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Crédit à la consommation et responsabilité

« Sem Entrada » (sans ticket d’entrée) proclame fièrement le prospectus d’un magasin d’électroménager de Simões Filho, petite ville de l’état de Bahia au Brésil. Pas besoin de payer tout de suite, vous paierez la balance en plusieurs mensualités… Le crédit à la consommation est en plein boom à Simões Filho, comme dans le reste du pays. Même la petite pharmacie non loin dudit magasin d’électroménager a sa vendeuse dédiée à la promotion de la carte de crédit maison. Tout ou presque peut s’acheter à crédit, jusqu’aux places pour le Carnaval. Avec souvent des taux d’intérêt exorbitants : plus de 90% pour cette batterie de cuisine dans le magasin à la publicité « sem entrada ». Mais on repart du magasin les bras chargés, sans avoir encore payé.

Et si, par malheur, on n’est pas organisé, si on ne paie pas à temps, par paresse, parce qu’on est un peu juste, parce qu’on oublie, « la chose devient une boule de neige et devient impayable à cause des taux d’intérêt de 9%, 10% et jusqu’à 13% par mois », observait avec justesse le sénateur brésilien Delcídio do Amaral, le 27 avril dernier.

Et que dire des vendeurs ambulants qui proposent leurs propres produits à crédit sans aucun contrôle ? C'est ainsi que notre amie Sra Ana se retrouve avec une batterie de cuisine dont elle n’a pas vraiment besoin et dont le vendeur vient lui réclamer 280 reals quelques jours plus tard.

Carte bancaire « sem juros », « sans intérêts » proclame les dépliants de la pharmacie. Bonnes affaires ? Peut-être mais bien souvent, à force d’accoutumance, « les repères peu à peu se perdent », reconnaît une amie d'un quartier pauvre qui a payé 1,5 fois le prix de son réfrigérateur en achetant un peu rapidement à crédit. Le crédit à la consommation devient addictif.

Quel est l’apport du crédit à la consommation à la société ? La rend-il plus humaine ou pollue-t-il le jugement de l’homme tout en l’entraînant dans une dépendance ?

« Vous pouvez séduire quelqu’un en « polluant » son jugement, cela ne dure pas, ou bien en le mettant en face des véritables problèmes qu’il a à résoudre. … Au fond la vérité est la seule séduction fondatrice » [1] observe l’industriel François Michelin. Le gouvernement brésilien travaille à réduire les taux d’intérêt des banques. Mais qui aidera le consommateur brésilien à trouver sa dignité d’être humain ? L’acte d’achat est un acte responsable, libre, qui a des conséquences. Il peut être un acte « sem entrada », effraction d’un homme esclave de ses pulsions, mais ne peut-il pas être plutôt un acte responsable, porte d’entrée vers une plus grande dignité humaine ?


[1] « Et pourquoi pas ? », François Michelin, Ed. Grasset, p. 51

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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