui « ouvre à la réalité ou au chant ».

Une video sur la Ciudad Abierta extrait du film de Cecilia Vicuña

 

Des images de la Ciudad Abierta : Images

Le site de la corporation Amereida


[1] « Ciudad abierta » : cité ouverte.
[2] C’est en particulier l’amitié entre Alberto Cruz, professeur d’architecture à l’Université Catholique de Valparaiso, et Godofredo Iommi, auteur du poème monumental l’Améréide (contraction de « Amérique » et Enéide) écrit au cours d’une des fameuses « Traversées » d’Amérique Latine, qui fut à l’origine de cette expérience qui dure depuis plus de 50 ans.
[3] Pour David Jolly, il n’y a donc architecture que « là où l’architecte prend un risque ».
 

 

 

 

 

 

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