Home > Eglise > Le Père Ceyrac est mort

Le Père Pierre Ceyrac, sj, est décédé ce mercredi 30 mai à Chennai après avoir passé plus de cinquante années en Inde et douze ans au Cambodge, laissant derrière lui l'image d'un homme d'une profonde compassion. Il avait 98 ans.


Père Pierre Ceyrac au Jardin de la Miséricorde, Inde ©Points-Coeur

 

« Tout ce qui n'est pas donné est perdu ». Ce proverbe sanskrit était comme son leitmotiv. Alors que le Père Ceyrac a achevé sa vie sur terre hier matin, on ne peut que constater qu'elle a été à l'image de ces mots : un combat pour tout donner. Mais le tout, dans une profonde légèreté, une joie de vivre et un enthousiasme communicatif.

Il est arrivé en Inde tout jeune jésuite. C'était en 1937, il avait vingt-trois ans. En bon missionnaire il s'est énormément intéressé à la culture du pays et a pris les grands moyens pour la découvrir puisqu'il a été le premier occidental à passer une licence de tamoul. Surtout, dès le début, il a vraiment voulu connaître le pays, le sillonnant à moto, rencontrant les gens, montrant une grande sensibilité envers les plus pauvres. Il organisa des campagnes "d'ouverture du cœur" des étudiants aisés dont il était devenu l'aumônier. Plus tard, il mit en route des projets ambitieux pour venir en aide aux plus pauvres de manière très concrète,  avec, comme désir principal, de manifester la dignité et la beauté des personnes les plus pauvres, les plus rejetées. Et qui mieux que lui savait s'attendrir devant la beauté d'une vieille femme ou d'un petit enfant abandonné…

Devant la souffrance de ceux qu'il rencontrait, il était entre la révolte, la compassion et les pleurs. Combien de fois nous l'avons entendu parler de la situation de telle famille touchée par un drame, sans pouvoir finir son récit tant il était ému de compassion devant la vie de ces gens. Qui pourra oublier ses « assez, c'est assez ! », qui résonnaient comme un cri devant la souffrance des réfugiés cambodgiens.

Même s'il faisait beaucoup d'un point de vue matériel et parce qu'il avait su générer beaucoup de générosité, il apportait surtout une présence, une chaleur, une reconnaissance à des personnes qui au-delà de leur situation matérielle souffraient surtout du rejet et du regard de la société sur elles.

Et puis, dans les années 80, il lui est demandé de partir dans les camps de réfugiés khmers à l’est de la Thaïlande. Immédiatement il se passionne pour le sort de ces milliers de personnes qui ont fui la guerre et les tortures du régime. Sa passion est communicative au point qu'il attira sur les lieux du camp bon nombre d’ONG. Le fondateur de l’Association Points-Cœur se rendit lui-même sur place : la fondation ne put cependant aboutir car on était près désormais de la fermeture des camps, mais l’amitié avec le Père Ceyrac ne cessa de demeurer et de grandir. A un certain point notre fondateur pensa à fonder un Point-Coeur dans un de ses camps et entama même les démarches en ce sens. Cela ne se réalisa pas mais le lien avec le Père Ceyrac demeura et grandit.

Rentré en Inde, il aida à implanter un nouveau Point-Cœur à Chennai (Tondiarpet), un quartier qu'il connaissait bien, y ayant fait lui-même construire des maisons pour les pauvres. Il se montra toujours très disponible auprès des volontaires qui venaient lui rendre visite de manière régulière. Il fut aussi présent au moment de la genèse du Jardin de la Miséricorde, village d'accueil Points-Cœur. C'est lui qui l'a béni en l'an 2000 au moment des débuts. Il y fut plusieurs visites. C'est un lieu qu'il aimait. Une fois, lors d'un de ses passage, émerveillé par la beauté des lieux et conquis par la vie qu'il pouvait y percevoir, il rêva tout haut de s'installer dans un village voisin pour vivre à proximité !

Lors de ses séjours en France, il intervint plusieurs fois au cours des stages de formation, touchant les futurs volontaires par sa passion pour l'homme, pour les pauvres, pour Dieu… En 2004, il participa aussi à une conférence à Paris aux côtés du Père de Roucy, manifestant combien il se sentait proche de l'intuition de PC : "Je me rends compte de plus en plus que l'important n'est pas de faire des choses, mais d'être.”

Ces dernières années, il avait beaucoup diminué, et était tombé malade plusieurs fois. Cependant, si son corps s'affaiblissait, si sa mémoire flanchait de plus en plus, son cœur d'enfant n'en était que plus resplendissant. Il vivait au présent, ne se plaignait que peu même s'il était souvent angoissé. Il voulait toujours se lever, partir quelque part ! Il ne tenait pas en place, oubliant ses jambes chancelantes. Surtout, quel que soit le visiteur, il esquivait rapidement les questions sur lui pour s'intéresser à celui qui était venu le voir, manifestant une curiosité et un enthousiasme sincères. Dans la vieillesse, c'était son cœur qui se révélait : un cœur d'enfant, plein de tendresse, éduqué par la grâce.
Un cœur exigeant aussi. Il aimait rapporter ces mots de St Vincent de Paul à la Reine de France qui, au soir de sa vie, constatant sa tristesse, lui demanda ce qu'il aurait pu faire de plus pour les pauvres. Il répondit : « Davantage, Madame. Davantage. »

Quelle invitation à marcher dans le sillon de cet homme de Dieu qui a su générer l'enthousiasme autour de lui !

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3 Commentaires

  1. Bruno ANEL

    Je l'ai rencontré il y a prés de 50 ans, à l'occasion d'une conférence donnée devant les élèves du collège jésuite de Toulouse. Je crois me souvenir que son apparence était déja un peu celle qu'on  a connue dans son grand âge : fluet, ridé, une voix douce, une humilité à toute épreuve.

  2. claire

    ayant eu l'occasion,grace à notre fils en prepa à versailles,de l'ecouter puis de lui serrer la main et d'échanger qqs mots,j'ai été saisi par son regard de bonté et de lumière;regard qui ,en meme temps traduisait l'urgence de nous aimer les uns les autres sans limite.J'ai tout de suite su que je serrais la main à un saint…