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De Jean L. 

Par sa victoire à l’US Open, Andy Murray entre à l’âge de vingt-cinq ans dans la cour des grands. Jusqu'alors, quatre finales de Grand Chelem perdues, toutes plus ou moins pour la même raison : la fameuse « peur de gagner ». Hier, au bout de cinq heures d’une lutte haletante contre Djokovic, Murray exulte, c’est fait !


© CC BY Angela N.

Doté d’un jeu de jambes extrêmement précis, grand admirateur de Miloslav Mécir[1] – champion slovaque des années 1990 trop peu connu, surnommé le « chat » –, Andy Murray mériterait bien de recevoir ce même surnom pour sa démarche féline aussi bien que pour son instinct, ses réflexes et sa vivacité dès qu’un échange s’engage et tout cela contrastant avec une nonchalance d’éternel adolescent entre les points. Au-delà du jeu de jambes, Murray incarne une conception du tennis qui est aimée ou détestée : celle du contre. Chaque partie de Murray est unique car elle se construit en fonction du jeu de l’adversaire. Il n’y a ainsi pas eu un Murray à New York ces derniers quinze jours, mais huit Murray : celui de Raonic, celui de Berdych, celui de Djoko en finale etc… S’appuyant sur quelques fondamentaux, il construit peu à peu ses points, ses jeux, son match, comme un joueur d’échecs, en fonction de l’autre. Dominant parfaitement les diagonales (coup droit croisé, revers croisé), il s’ouvre ainsi régulièrement le champ pour les coups le long de la ligne ou les prises de risque inattendues, à contre-pied. Alternant les coups rapides et les échanges sans consistance, il empêche ses adversaires de se régler, les maintenant sous pression dans une certaine inconnue. Excellent volleyeur, il rechigne malgré tout à porter son jeu davantage vers l’avant, s’insérant dans la tendance du tennis moderne actuel où la lourdeur des frappes des premiers cadors du circuit mondial effraie même les meilleurs spécialistes du filet.
Bon serveur, excellent passeur, mais surtout stratège, il n’est pas rare de l’entendre régulièrement se plaindre lors des matchs plus difficiles : « I’ve no idea » ! Cette dimension « réfléchie » de son art explique peut-être ses tergiversations et ses monologues parfois désagréables, ses ratés dans des matchs à enjeu.

Ivan Lendl, présence très forte, exigeante et silencieuse, coach de Murray depuis six mois, est peut-être la première explication de ce cru 2012 exceptionnel pour le Britannique. Le premier palier franchi avec la médaille d’or aux Jeux Olympiques de Londres le conduit maintenant à ce premier titre du Grand Chelem à l’US Open et peut-être à bien d’autres encore. Pour ce « fils-à-maman », régulièrement taquiné par ses amis pour la présence envahissante de celle-ci, toujours à ses côtés dans les tribunes du monde entier, c’est peut-être la découverte d’un autre type de relation, celle d’un boss qui ne lui passe plus rien et qui le rassure à la fois. Au cours d’une interview, Ivan Lendl résumait sobrement son rôle : « Si j’ai accepté de le coacher, c’est que j’ai découvert dans son jeu des choses que lui seul était capable de faire. Cela m’a plu et je me suis dit, pourquoi ne pas l’aider ? ».


CC BY-NC-ND asterix611

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2 Commentaires

  1. Pierre D.

      Andy murray, c'est surtout le bad boy du tennis britannique – un peu dans la lignée de John Mc Enroe, le champion américain d’ascendance écossaise, inclassable lui aussi, insupportable et à la fois génial pour son placement et son sens du jeu. Cette confiance enfin trouvée inaugure de bien belles choses pour Murray et c'est pour la plus grande joie des amateurs de la petite balle ronde.   

  2. Marie Lefort

    Une personnalité à part entière qui émerge, un style unique qui vient déstabiliser la trinité en place dans le petit monde du tennis depuis quelques années : Federer-Nadal-Djokovic. Puis surtout c'est cet  acharnement sur chaque point, chaque balle, chaque course, ce vrai sens du dépassement qui fait du bien à voir et qui rend Murray attachant. Le sport, ça rapporte gros, voire très gros, mais c'est finalement si gratuit !